Thibaut Rioult.
A la suite de ma conférence du
lundi 27 mars sur la mnémotechnie à la réunion du Club des Magiciens
Collectionneurs de la F.F.A.P, Thibaut Rioult a eu la gentillesse de nous
informer qu’il venait de publier un article sur l’illusionnisme (disponible
en téléchargement en PDF), dont je vous donne les coordonnées exactes :
RIOULT,
Thibaut. La maîtrise des apparences : l'illusionnisme, un art de la séduction.
L'Atelier, [S.l.], v. 8, n. 2, p. 111-132, févr. 2017. ISSN 2109-9103.
Disponible à l'adresse : http://ojs.u-paris10.fr/index.php/latelier/article/view/462.
C’est une étude qui propose par
exemple d'introduire la notion d'image agente ou frappante dans les
approches de l'illusionnisme, et peut ainsi prolonger les réflexions sur la
mnémotechnie dans un autre domaine.
Pour moi, l'article de Thibaut Rioult est à la fois passionnant, très juste historiquement, documenté avec précision et bien écrit. Comme d’habitude, afin de vous
inciter à vous précipiter sur cette lecture, je vous en donne un extrait.
Séduction et maîtrise de l’attention
La notion de « détournement d’attention », clef de la magie moderne
37. La maîtrise de l’attention est la principale clef de cet
effacement. Le contrôle de la structure du visuel est source de ce pouvoir. La
communauté magique anglophone fait un usage immodéré du terme misdirection
(détournement d’attention) pour indiquer cette capacité à éloigner le regard
des causes effectives. L’ingénieur et magicien britannique Nevil Maskelyne
(1863-1924) et le magicien David Devant (1868-1941) publièrent en 1911 Our
Magic, l’un des premiers ouvrages théoriques consacrés à l’illusionnisme dans
lequel ils expliquent que ce qu’ils appellent misdirection « consiste, en
vérité, à égarer (mislead) les sens du spectateur afin de masquer certains
détails devant rester secrets ». 55
38. Conçu comme la « pierre angulaire de toute magie réussie
»56, c’est un des concepts clefs de l’illusionnisme du XXe siècle, voire le
concept majeur. Il repose sur la notion d’attention sélective, qui établit que
le spectateur ne peut se concentrer efficacement que sur un élément à la fois.
39. Difficilement traduisible, il est généralement rendu par la
notion de détournement d’attention, mais le terme de « séduction » pourrait
aussi bien en constituer un écho immédiat, puisqu’il tire son origine de seducere
(conduire à l’écart). Penser ce concept sous cet angle permet d’en voir
rapidement la limite : de même que la séduction n’est pas mensonge de l’instant
et simple détournement, ce jeu avec l’attention doit être ré-envisagé d’une
manière plus ample.
40. C’est ce que préconise Tommy Wonder (1953-2006), immense
artiste illusionniste hollandais, qui opère un saut théorique qualitatif de
première importance en remettant en cause la version restreinte du détournement
d’attention (misdirection) dans le premier chapitre « La maîtrise de
l’attention » (Attention management) de son ouvrage fondamental, The Books of
Wonder.
55 Maskelyne, Our
Magic, 189 : « It consists admittedly in misleading the spectator’s senses,
in order to screen from detection certain details for which secrecy is required
» (ma traduction).
56 Waters, The Encyclopedia of Magic
and Magicians, 232 : « Misdirection is the cornerstone of nearly all
successful magic » (ma traduction).
Voilà. C’est tout pour le moment.
Amitiés à tous.