samedi 23 février 2019

Pause dans le blog avec Osho (vingt troisième partie) (Le livre des secrets, « Le monde des Tantras », deuxième partie).



   
Osho

  
Osho au départ ne s’appelait pas Osho. Il est né sous le nom de Rajneesh Chandra Mohan Jain. Puis il s’est fait connaître dans les années 70 et 80 en se présentant comme Bhagwan Shree Rajneesh. Il publie en 1974 The book of secrets (Le livre des secrets), un livre au titre mystérieux mais au contenu passionnant. Osho est pour moi un des écrivains qui a le mieux parlé de la spiritualité et de la méditation. Il était mystique mais ne croyait à aucun dieu. Il a fait scandale avec la révélation de sa grande fortune personnelle (il possédait plusieurs voitures de luxe). Il y a plusieurs ouvrages de lui que j’ai beaucoup aimés (par exemple Être en pleine conscience, une présence à la vie et Autobiographie d’un mystique spirituellement incorrect).


Cet article est la suite de celui-ci.

Le monde des Tantras (deuxième partie)

Le second point que je veux souligner, c'est qu'il est question d'un autre type de langage. Il faut savoir certaines choses avant d'y pénétrer. Tous les traités tantriques se composent de dialogues entre Shiva et Devi. Devi questionne et Shiva répond. Tous les traités commencent comme ça. Pourquoi ? Pourquoi cette méthode ? Elle est très significative. 

Ce n'est pas un dialogue entre un maître et son disciple c'est un dialogue entre deux amants. Le tantrisme prend alors un sens particulier : les enseignements les plus profonds ne peuvent se donner, s'il n'y a pas d'amour entre celui qui enseigne et et celui qui  apprend, entre le disciple et le maître. Il faut que le disciple et le maître deviennent profondément amoureux. Il faut qu'un amour profond les lie. Ce n'est que dans ces conditions que le plus noble, l'au-delà, peut être exprimé.


C'est donc un langage d'amour : le disciple doit être dans une attitude d'amour. Ce n'est pas non plus suffisant, parce que des amis peuvent être amants. Les tantras disent que le  disciple doit être en état de réceptivité. En état de réceptivité féminine. Ce n'est que dans ce cas que quelque chose est possible. Il ne faut pas nécessairement être une femme pour être un disciple, mais il faut être en état de réceptivité féminine. Devi demande, la femme demande. Pourquoi cette emphase sur l'attitude féminine ?

L'homme et la femme ne sont pas seulement différents physiquement : ils le sont aussi psychologiquement. Le sexe n'est pas uniquement une différence corporelle. Il implique également une différence psychologique. L'esprit féminin est réceptivité — réceptivité totale, reddition, amour. Il faut que le disciple se mette dans un état de psychologie féminine. Autrement, il ne pourra pas apprendre. Vous pouvez poser des questions : si vous n'êtes pas ouvert, vous n'obtiendrez pas de réponse. Vous pouvez poser une question et rester pourtant fermé. La réponse ne peut, dans ce cas, vous pénétrer. Vos portes sont fermées ; vous êtes mort. Vous n'êtes pas ouvert.

La psychologie moderne, la psychologie des profondeurs, affirme à présent que l'être humain est à la fois homme et femme. Personne n'est uniquement mâle ou femelle. Tout le monde est bisexué. Les deux sexes coexistent en chacun de nous. C'est une nouvelle découverte pour l'Occident mais c'est un des concepts tes plus fondamentaux des tantras depuis des milliers d'années. Vous avez dû voir des représentations de Shiva en ardhanarishwar — mi-homme, mi-femme. C'est un concept unique dans l'histoire de l'homme. Shiva est à la fois homme et femme.

Ainsi Devi n'est pas seulement sa conjointe. Elle est l'autre moitié de Shiva. Et si le disciple ne devient pas l'autre moitié de son maître, il est impossible de lui communiquer les enseignements les plus élevés, les méthodes ésotériques. Quand vous ne faites plus qu'un avec le maître, totalement, profondément, alors, le doute n'existe plus. La discussion, la logique, la raison, n'existent plus. Vous absorbez, tout simplement. C'est alors que l'enseignement commence à croître en vous, à vous transformer.

C'est la raison pour laquelle, les tantras sont écrits dans le langage de l'amour. Il me faut donner là quelques précisions. Il existe deux types de langage : le langage logique et le langage de l'amour ; et il y a entre les deux des différences fondamentales.

Le langage logique est agressif, il prête à discussion, il est violent. Quand j'utilise le langage logique, j'agresse votre pensée. J'essaie de vous convaincre, de vous convertir, de faire de vous une marionnette. Mon argument est « juste » et vous, « vous avez tort ». Le langage logique est égocentrique : « j'ai raison et vous avez tort, je dois donc prouver que j'ai raison et que vous avez tort. » Je ne me préoccupe pas de vous, je me préoccupe de mon moi. Mon moi a « toujours raison ».

Le langage d'amour est entièrement différent. Je ne me soucie pas de mon moi, je me soucie de vous. Je ne cherche pas à prouver, à renforcer mon moi. Je veux vous aider. J'ai envie de vous aider à croître, à vous transformer, à re-naitre. 

Deuxièmement, la logique est toujours intellectuelle. Les concepts et les principes sont signifiants. Les arguments sont signifiants. Dans le langage d'amour, ce qui est dit n'est pas aussi important. C'est plutôt la façon dont on le dit qui compte. Le contenant, le mot, n'est pas important. Le contenu, le message, est plus important. C'est une discussion cœur à cœur — et non un échange d'esprit à esprit. Ce n'est pas un débat. C'est une communion.




Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous.

Borges et le bouddhisme : étude de l’ouvrage " Qu’est-ce que le bouddhisme ? " par Jorge Luis Borges et Alicia Jurado (1976) (sixième partie : le bouddhisme zen, deuxième sous-partie).




Un moine zen.


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Pour provoquer le satori certains maîtres remplacent le koan par des moyens plus violents. A une demande de son disciple au sujet du voyage de Bodhidharma, Ma-Tsu l'envoie au sol d'un coup de pied. Le néophyte se met à rire et s'écrie : « Innombrables sont les vérités enseignées par les Bouddhas. Il n'y en a plus une seule maintenant que je ne comprenne avec toutes les autres. » D'autres maîtres avaient recours au cri, à la gifle ou à diverses autres formes de violence physique. Il y a des exemples moins excessifs. Te-Shan, avant sa révélation, avait choisi pour maître Ch'ung-Hsin. Il alla loger dans son monastère ; un soir qu'il méditait assis, Ch'ung-Hsin lui demanda : « Pourquoi n'entres-tu pas? » Te-Shan répondit : « Il fait sombre. » Le maître revint avec une bougie allumée et quand le disciple voulut la prendre, il la souffla ; Te-Shan comprit immédiatement la Vérité.

Si on compare la mystique chrétienne ou islamique à celle du bouddhisme, on notera entre elles les affinités suivantes : a) le mépris des schémas rationnels lorsqu'ils ne sont que des moyens ; personne ne pense que les nombreux volumes de la Somme Théologique puissent être l'équivalent de l'expérience de la Vérité; b) la perception intuitive, différente de celle que peuvent fournir les sens ; c) la connaissance absolue, qui nous donne une certitude complète, que l'exercice de la logique ne peut réfuter ; celui qui la possède peut se passer de prémisses et de conclusions. Une fois maître de la vérité, le mystique s'aperçoit que l'opposition des contraires se fond d'une certaine façon dans une réalité supérieure; il est donc aussi au-delà des valeurs de la morale courante. Quand saint Augustin écrivit : « Aime et fais ce qu'il te plaît », peut-être voulut-il dire que l'homme qui est parvenu à l'amour divin est incapable de mal agir ; d) l'annihilation du Moi. Notre vie passée est absorbée dans le grand Tout; la paix et le soulagement en sont la récompense immédiate ; e) la vision du multiple univers transformé en une unité ; f) une sensation de félicité complète.

Si nous considérons maintenant les traits qui les différencient, nous voyons que le bouddhisme se passe de toute relation personnelle avec un dieu, car c'est une doctrine essentiellement athée où il n'y a ni croyant ni déité. A l'inverse de ce qui marque le judaïsme et ses dérivations, le christianisme et l'islamisme, on note également l'absence de ces concepts pathétiques de faute, de repentir et de pardon. On n'atteint pas le satori par l'adoration, la crainte, la foi, l'amour de Dieu ou la pénitence ; il s'agit ici d'une discipline qui ne vise que la paix et élimine les émotions. Le maître Te-Shan ne pria jamais, ne demanda jamais le pardon de ses fautes, ne vénéra jamais l'image du Bouddha, ne lut jamais les écritures et ne brûla jamais d'encens. De tels actes étaient, à son avis, d'inutiles formalités; seule l'intéressait l'incessante et l'intense quête mystique.

Tai-Hui compare le satori à un incendie sur le point de nous consumer, ou bien à une épée nue qui peut nous tuer. L'univers entier est un koan vivant et menaçant que nous devons résoudre et dont la solution implique celle de tous les autres. Inversement, chacune des parties contient le tout (c'est ce qui se passe avec les nombres transcendants étudiés par Cantor, dont chaque série a le même nombre que le total) ; il suffit d'en comprendre une pour comprendre l'univers.

La compréhension intellectuelle de la doctrine du Bouddha n'est pas importante ; l'essentiel est une illumination intime, qui semble correspondre à l'extase. Souvenons-nous de la parabole hindoue du voyageur qui parcourt en été un désert et qui, croisant un autre voyageur, lui dit qu'il est mort de fatigue et de soif, et qu'il est à la recherche d'une source. L'autre lui indique le chemin. Cette indication n'apaisera pas sa soif et ne soulagera pas sa fatigue ; il faut pour cela que le voyageur parvienne lui-même à la source. Le désert est la naissance et la mort; le premier voyageur est tout être vivant; le second est le Bouddha; la source est le Nirvana. Comme tous les mystiques, le bouddhiste met en doute la valeur du langage et des raisonnements. Rappelons la parabole de la flèche, exposée par Gautama lui-même ; le Zen a repris cette tradition et fait passer le satori avant les rites, l'érudition et la discussion philosophique. Le satori est donc le principe et la fin du Zen; on l'a comparé à une fleur qui s'ouvre et s'épanouit d'un seul coup.



La suite donc sur le bouddhisme zen une prochaine fois comme dans les romans-feuilletons du dix-neuvième siècle ou dans les séries télévisées américaines actuelles. Amicales salutations.