dimanche 10 mai 2020

Compte rendu du livre de Frances A. Yates « La lumière des Rose-Croix ».


Le livre en question.

 

En  octobre 2016, j’avais été très intéressé par la conférence de Philippe Marlin sur l’ésotériste John Dee pour l’association « L’œil du sphinx » : « Retour sur l’exposition sur la bibliothèque perdue de John Dee ».  

http://jeanfrancoisgerault.blogspot.com/2016/10/compte-rendu-de-la-conference-de.html

En 2019, j’avais rédigé un compte rendu d’un livre sur la Rose-croix : http://jeanfrancoisgerault.blogspot.com/2019/09/histoire-theories-et-pratiques-de-la.html

J’ai noté en 2020 dans un autre article que Philippe Marlin avait de bonnes connaissances sur l’AMORC, (Antiquus Mysticusque Ordo Rosae Crucis), un mouvement rose-croix : http://jeanfrancoisgerault.blogspot.com/2020/03/compte-rendu-de-louvrage-philippe.html

Les deux sujets se réunissent dans un livre de l’historienne Frances A. Yates « La lumière des Rose-Croix » dans le chapitre « John Dee et l’origine de Christian Rosencreutz ». Voici son analyse :

Le mot rosicrucien est dérivé du nom de Christian Rosencreutz ou « Rose Croix ». Les prétendus Manifestes rosicruciens sont deux brefs pamphlets ou tracts, d'abord publiés à Kassel en 1614 et 1615, dont les titres ont été abrégés en Fama et Confessio. Le héros de ces Manifestes est un certain « Père C.R.C. » ou Christian Rosencreutz, qui est censé être le fondateur d'un Ordre ou d'une Fraternité qui se ranime et à laquelle les Manifestes invitent le public à se joindre ; les Manifestes suscitèrent une grande excitation et, en 1616, une troisième publication laissa une impression accrue de mystère. C'était un roman de chevalerie bizarre dont le titre allemand signifie : Les Noces chymiques de Christian Rosencreutz. Le héros de ces Noces chymiques paraît également lié à un certain Ordre qui utilise comme symbole une croix rouge et des roses.

L'auteur des Noces chymiques est certainement Johann Valentin Andreae. Les Manifestes sont sans aucun doute liés aux Noces Chymiques, bien que n'étant probablement pas l'œuvre d'Andreae, mais celle d'une ou plusieurs personnes inconnues.

Qui était ce Christian Rosencreutz que l'on voit apparaître pour la première fois dans ces publications ?

Les mystifications et les légendes forgées autour de ce personnage et de cet Ordre sont innombrables. Nous allons essayer de nous frayer une route à travers tout cela, par un itinéraire absolument nouveau. Mais commençons d'abord par la question la plus facile : « Qui était Johann Valentin Andreae ? »

Né en 1586, Johann Valentin Andreae était natif du Würtemberg, l'Etat luthérien frontalier du Palatinat. Son grand-père était un théologien luthérien éminent, quelquefois surnommé « le Luther du Würtemberg ».

La situation religieuse contemporaine était la principale préoccupation de son petit-fils, Johann Valentin, qui était également un pasteur luthérien animé d'un intérêt libéral pour le calvinisme. En dépit de désastres sans fin, Johann Valentin nourrit toute sa vie l'espoir d'une solution à long terme de la situation religieuse. Toutes ses activités — tant de pasteur luthérien fervent, intéressé par les problèmes sociaux, que de propagateur de fantaisies rosicruciennes — restaient tournées vers cet espoir. Andreae était un écrivain de talent, dont l'imagination avait été influencée par les comédiens ambulants anglais. En ce qui concerne les premières années de sa vie et les influences qu'il a subies, nous possédons des informations authentiques puisqu'il a écrit son autobiographie. Cette dernière nous apprend qu'en 1601, à l'âge de quinze ans, sa mère, veuve, l'envoya à Tübingen continuer ses études à la fameuse université du Würtemberg. Tandis qu'il étudiait à Tübingen, il fit ses premiers essais de jeune auteur vers 1602 ou 1603. Ces essais comprenaient deux comédies sur les thèmes d' « Esther » et de « Hyacinthe » qu'il écrivit, dit-il, « à l'imitation des acteurs anglais », et un ouvrage intitulé Les Noces chymiques qu'il décrit, sans indulgence, comme un ludibrium, une fiction ou une plaisanterie de piètre valeur.

A en juger par le texte d'Andreae parvenu jusqu'à nous, c'est-à-dire l'œuvre publiée en 1616 et dont Christian Rosencreutz est le héros, la première version du sujet devait être une étude de symbolisme alchimique utilisant le thème du mariage comme symbole du processus alchimique. Cet essai ne pouvait pas être identique à la publication de 1616 qui contient des références aux Manifestes rosicruciens de 1614 et 1615, à l'Electeur palatin, à sa cour de Heidelberg, à son mariage avec la fille de Jacques I er. La première version des Noces chymiques, qui a disparu, avait dû être remise à jour pour la publication de 1616. Néanmoins, cette version perdue a probablement fourni la base de la seconde version.

Nous pouvons assez bien deviner quels événements et influences ont inspiré les premières œuvres d'Andreae à l'époque où il étudiait à Tübingen.

Le duc de Würtemberg régnant était Frédéric I er, alchimiste, occultiste, anglophile enthousiaste dont la passion dominante avait été de s'allier avec Elisabeth Ière et d’obtenir l’Ordre de la Jarretière. Il était allé plusieurs fois en Angleterre dans ce but et semble avoir été un personnage très éminent. La reine l'appelait par son nom de famille « mon cousin Mumpellgart » et l'on s'est souvent posé la question de savoir si certaines allusions énigmatiques de Shakespeare dans Les Joyeuses Commères de Windsor, comme celle à des chevaux loués à l'« Auberge de la Jarretière » par les serviteurs d'un duc allemand, concernaient Frédéric de Wurtemberg.

En 1597, la reine lui octroya son admission à l'Ordre, mais la véritable cérémonie d'investiture ne devait avoir lieu qu'en novembre 1609 lorsque la Jarretière lui fut remise dans sa propre capitale de Stuttgart par une ambassade spéciale de Jacques I er.

 

Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous.