mercredi 18 mars 2015

Milton H.Erickson et l'hypnose, jour 9, "Manipuler et regarder toujours l'avenir"




Olivier Lockert, qui parle dans ce film, est un hypnothérapeute ericksonien français. Il lit un texte traduit de l'anglais de Richard Bandler. Celui-ci est un des créateurs d'une méthode psychologique très connue et très appréciée, la programmation neuro-linguistique, qui s'inspire en partie des schémas hypnotiques d'Erickson (vous pouvez consulter par exemple ce livre pour découvrir la PNL : Un cerveau pour changer : la programmation neuro-linguistique.)


Jour 9


Compte rendu de lecture
par Sidney Rosen
Chapitre 12




Dans le chapitre 12 « Manipuler et regarder toujours l’avenir », Sidney Rosen montre que différentes techniques sont employées par Erickson pour maintenir et développer l’intérêt et la motivation du patient : les défis, la stimulation de la curiosité, les tactiques de diversion et l’humour. Notre hypnothérapeute assume entièrement le fait qu’il manipule son patient, mais c’est une manipulation « bienveillante », pour le secourir, le sortir de son état. Quand Erickson utilise l’humour au moyen de différentes blagues, l’aspect de celles-ci est, non pas hostile, mais surprenant. Dans la thérapie ericksonienne, le patient est souvent surpris à la fois par ce qu’on lui prescrit, et par ses propres réactions. Tout comme le lecteur ressent un soulagement en écoutant la chute de l’histoire après la tension du suspense, le patient est soulagé d’entendre une prescription claire et nette.

« L’orientation vers l’avenir » est comprise dans ce chapitre parce qu’elle semble en rapport avec les « projets » et la « manipulation » dans la sens ericksonien du terme. Pour Erickson et Sidney Rosen, le meilleur antidote contre la dépression ou les idées obsédantes est une attitude positive face à l’avenir – ceci est vrai lorsqu’on anticipe l’amusement que produira la chute d’une plaisanterie tout comme lorsqu’on espère qu’avec le temps, on s’épanouira.

L’anecdote « Déraillement » est un bon exemple de tactique de diversion utilisée par Erickson ou ses disciples. Ainsi, un de ses anciens étudiants lui écrit, en lui disant : « J’ai eu un patient paranoïde. Tout ce qui l’intéressait, c’était de discuter de ses idées à lui. J’ai essayé d’attirer son attention, sans résultat. Et puis, j’ai pensé à l’imprévu, alors j’ai dit : « Non, moi non plus, je n’aime pas le foie. » Le patient s’est arrêté, a hoché la tête, et a dit : « En général, j’aime bien le poulet. » Et puis il a commencé à parler de ses vrais problèmes. L’inattendu peut toujours faire dérailler un convoi de pensées, un trait de comportement et on devrait l’utiliser plus souvent. »

Erickson rajoute : « Je crois que les thérapeutes devraient avoir en réserve à tout moment, des remarques inattendues. Alors, quand les patients s’installent et racontent tout un laïus hors de propos, il faut les faire sortir de la voie dans laquelle ils ont engagé la conversation, les faire dévier par une remarque inconnue. Par exemple « Je sais à quoi vous pensez. Moi aussi, j’aime les trains.  »

Erickson a toujours été convaincu que c’était lui et non le patient qui contrôlait la thérapie. Karen Horney, une psychiatre éricksonienne a écrit : « Les patients font une thérapie, non pas pour soigner leur névrose, mais pour s’améliorer eux-mêmes. Si les patients pouvaient déterminer ce qui se passe dans une séance de thérapie, presque tous feraient inconsciemment tout leur possible pour empêcher un réel changement thérapeutique. C’est pourquoi lorsque l’un d’eux se trouve engagé sur une voie sans issue, il est important que le thérapeute sache l’aiguiller sur une voie plus fructueuse. »
On pense aussi à l’anecdote du début de cette série d'articles, celle du Vieux Joe. La stratégie de diversion d’Erickson est énorme. Son patient, atteint d’un cancer, ne s’attend certes pas à que son thérapeute lui parle d’un plant de tomates. Mais cela a fonctionné dans ce cas-la et cela continue à fonctionner pour d’autres malades et d’autres thérapeutes.

Voilà. C'est tout pour aujourd'hui. La suite au prochain numéro. Je me rends compte, c'est un peu le principe la diversion, que finalement, il y aura onze articles au lieu de neuf sur le recueil d'histoires Ma voix t'accompagnera, Milton H.Erickson raconte. Le prochain portera sur le chapitre 13, « Enseignement des valeurs et de l’auto-discipline » et celui d'après sera une synthèse sur les différents instituts qui enseignent l'hypnose ericksonienne en France et sur les livres qu'il est possible de lire pour compléter ses connaissances sur Erickson.

Miton H.Erickson, jour 8, traitement des patients psychotiques







Enfin une vidéo sur Erickson en français. Merci Antoine Garnier.



Jour 8



Compte rendu de lecture
 par Sidney Rosen :
Chapitre 11: traitement des patients psychotiques



Dans le chapitre 11 de Ma voix t’accompagnera, Milton H.Erickson raconte, on apprend qu’Erickson a même réussi à guérir des patients psychotiques, donc très gravement atteints. C’est d’ailleurs dans un hôpital psychiatrique, où il avait souvent ce genre de cas, qu’il a fait ses premières armes. On peut donc penser que c’est là qu’il a créé la plupart de ses principes psychologiques, en se confrontant à des patients en très grande détresse mentale, la pratique dans un cabinet avec des patients dits « névrosés » étant de ce fait plus facile. Sidney Rosen commente le fait que deux postulats d’Erickson sont particulièrement adaptés aux patients psychotiques : « Parlez au patient dans son propre langage » et « Epousez la façon de penser du patient ». En effet, les psychotiques sont complètement perdus dans leur monde et seul un expert en observation et en communication comme Erickson peut avoir la possibilité de les atteindre. 

L’anecdote la plus drôle du chapitre est bien entendu celle des Deux Jésus-Christ. Deux malades mentaux qui se prennent tous les deux pour le Fils de Dieu sont forcés par Erickson à se côtoyer sur le même banc. Au bout d’un certain temps, l’un d’eux, John, déclare à celui-ci : « Je dis la même chose que cet espèce de cinglé. Il est cinglé et je dis comme lui. Cela veut dire que moi aussi je suis fou ; et je ne veux pas être fou. » Notre psychiatre lui répond : « Eh bien, je ne pense pas que vous soyez Jésus-Christ, et, vous ne voulez pas être fou. Je vais vous faire travailler à la bibliothèque de l’hôpital. » Il y travaille quelques jours et vient voir Erickson, en lui disant : « Il se passe quelque chose de terrible : dans chaque livre, il y a mon nom sur toutes les pages. » Il ouvre un livre pour lui montrer que c’est écrit JOHN THORNTON ; il trouve son nom sur toutes les pages. Erickson reconnaît le fait et lui montre que l’on peut aussi lire sur chaque page MILTON ERICKSON. Ils découvrent ainsi ensemble des noms dans les livres : Dr Hugues Carmichael, Jim Glitton et Dave Shakow. En fait, ils arrivent à trouver tous les noms qu’ils pensent.
Finalement John conclut : « Ces lettres n’appartiennent pas à un nom ; elles appartiennent au monde !
– C’est vrai. »
John a continué à travailler à la bibliothèque. Il est rentré chez lui six mois plus tard, libéré de ses identifications psychologiques.

Tout d’abord avant tout commentaire technique, une remarque littéraire. Cette histoire fait penser à certaines nouvelles de l’écrivain argentin Jorge Luis Borges (j’ai par le passé écrit sa biographie thématique) et notamment à La Bibliothèque de Babel du recueil "Fictions" : les hommes vivent dans une bibliothèque immense, d’une taille indéfinie où l’on trouve, semble-t-il, tous les livres possibles y compris des livres qui ne signifient rien. Les habitants de la bibliothèque y cherchent le livre des livres qui donnerait un sens à tout cela.

Sidney Rosen nous explique qu’Erickson utilise pour ce cas la méthode du reflet. En premier lieu, il s’arrange pour que le délire de son patient soit reflété par un autre malade qui souffre de la même folie. Dans un deuxième temps, c’est Erickson lui-même qui reflète le comportement du malade en trouvant son nom à lui sur les pages. Quand un thérapeute prend le parti d’assommer un malade avec ses propres hallucinations, quand il rejoint celui-ci dans son délire, le patient se met alors à assumer le rôle du thérapeute, en essayant de lui démontrer que le mode de pensée dans lequel ils sont tous les deux plongés est, en fait, délirant.
Voilà. C’est fini pour aujourd’hui. La suite au prochain numéro avec le chapitre 12 : « Manipuler et regarder toujours l’avenir ».