jeudi 24 août 2017

« Le Théâtre de la Mémoire » de Giulio Camillo (huitième partie).


Un livre du cabbaliste Francesco Giorgio.

Je me suis rendu compte, plusieurs semaines après avoir écrit mon article « Histoire de la Mnémotechnie : Moyen Age, Renaissance & Dix-Septième siècle » que j’avais oublié de mentionner le travail de Giulio Camillo (1480-1544), un érudit italien, qui a consacré toute sa vie à la fabrication d’un édifice qu’il appela le Théâtre de la Mémoire et qui était un gigantesque théâtre décoré d’images, conçu afin de mémoriser l’ensemble des connaissances de l’époque.
Vers la fin de sa vie, Camillo consacra sept matinées à dicter à Girolamo Muzio une esquisse de son Théâtre. Après sa mort, le manuscrit passa entre d’autres mains et il fut publié à Florence et à Venise en 1550 sous le titre L'Idea del Theatro dell' eccellen. M. Giulio Camillo. C'est cet ouvrage qui nous permet de reconstruire le Théâtre dans une certaine mesure. Il a été traduit en français sous le titre Le Théâtre de la Mémoire de Giulio Camillo aux éditons Allia et comporte sept chapitres. Je vais vous donner un résumé du texte de chacun de ceux-ci avec des commentaires explicatifs par rapport aux croyances de l’époque et de l’auteur.
Le texte du chapitre d’ouverture « Le premier degré » se poursuit de cette façon : 
« Mais Cicéron et Aristote, comme ceux qui plus tard n'eurent pas accès à la véritable intelligence, n'allèrent pas au-delà des cieux. Pour nous qui avons reçu de Dieu la lumière de la grâce, il ne faut pas nous contenter de nous arrêter aux cieux, mais nous élever au contraire par la pensée jusqu'à cette hauteur d'où nos âmes sont descendues et vers laquelle elles doivent retourner, car telle est la véritable voie de la connaissance et de la compréhension. 
Toutefois, nous ne devons pas présumer pouvoir y parvenir par notre seule vertu, car Dieu nous dirait ce qu'il répondit au présomptueux Moïse : « Tu me verras de dos, mais tu ne verras pas ma face » (Ex 33, 23), c'est-à-dire : tu verras les effets des choses, mais tu ne verras point leurs causes. En vérité, c'est à nous qu'il revient de prier Sa Divine Majesté de nous rendre dignes de cette grâce, car elle ne la donne que quand il lui plaît, comme elle le fit au même Moïse en lui montrant ses nombreuses merveilles, — ce qui ne nous arrivera qu'une fois annihilés et ne présumant plus rien de nous-mêmes, lorsque nous pourrons dire avec l'Apôtre : « Et déjà ce n'est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi » (Ga 2, 20).
Or, de même qu'il était rationnel de procéder, comme nous l'avons montré, en connaissant depuis le haut les choses inférieures et en imitant la fabrique céleste avec notre nombre septénaire, de même, pour en venir au premier ordre, j'affirme que je ne vois rien de plus parfait ni de plus divin que d'appliquer un autre septénaire à chacune des colonnes ou des planètes dont nous avons parlé, comme il nous plaira de les nommer. Ainsi, les théologiens très secrets, c'est-à-dire les cabalistes, disent que Moïse passa sept fois par les sept Sephiroth sans jamais pouvoir dépasser Bina qui est le terme au-delà duquel l'intellect humain ne peut s'élever. Et bien que Moïse, parvenu à Bina, se soit trouvé devant la face de la couronne supérieure et devant celle de Chochma, — c'est pourquoi il est écrit: « Il lui parlait face à face » (Ex 33, 11) —, il ne parla cependant pas à Dieu lui-même directement, mais par l'intermédiaire de l'ange (comme on le lit dans les Actes des Apôtres) (Ac 6, 15), car « nul ne connaît le Fils, si ce n'est le Père, et nul ne connaît le Père, si ce n'est le Fils et celui à qui le Fils veut bien le révéler » (Mt 11, 27). Ce n'est que lorsque Moïse parvint à Bina, où se trouve l'office de l'ange nommé Mitrathon, le prince des faces, qu'il put s'entretenir avec lui. 
Ainsi, Moïse étant monté sept fois sept fois, qui font quarante-neuf, — nombre de la rémission par lequel Jésus-Christ voulut que nous nous élevions en faisant notre oraison au Père, puisque l’oraison que nous appelons « dominicale » est composée de quarante-neuf mots selon le texte hébreu de Matthieu, nous avons attribué à chaque planète, en imitant l’ombre de ses ascensions, sept portes, degrés ou distinctions comme il nous plaira de le nommer.
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Commentaire :
Mitrathon, ou plus communément Métatron, est considéré par la Cabale comme le chef de toutes les légions célestes (Zohar, I, 4 a). Francesco Giorgio donne cette explication dans le De harmonia mundi : « Le Seigneur s'est adressé à Moïse face à face. Et, comme le disent les Hébreux, l'ange qui parlait avec lui, est appelé Métatron, prince de la face, parce que son office est d'introduire les autres à la face du prince. »


Voilà. C’est tout pour le moment. La suite au prochain numéro.