mardi 20 juin 2017

Pause dans le blog sur le mentalisme, compte rendu de «Gestalt thérapie» de Frederick Perls, Paul Goodman et Ralph Hefferline, cinquième partie, La conception erronée de l’opposition « infantile/mature ».





Ralph Hefferline.


La conception erronée de l'opposition « infantile/mature » dans Gestalt thérapie de Frederic Perls, Paul Goodman et Ralph Hefferline.

On a l'habitude de considérer le besoin, le ressenti, comme « infantiles », quelque chose du passé. Freud, nous l'avons vu va même jusqu'à dire que non seulement certains besoins, mais aussi tout un mode de pensée, le « processus primaire », sont infantiles et nécessairement refoulés. La plupart des théoriciens considèrent certains besoins sexuels et certaines attitudes interpersonnelles comme infantiles et immatures.

Dans notre perspective, aucun désir persistant ne peut être considéré comme infantile ou illusoire. Supposons, par exemple, qu'il y ait un besoin « infantile » d'être pris en charge par une infirmière « qui se sacrifie ». Inutile de préciser que ce désir représente un cramponnement à la mère. Mais nous devons plutôt dire que le désir s'affirme, que c'est l'image et le nom de « mère » qui sont impossibles et donc non exprimés. Au contraire, le désir est désormais suffisamment en sécurité et probablement
susceptible de trouver une satisfaction d'une façon ou d'une autre. (Peut-être : « Prenez soin de vous, pour changer, arrêtez d'essayer d'aider tout le monde. ») Ce n'est pas le but de la thérapie de dissuader le patient de certains de ses désirs. Nous devons même ajouter que si, dans le présent, le besoin ne peut pas être satisfait, et qu'il n'est donc pas véritablement satisfait, tout le processus de tension et de frustration recommencera et l'individu, ou bien réprimera une nouvelle fois sa prise de conscience et succombera à la névrose, ou bien, comme c'est le plus probable, il se connaîtra lui-même et souffrira jusqu'à ce qu'il puisse créer un changement dans son environnement.

Concernant l'importance qu'il y aurait à retrouver des souvenirs infantiles, il est possible d’ ébaucher une réponse plus étoffée. Nous avons dit que la remémoration de la scène passée n'était pas nécessaire, que c'était, au plus, une indication importante pour découvrir la signification du ressenti et que même ainsi on pouvait s'en passer. Est-ce que peut découler de cela, comme l'affirme Horney par exemple, que la remémoration de l'enfance n'occupe pas une position privilégiée dans la psychothérapie ? Non. Car si nous pensons que le contenu de la scène retrouvée n'est pas très important, nous considérons que le ressenti et l'attitude infantiles vécus dans la scène sont, par contre, de la plus haute importance. Les ressentis de l'enfance sont importants non parce qu'ils constituent un passé qu'il faudrait défaire, mais parce qu'ils constituent certains des plus merveilleux pouvoirs de la vie adulte qu'il s'agit de recouvrer: la spontanéité, l'imagination, le caractère direct de la conscience et de la manipulation. Ce qu'il faut, comme l'a dit Schachtel, c'est retrouver la manière qu'avait l'enfant de faire l'expérience du monde. C'est libérer, non pas la biographie factuelle, mais le « processus primaire de pensée ».

Rien n'est plus malheureux que de voir qu'actuellement on utilise sans discrimination les mots « infantile » et « mature ». Même lorsqu'on ne considère pas qu'une « attitude infantile » de l'enfant lui-même est mauvaise, on désapprouve ses caractéristiques en bloc durant la « maturité », sans discriminer ce qui naturellement est abandonné avec le temps et qui ne fait de toute façon aucune différence, de ce qui devrait persister mais est réprimé chez la plupart des adultes. La « maturité », précisément parmi ceux qui prétendent s'intéresser à la « libre personnalité », est conçue dans l’intérêt d’un ajustement inutilement étroit à une société routinière, à la valeur douteuse, et conditionnée à payer ses dettes et à remplir ses devoirs.


Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous.

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