vendredi 16 octobre 2020

Aperçus sur l'écrivain de science-fiction américain Roger Zelazny (deuxième partie).

 


 Un des romans de Roger Zelazny.

 

En ces temps troublés, pour échapper à la morosité ambiante, j'ai décidé de publier des textes que j'avais rédigés sur celui qui est pour moi le plus grand des auteurs de science-fiction (à égalité avec Philip K. Dick), Roger Zelazny.

 

Biographie : de la Sécurité sociale à la science-fiction lyrique (suite)

 

En 1949, Roger Zelazny entre au lycée Shore Junior d’Euclid où il commence une œuvre qu’il poursuivra pendant plusieurs années et lui servira d’aire de lancement pour ses récits futurs : une épopée interminable intitulée The Record dont les héros sont deux monstres, le Zlaz et le Yok, qui vivent dans les catacombes sous Paris, passent leur temps à dormir et à boire du Zyphoam, l’alcool plus terrible que l’alcool. Ces créatures croient travailler mais leur patron essaie surtout de les tenir éloignés de toute activité terrestre, de peur qu’ils ne provoquent une catastrophe. La série des récits qui forment l’épopée raconte quelques-unes de leurs erreurs et les effets miraculeux qui en découlent : comment, par exemple, la dépouille pétrifiée d’un dinosaure gigantesque se recouvre d’alluvions pour devenir un jour les Montagnes Rocheuses. Comme pour un roman feuilleton, Zelazny lit au fur et à mesure les épisodes à ses amis, Carl Yoke et Richard Covert.

Puis il rencontre chez deux de ses professeurs, Mme Ruby Olson (responsable du cours « Écriture et Créativité ») et M. Myron Gordon (journalisme) une appréciation critique de son travail et un encouragement à écrire. A cette époque, il publie deux récits et un poème dans Eucuyo, la revue littéraire de l'institution, réalise sa première vente lorsque Mister Fuller's revolt paraît dans Literary Cavalcade en 1954. Roger Zelazny a dix-sept ans. Un temps, il a déjà tenté de vendre des récits de science-fiction aux magazines professionnels, sans succès, et s'est découragé. « J'ai écrit peut-être deux cents histoires à ce moment, et l'une après l'autre, elles furent toutes rejetées. Enfin, de temps en temps je recevais un petit mot gentil d'un rédacteur » (If, 1969).

Après le lycée, en 1955, Zelazny entre à la Western Reserve University (aujourd'hui une division de la Case Western Reserve) à Cleveland. Il commence par une licence de psychologie, mais change pour l'anglais quand il commence à penser à la façon dont il allait gagner sa vie après l’université :

« J'ai commencé à me demander ce que je ferais après l’université afin de survivre pendant mes tentatives d'écriture. Obtenir un diplôme et enseigner, ai-je supposé. Puis, après avoir regardé les labyrinthes et respiré l’ambiance du laboratoire, je me suis demandé « Est-ce vraiment la psychologie que tu veux enseigner ? » » (Aikido black).

Zelazny prend l’habitude à l'université d'assister à n'importe quel cours qui lui semble intéressant sans y être inscrit. Ce désir de balayer l’ensemble des connaissances annonce déjà le programme de lecture qu'il développera des années plus tard. Pendant quelques temps, il lit abondamment Sigmund Freud, Carl Jung et Havelock Eilis, qu'il apprécie plus en littéraire qu’en scientifique. Il reçoit deux fois, en 1957 et en 1959, le Finley Foster's Prize de poésie, mais aussi le Holden Essay Award pour une longue dissertation sur Geoffrey Chaucer. II prépare sa licence en lisant Thomas Mann, Rilke, Whitman, Shakespeare et les poètes symbolistes français. Ses loisirs sont consacrés à la course de haies et au judo. Il termine un recueil de poèmes — Chisel in the Sky — qui restera partiellement inédit.

Après son diplôme à la Reserve University, Zelazny quitte l'Ohio en 1959 pour l'université de Colombia à New York, afin d’y continuer ses études d’anglais. En maîtrise, il se spécialise dans les dramaturges élisabéthains et jacobites et continue à assister aux cours en dehors de son domaine. Il poursuit également son écriture poétique. Il achève sa thèse, mais son conseiller ne lui fait pas soutenir à temps pour être diplômé au printemps. Ce  séjour à New York sera l'occasion pour lui de se livrer à une année d'orgie culturelle où il hantera les théâtres et les musées de la ville, circulera autour de Greenwich Village en quête de Folk Music, une des musiques qu’il préfère. Puis il traverse une période de remise en question où il quitte la vie frénétique de New-York pour s'engager dans la Garde Nationale de l'Ohio. Il passe six mois de service actif à Fort Bliss (Texas) à la sortie duquel il s'engage au 137° bataillon d'Artillerie des États-Unis, puis au 112° bataillon du Génie. II servira dans un corps armé de missiles nucléaires à tête chercheuse, une activité profitable à la réflexion qu'il emploiera à travailler l'épée.

Quand sa première période de trois ans se termine en 1963, Zelazny se rengage mais change de service :

« Je pus continuer dans l'armée de réserve parce qu'un type que j'avais connu dans une unité de fantaisie avait proposé de m'y faire entrer (le 2370 ème Groupe des Affaires Civiles - Arts, Monuments et Archives - cf. son roman Toi l’immortel - le groupe étant spécialisé dans le fait de se déplacer dans les pays conquis pour préserver les trésors nationaux). Plus tard, il a été dissout, je pouvais obtenir d’être transféré dans le 2350 ème Groupe Public d’Information - des gens chargés de la presse - et je terminai dans une unité de guerre psychologique avant d'obtenir finalement d’être honorablement désenrôlé. (Lettre à Jane Lindskold, du 28 octobre 1989)

Bien que ses six ans dans l’armée aient été à temps partiel, l'atmosphère et l’étrange bagage de connaissances qu’il y collecte interviendront continuellement dans sa fiction. En 1961, après avoir fini son service actif, Zelazny pointe au chômage et recommence à écrire en cherchant du travail (sans trop d’empressement). Une Rose pour l’Ecclésiaste, pour laquelle il recevra sa première nomination à un Hugo en 1963, est écrite à cette époque. Il remanie également sa thèse et la repasse et cette fois elle n’est pas seulement acceptée mais reçoit des honneurs. En février 1962, il trouve un travail dans l'administration de la sécurité sociale au service des contentieux. 

« Je suis allé à Dayton et j’ai commencé ma formation pour travailler au service des réclamations de l'administration de la sécurité sociale, et j’ai commencé à écrire des nouvelles pendant mes soirées la semaine même où je suis arrivé. J'ai vendu ma première nouvelle le 28 mars, puis seize autres cette année-là. J'ai passé mes examens en mai et j’ai eu mon diplôme. J'ai posé ma candidature pour des boulots d’enseignants dans l’Ohio, mais la situation n’était pas facile et je n’ai pas eu de propositions, c’est ainsi je suis resté avec le gouvernement et ai continué à écrire pendant mes soirées. » (Lettre à Jane Lindskold, 28 octobre 1989)

  

Voilà. C'est tout pour le moment. Amitiés à tous.