dimanche 26 juillet 2015

Le Bouddhisme et l'Occident (première partie)


Une passionnante étude de Frédéric Lenoir


Arrivé à ce point du blog, j’avais en tête plusieurs idées d’articles différentes mais je ne savais pas par laquelle commencer. J’avais lu un texte remarquable de Frédéric Lenoir La rencontre du bouddhisme et de l’occident qui, couplé avec son ouvrage Le Bouddhisme en France, a fait l’objet de sa thèse de doctorat du 8 octobre 1999 à l’EHESS (Ecole des hautes études en sciences sociales). J’ai aussi toujours été passionné par la notion de relativisme interreligieux (dont fut accusée (!) Mère Theresa), qui me semble aujourd’hui bien représentée par deux livres Jésus et Bouddha, destins croisés du christianisme et du bouddhisme d’Odon Vallet et Socrate, Jésus, Bouddha, trois maîtres de vie de Frédéric Lenoir. J’avais aussi relu La tentation de Saint-Antoine de Gustave Flaubert où il y a un magnifique passage sur le Bouddha. Entre-temps, j’étais allé à des conférences d’un astrologue indien Stephen Quong qui m’avaient interpellé et avaient changé ma vision à la fois sur l’hindouisme et l’astrologie.

Tout cela fait beaucoup et dans des domaines différents. J’ai donc décidé de commencer par l’essai de Frédéric Lenoir La rencontre du bouddhisme et de l’occident qui me semble le plus raisonnable au regard de notre pensée occidentale. Il montre d’une façon passionnante comment le bouddhisme, religion complètement inconnue en Occident il y a plusieurs siècles, y est devenue une pensée déterminante.

Son introduction est très intéressante et il cite Nietzche, le grand pourfendeur du Christianisme : « Le christianisme approche de l’épuisement, écrit-il au dix-neuvième siècle (!). On se contente d’un christianisme opiacé parce qu’on n’a ni la force de chercher, de combattre, d’oser, et de vouloir être seul, ni la force nécessaire au pascalisme, à ce mépris du soi ratiocineur, à la croyance en l’indignité humaine, à l’angoisse du « peut-être condamné ». Mais un christianisme qui doit surtout apaiser des nerfs malades n’a absolument pas besoin de cette terrible solution d’un « Dieu en croix ». C’est pourquoi en silence, le bouddhisme progresse partout en Europe. »

Un siècle après cette ultime apostrophe du prophète de la « mort de Dieu », les signes de cette progression sont multiples. Au cours de ces trente dernières années, on est passé, dans la plupart des pays occidentaux, de l’intérêt intellectuel d’une élite à un véritable engouement et à une pratique de la méditation qui concerne des centaines de milliers d’individus. Il existe aujourd’hui plusieurs milliers de dojos zen et de grands centres ou monastères tibétains en Europe et aux Etats-Unis, sans compter les nombreux groupes de méditation rattachés à divers courants et écoles. On assiste également depuis peu à l’apparition d’une génération de bouddhistes occidentaux prenant en charge la responsabilité matérielle et spirituelle des centres, ainsi qu’à l’émergence d’un monachisme bouddhiste occidental.

En marge de ce phénomène typiquement religieux, qui semble constituer une véritable pénétration du bouddhisme asiatique en Occident, on assiste depuis une quinzaine d’années à une effervescence médiatique autour du bouddhisme, tout particulièrement de la figure emblématique du dalaï-lama, qui obtint le prix Nobel de la paix en 1989. Richard Gere, l’acteur préféré des Américaines, fait figure de grand ambassadeur du bouddhisme dans le monde du show-biz et après Little Bouddha de Bernardo Bertolucci (1993), ce sont Jean-Jacques Annaud (Sept ans d’aventures au Tibet, 1998) et Martin Scorsese (Kundun, 1998) qui réalisent des super-productions inspirées par le drame du Tibet et la vie du chef spirituel et temporel des Tibétains. Le livre tibétain de la vie et de la mort de Sogyal Rinpoché, publié en 1993, s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires et a été traduit en vingt-six langues. En France, les entretiens entre Jean-Claude Carrière et le Dalaï-lama, La Force du bouddhisme, ont dépassé les 100 000  exemplaires et ceux du moine tibétain Matthieu Ricard avec son père Jean-François Revel les 200 000 exemplaires. L’Art du bonheur, du Dalaï-lama, 1999, a dépassé les 100 000 exemplaires.

Face à un tel phénomène, nous pouvons nous poser de nombreuses questions.
C’est ce que nous verrons dans un prochain article. Amicales salutations