dimanche 18 octobre 2020

Aperçus sur l'écrivain de science-fiction américain Roger Zelazny (quatrième partie).

 


Le deuxième texte que j'ai lu de Roger Zelazny, en fait le troisième tome du cycle des "Neuf princes d'ambre". Ne faites pas comme moi, c'est incompréhensible si vous n'avez pas lu les deux premiers volumes.

 

 

En ces temps troublés, pour échapper à la morosité ambiante, j'ai décidé de publier des textes que j'avais rédigés sur celui qui est pour moi le plus grand des auteurs de science-fiction (à égalité avec Philip K. Dick), Roger Zelazny.

 

Biographie : de la Sécurité sociale à la science-fiction lyrique (suite)

 

Les années 1960 sont un moment de haute productivité pour Zelazny. Leurs nominations à des prix étaient si fréquentes que ses propres œuvres se concurrencèrent pour le Hugo dans la catégorie novelette en 1966 (En cet instant de la tempête et Le temps d’un souffle, je m’attarde) et 1967 (Cette montagne mortelle et Clés pour décembre). En 1968, son roman Seigneur de lumière gagne le Hugo.

Cette notoriété dans les années 60 fait que Zelazny est regroupé avec Harlan Ellison, Samuel R. Delany, Thomas Disch, et Norman Spinrad, entre autres, en tant qu'auteur américain de « nouvelle vague ». Le terme est inventé par l’éditeur Judith Merril et rapidement adopté par d'autres :

« Nous étions mis dans le même groupe, en dépit de nos différences, parce que, d’une manière similaire, nous représentions une réaction à la SF [la science-fiction] des années 40 et 50 qui, tout en comportant quelques idées subtiles et des histoires colorées, ne s’était pas particulièrement fait remarquer par la qualité de son écriture.... Plusieurs d’entre nous ont commencé à apporter un matériau qui était déjà ancien dans la littérature générale mais qui était nouveau en SF à peu près au même moment — le flux de conscience, l’impressionnisme, les audaces stylistiques, une plus grande insistance sur la caractérisation... La plupart d'entre nous ont refusé l’idée qu’il y ait eu un mouvement qu’on aurait pu appeler « nouvelle vague », parce qu'il n'y avait aucun plan préétabli ou de manifeste global, bon nombre d'entre nous ne nous connaissions même pas à cette période et nous sommes tous suffisamment individualistes pour détester être classés. » (Lettre à Jane Lindskold, 4 février 1990)

L'auteur de « nouvelle vague » que Zelazny a le mieux connu est Harlan Ellison mais leur rencontre initiale fut plus due à ce que tous les deux avaient grandi en Ohio qu’à leur mode d’écriture. Leur première rencontre a lieu en 1955 à la convention de science-fiction mondiale à Cleveland en Ohio. Présentés par Gail Gianasi, une connaissance mutuelle, en tant que « deux personnes qui vont être des auteurs célèbres de sf un jour » (Lettre à Jane Lindskold, 4 février 1990), ils ne se revoient que 11 ans plus tard, quand tous deux ont reçu un Hugo à la convention mondiale en 1966, de nouveau à Cleveland. Leur amitié se poursuit au fil des années, prolongée professionnellement par une nouvelle en collaboration, Viens à moi, non dans la blancheur de l’hiver et une contribution de Zelazny à un des recueils Dangereuses visions d'Ellison.

Un autre des auteurs de nouvelle vague avec qui Zelazny se lie d’amitié est Samuel R. Delany. Dans son article « Faust et Archimède, » Delany rappelle sa découverte d’une des nouvelles de Zelazny :

«  Quelques mois avant que je sois allé pour la première fois en Europe, un jeune étudiante en musique vint frapper à ma porte, en agitant un exemplaire de The Magazine of Fantasy and Science Fiction avec une expression absolument hantée : « Avez-vous lu ceci, Chip? Avez-vous lu ceci ? Qui est-il ? Savez-vous quelque chose au sujet de lui ? Qu’est-ce qu’il a écrit avant ? »

Les portes de son visage. Les lampes de sa bouche était précédé par un des textes de présentation les moins instructifs de F& SF. Je l'ai lu ; j’ai apporté cet exemplaire en Europe. Je l'ai donnée à une demi-douzaine de personnes à lire. »

Zelazny et Delany se sont ensuite rencontrés et sont devenus des amis. Zelazny dit avoir trouvé grâce à Delany un éditeur sympathique pour publier son roman expérimental Royaumes d’ombre et de lumière ; la dédicace du roman, « A Chip Delany, juste parce que » atteste de cette reconnaissance. Le roman de Delany We in Some Strange Power's Employ, Move on a Rigorous Line contient un personnage qui se présente lui-même comme suit : « « Je m’appelle Roger… » suivi de quelque chose de polonais et d’imprononçable qui commence par un Z et finit par un Y ». Sachant qu'un rapport pourrait être établi entre ce personnage (une personne plutôt désagréable) et Zelazny, Delany a téléphoné à Zelazny. Zelazny se rappelle que Delany lui lut des passages de l’œuvre juste terminée « pour voir si je n’étais pas de quelque façon offensé. Je l'ai assuré que c’était juste le contraire. » (Lettre à Jane Lindskold, 7 avril 1990).

En 1969, après avoir démissionné de l'administration de sécurité sociale pour écrire à plein temps, il passe de l’écriture de nouvelles à celle de romans. Il en publie trois dans la même année : Royaumes d’ombre et de lumière, Les culbuteurs de l’enfer et L’Ile des morts. Dans l'introduction de son recueil Le dernier défenseur de Camelot, Zelazny explique la raison de ce changement :

« J'avais commencé en écrivant des nouvelles, et j'ai toujours plaisir à écrire des histoires courtes bien que je ne le fasse plus comme il y a quelques années. La raison est principalement économique. J’ai commencé à écrire à plein temps vers la fin des années 60, et c'est un fait que les romans rapportent plus aux créateurs qui doivent subvenir aux nécessités de l'existence. Cela peut paraître froid et cynique, à part que j’aime aussi écrire des romans ».

La préférence artistique de Zelazny, cependant, demeure pour des travaux plus courts :

«  Préférence ? Histoires courtes (j’y inclus les novelettes et les novellas). Vous dites que tout que vous voulez dire et puis vous vous arrêtez, [avec] aucun souci à cause de la longueur. Aucun mouvement gaspillé.... C'est une forme très pure comparée au roman, et je l'aime ; mais personne ne peut vivre en écrivant seulement des nouvelles. » (Lettre à Jane Lindskold, 27 mars 1990)

De manière intéressante, même après qu’une part de son énergie se soit dépensée dans des romans, la majorité de ses dernières récompenses ont continué à se trouver dans les catégories plus courtes de fiction. Unicorn variation et Permafrost ont gagné des Hugo en 1982 et 1987 dans la catégorie novelette ; 24 Views of Mount Fuji by Hokusai a gagné un Hugo dans la catégorie novella en 1986. Cette transition dans l'écriture à plein temps n’a pas été pour Zelazny facile ou indolore. Sa chronologie de publication suggère qu'il a alors simplement commencé à produire un roman ou plus dans une année sans effort. Les faits sont quelque peu différents.

  

Voilà. C'est tout pour le moment. Amitiés à tous.