mercredi 23 mai 2018

Vingt notions de base en Gestalt-thérapie (cinquième partie) (Le cycle de l’expérience, Gestalts inachevées).




Un livre de Fritz Perls

Des amis m’ont dit que certains concepts de la Gestalt-thérapie étaient pour eux difficiles à comprendre. C’est pourquoi j’ai décidé d’entamer une suite d’articles définissant 20 notions de base de la Gestalt-thérapie selon la classification adoptée par Serge Ginger dans son livre « La Gestalt, l’art du contact » 

Cet article est la suite de celui-ci. 


Concept 7 : Le cycle de l'expérience.

Toute action individuelle ou interaction relationnelle se déroule en plusieurs phases, constituant le cycle de l'expérience — encore nommé, selon les auteurs : cycle du contact ou cycle de satisfaction des besoins. Perls et Goodman distinguaient quatre phases principales : le pré-contact, la prise de contact, le plein contact et le post-contact.

Ce cycle-type ne se déroule pas toujours d'une manière régulière : pour Perls et Goodman, la pathologie est l'étude des aléas au cours de l'ajustement créatif. Perls définit le névrosé comme « une personne qui s'adonne de manière chronique à l'auto-interruption ». Ces perturbations du fonctionnement du self sont généralement appelées résistances. Elles peuvent constituer soit des mécanismes de défense appropriés à la situation soit, au contraire, des blocages anachroniques rigidifiés, attestant d'un fonctionnement pathologique d'évitement du contact authentique.

Au cours du cycle, le self fonctionne selon divers « modes » successifs (ça, moi, mode moyen, mode personnalité) qui dominent à tour de rôle.

Concepts 8 : Gestalts inachevées.

Normalement, dès qu'une action (psychique ou comportementale) est terminée, nous sommes disponibles pour une action nouvelle : c'est la succession ininterrompue des Gestalts, en formation puis destruction, constituant le continuum de conscience de toute personne en bonne santé psychique et fonctionnant dans la fluidité permanente.

Lorsque le cycle ne s'est pas déroulé d'une manière complète, la situation peut demeurer inachevée et constituer un élément pré-conscient de pression interne — soit mobilisateur, soit source de névrose. Ainsi, par exemple, une tâche interrompue (leçon à apprendre, rangement en cours, dégustation d'une tartine interrompue par un coup de téléphone, projet de sortie contrarié par un orage,...) peut demeurer présente et n'attendre que la première occasion pour se clore : c'est l'effet Zeigarnik — du nom de la psychologue gestaltiste russe Bluma Zeigarnik qui l'a étudié. Mais dans d'autres situations, cette pression peut se transformer en tension psychique lancinante et épuisante et constituer alors, à la longue, une cause de névrose : deuil ou séparation mal assumés, chômage prolongé, insatisfaction sexuelle chronique, échec répété à des examens, etc.

Le travail sur les Gestalts inachevées est un exemple typique d'attention portée en Gestalt-thérapie sur des traces du passé parasitant la vie présente : il ne s'agit pas de « se débarrasser » magiquement d'une charge interne encombrante par une mise en action de type psychodramatique, mais bien plutôt d'intégrer cet élément pesant de sa vie dans un ensemble significatif, comme constituant une des « polarités » de l'existence du client. Certains Gestaltistes considèrent le transfert comme une « Gestalt inachevée» : figures parentales du passé venant s'interposer dans une relation actuelle — dont l'authenticité est troublée.


Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous.

Vingt notions de base en Gestalt-thérapie (quatrième partie) (Champ et système, L’ajustement créatif).




Un autre livre sur la Gestalt-thérapie

Des amis m’ont dit que certains concepts de la Gestalt-thérapie étaient pour eux difficiles à comprendre. C’est pourquoi j’ai décidé d’entamer une suite d’articles définissant 20 notions de base de la Gestalt-thérapie selon la classification adoptée par Serge Ginger dans son livre « La Gestalt, l’art du contact ».

Cet article est la suite de celui-ci.


Concept 5 : Champ et système.

Au cours d'une séance de Gestalt, l'une des parties essentielles de « l'environnement » du client est constituée par le thérapeute lui-même. C'est avec lui que s'établit le contact et que se déploie le processus d'interaction, avec tous ses aléas. Client et thérapeute font donc partie du même « champ » de l'expérience, et l'attitude de chacun interfère avec celle de l'autre. Il ne s'agit pas, bien entendu, d'un « système clos », mais d'un « système ouvert », en échange permanent avec le contexte extérieur.

Goodman reprend dans Gestalt-thérapie les réflexions de Kurt Lewin, psychologue gestaltiste fondateur de la dynamique des groupes, qui venait d'extrapoler au champ social la théorie du champ électromagnétique, généralisée par la physique einsteinienne. La Gestalt-thérapie s'intéresse à chacun dans le contexte de son environnement, attentive à la fois à ne pas l'isoler artificiellement (il fait partie d'un « champ »), ni à le « fusionner » dans la situation globale (il est spécifique).

Concept 6 : L'ajustement créatif.

La santé mentale et sociale se traduit par un ajustement créatif permanent à la « frontière-contact » entre l'organisme et son environnement ; notamment entre l'individu, le thérapeute et le contexte de la situation : lieu où se déroule l'interaction, présence de témoins ou d'un groupe, etc.

Il ne s'agit pas d'un simple ajustement adaptatif où l'individu subit la loi de l'environnement, adoptant les normes sociales majoritaires ou le comportement jugé habituellement « normal ». Il ne s'agit pas davantage d'une créativité individuelle ne tenant aucun compte du contexte et autorisant toutes les fantaisies ou les excès — sous le simple prétexte qu'ils conviennent au client. Il s'agit bien d'un compromis, ou plutôt d'une synthèse permettant à chacun d'exister à son idée, mais compte tenu des normes locales et temporelles, de trouver sa propre voie au sein d'un ensemble.

Ainsi, la Gestalt se distingue des thérapies comportementales à visées normatives : dans une perspective délibérément phénoménologique, elle privilégie le vécu subjectif de chacun, son ressenti personnel intérieur, au comportement extérieur socialement perceptibles. Mais elle ne reste pas pour autant cantonnée à la seule vie fantasmatique intra-psychique, elle encourage la navette entre l'intérieur et l'extérieur, cherchant à concilier l'adaptation sociale et la créativité individuelle, la situation et sa lecture personnelle, proposant ainsi un pont entre la science et l'art.

Il faut ici se souvenir du contexte socio-politique dans lequel s'est élaborée la Gestalt : Perls, Goodman et quelques autres pionniers des années 50 voulaient à tout prix se démarquer de l'establishment psychanalytique américain et se sont montrés non-conformistes d'une manière délibérément provocatrice : opinions anarchistes, comportement social et sexuel très « libéré », etc. Actuellement, la Gestalt-thérapie s'est ajustée au contexte de l'après 68 et s'est très assagie, tout en conservant une connotation libérale « raisonnable ».

Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous.