lundi 2 mai 2016

Les trois niveaux de sagesse dans le bouddhisme : l’écoute, la pensée et la méditation




Un beau livre de Marc de Smedt, Sagesse du bouddhisme


D’abord se souvenir de la phrase de Bouddha : « Comme le grand océan n'a qu'un goût, celui du sel, mes enseignements n'ont qu'un goût, une saveur : le goût, la saveur de la liberté » (Sutra de Vimalakirti).

Il y a trois niveaux de sagesse dans le bouddhisme : 1) L’écoute (compréhension), 2) La réflexion (pensée), 3) La méditation (contemplation).
Dans le premier niveau, je plonge dans la rivière et je m’accroche à un morceau de bois. Dans le deuxième, je flotte et je nage avec le bout de bois. Finalement, dans le niveau 3, j’abandonne le bout de bois pour nager seul.

« Écouter, réfléchir et méditer sans relâche, jour et nuit,
Est la pratique des bodhisattvas. »

Cet article est inspiré par l’enseignement de Sangharakshita et du lama Shérab Namdreul.

1)                 L’écoute (compréhension)

L’enseignement du Bouddha (le Dharma) est très vaste et très profond. Très vaste, car il s’adresse à tous les êtres, en fonction de l’intelligence de chacun ; très profond, car il s’applique à nos comportements les plus élémentaires pour aller jusqu’au plus subtil fonctionnement de notre esprit.
Aussi est-il nécessaire que le Dharma soit exposé d’une façon graduelle et ordonnée afin de ne pas conduire au découragement, à l’ennui ou encore à la mystification. 

L’écoute est une ouverture au cours de laquelle on met de côté nos préjugés pour éviter que s’élève en notre esprit de la réticence ou trop d’enthousiasme ou encore de l’indifférence. On écoute avec attention les mots et surtout le sens des mots qu’emploie l’instructeur. On n’écoute pas dans l’attitude de l’adepte fasciné par le « charisme » de l’instructeur. Pour être un auditeur averti, nous devrions avoir déjà défini nos besoins, nos aspirations et nos exigences spirituelles. C’est un préalable tout aussi applicable à notre quotidien et dans tous les domaines des sens ; écouter, regarder, sentir, toucher, goûter, et penser. L’écoute constitue une sagesse en soi.

2)                 La réflexion (pensée)

La réflexion fait intervenir notre intelligence. Son objet est le sens des mots que nous avons écouté. Elle permet de prendre en considération l’enseignement général au regard de notre situation personnelle et particulière, pour en déduire un sens certain et applicable. La réflexion permet d’évaluer notre aspiration et de nous positionner dans notre engagement. Dans ce cas, la réflexion ne laisse pas place à la mystification et à l’exotisme. La réflexion exige un effort du raisonnement. Un raisonnement ne peut être mené à bien que si nous avons le sens précis des mots de l’enseignement. 

D’où l’importance de l’écoute et des questions. On cesse de se plaindre de ne pas comprendre ce qui est dit ou écrit. On n’attend pas un enseignement providentiel, le véridique livre révélé ou le super grand lama qui saura nous dire les choses. On n’attend pas de comprendre mais on s’applique à réfléchir sur ce que l’on a écouté ou étudié. Ne vous laissez pas convaincre par qui que ce soit et n’attendez pas que tout vous soit expliqué. Demandez que le sens des mots vous soit communiqué. Si votre réflexion soulève un doute, une remarque ou encore une contestation, ce n’est pas un problème. Posez vos questions à votre enseignant qui se fera une joie d’en discuter avec vous. Ce n’est pas un manque de respect. On peut même dire que c’est une façon d’honorer l’enseignement. 

La certitude issue de la réflexion ne relève pas de la simple opinion ou d’une croyance et cette certitude ne risque pas de nous enfermer dans des convictions parce qu’elle procède d’un effort qui contrarie nos paresses. L’effort de la réflexion permet d’assouplir et de muscler notre intellect et d’en recouvrer toute la dextérité naturelle. Cette dextérité est utile pour méditer. Il ne s’agit pas d’adopter un enseignement en l’occurrence « bouddhiste » parce qu’il nous semble bien sympathique. Écouter et réfléchir à un enseignement est par là-même une attitude bouddhiste, c’est à dire « éveillante ». Il ne s’agit pas de devenir bouddhiste, il s’agit de s’éveiller et pour cela d’avoir tous les éléments en main. La réflexion constitue également une sagesse en soi.

3)                 La méditation (contemplation)

La méditation ne laisse place ni au doute ni aux concepts. Elle nécessite l’ouverture et l’intelligence que développent l’écoute et la réflexion pour finalement expérimenter par soi-même le sens de l’enseignement. Méditer consiste à s’appliquer avec l’effort de la conscience et d'en faire une « expérience directe ». En résumé, l’entraînement à la méditation comporte deux volets : la stabilité et la contemplation (samatha et vipassana) (méditation sur le souffle et metta-bhavana). Par samatha on s’établit dans une stabilité équanime qui permet une contemplation (vipassana) avec une vision pénétrante. L’union de samatha et vipassana est la sagesse même. Je nage dans la réalité des choses comme un poisson dans l'eau. Je suis libre dans le dharma.

S’il y a écoute, il y a enseignement.
S’il y a enseignement, il y a matière à réflexion.
S’il y a matière à réflexion, il y a fruit à méditer.

Ne vous en remettez pas à l’enseignant, mais à votre écoute, réflexion et méditation. C’est le meilleur moyen de rendre hommage à l’enseignant.

Voilà. C’est tout pour aujourd’hui. Rendez-vous au prochain article.
Amitiés à tous.

Parole parfaite (dans "Vision et transformation" de Sangharakshita) (troisième partie)




Dans le début du mantra de Padmasambhava,  dans les mots " Om Ah Hum", "Ah" correspond à la parole


Je continue ma série d’articles sur le livre Vision et transformation de Sangharakshita qui est fondamental car il décrit en détail la pratique du noble chemin octuple proposé par le Bouddha (vous pouvez vous procurer cet ouvrage au centre bouddhiste Triratna de Paris). Dans le troisième chapitre « L’idéal de la communication humaine, la parole parfaite», il aborde cette étape du noble sentier octuple. 

On peut étudier la parole parfaite selon quatre niveaux : a) Le niveau de véracité, b) Le niveau d’affection, c) Le niveau d’utilité, d) Le niveau de promotion de la concorde, de l’harmonie et de l’unité. 

Aujourd’hui, j’aborderai le deuxième niveau, le niveau d’affection.

La parole parfaite n’est pas seulement véridique, même dans son sens le plus intégral, elle est aussi affectueuse et pleine d’amour. C’est la vérité exprimée dans l’amour ou avec amour. Cela ne signifie pas seulement utiliser des termes d’affection ou quoi que ce soit de ce genre. Dans ce contexte, parler avec affection ou avec amour signifie dire la vérité dans son intégralité, avec une prise de conscience complète de la personne à qui vous parlez. Combien d’entre nous peuvent-ils faire cela ? Si nous y pensons, nous réaliserons que quand nous parlons à des personnes, en général nous ne les regardons pas et, si nous ne regardons pas les autres, nous ne pouvons pas prendre conscience d’eux.

Nous pouvons dire que l’amour, dans le sens dans lequel nous utilisons ce terme en tant que bouddhistes, signifie la prise de conscience de l’être d’une autre personne. Si donc vous ne connaissez pas l’autre personne, comment pouvez-vous lui parler affectueusement ? Cela n’est pas possible. Bien sûr, cela nous plaît de penser que nous avons de l’amour pour les gens, que nous sommes affectueux, mais c’est rarement le cas. Nous voyons généralement les autres en termes de nos propres réactions émotionnelles envers eux. Nous avons une certaine réaction émotionnelle envers eux et puis nous considérons cette réaction émotionnelle envers eux comme étant une de leurs qualités. Si par exemple une personne effectue ce que nous aimerions qu’elle fasse, alors nous disons qu’elle est bonne, gentille serviable, etc. Ainsi nous ne communiquons pas réellement avec cette personne particulière. Ce qui se passe réellement, la plupart du temps, c’est que nous communiquons ou essayons de communiquer ou prétendons communiquer avec nos propres projections mentales.

C’est particulièrement le cas de ceux qui, à ce que nous prétendons, nous sont proches et chers. Parents et enfants, frères et sœurs, maris et femmes se connaissent très rarement les uns les autres. Ils peuvent avoir vécu ensemble pendant vingt, trente, ou quarante ans mais ils ne se connaissent pas les uns les autres. Ils connaissent leurs propres réactions les uns envers les autres, et ils attribuent ces réactions aux autres. Ils pensent donc qu’ils les connaissent mais en fin de compte ils ne les connaissent pas du tout. Ils ne connaissent que leurs propres états mentaux et émotionnels projetés. Plus vous vivez avec ces gens avec qui vous avez des liens de sang ou de fort liens émotionnels, moins, dans le vrai sens spirituel, vous les connaissez. Après tout, pour le bébé, qu’est-ce que la mère ? La mère est simplement une merveilleuse sensation de chaleur et de confort, de sécurité et de bien-être. L’enfant ne connaît pas sa mère en tant que personne. La même chose est vraie pour d’autres personnes. Et cela reste ainsi durant la plus grande partie de notre vie.

C’est pour cela qu’il y a tant d’incompréhensions entre les gens, tant d’échecs dans la communication, tant de déceptions, en particulier dans les relations les plus intimes de la vie. Les gens se comprennent de travers car une personne ne connaît pas l’autre et ne peut donc l’aimer. Il n’y a qu’une pseudo-communication entre des projections, et rien de plus. Il est très salutaire de regarder la vérité en face (cela peut paraître dur) et de réaliser que, dans la plupart des cas, ce que nous appelons nos relations ne sont qu’un labyrinthe de telles projections réciproques, sans aucune connaissance ni compréhension réciproques, pour ne pas parler d’amour réciproque.

Mais il y a une voie positive comme toujours dans le bouddhisme. Si nous sommes capables de dire la vérité à une personne, en prenant conscience de cette personne ce qui signifie, bien sûr, aimer cette personne, l’amour étant la prise de conscience de celle-ci alors nous saurons ce dont elle a besoin. Nous saurons ce dont elle a besoin, ce qui est très différent de ce que nous pensons qu’elle devrait avoir besoin parce que cela serait bon pour nous si elle l’avait, ceci étant ce que la plupart des gens entendent par « savoir ce qui est bon pour les autres ». Savoir ce dont d’autres personnes ont besoin signifie savoir ce qui est bon pour elle de manière très objective, sans référence à nous-même. Nous savons alors ce qui doit être apporté, ce qui doit être donné, comment elles doivent être aidées, et ainsi de suite.

Voilà. C’est tout pour aujourd’hui.
Amitiés à tous.

Parole parfaite (dans "Vision et transformation" de Sangharakshita) (deuxième partie)




Sangharakshita, le créateur de la communauté bouddhiste Triratna et l'auteur de Vision et transformation

Je continue ma série d’articles sur le livre Vision et transformation de Sangharakshita qui est fondamental car il décrit en détail la pratique du noble chemin octuple proposé par le Bouddha (vous pouvez vous procurer cet ouvrage au centre bouddhiste Triratna de Paris). Dans le troisième chapitre « L’idéal de la communication humaine, la parole parfaite», il aborde cette partie du noble sentier octuple. 

Du fait de raisons de lisibilité sur Internet, ce texte est divisé en plusieurs articles.

On peut étudier la parole parfaite selon quatre niveaux: a) Le niveau de véracité, b) Le niveau d’affection, c) Le niveau d’utilité, d) Le niveau de promotion de la concorde, de l’harmonie et de l’unité. 

Aujourd’hui, je parlerai d’un passage qui m’a particulièrement accroché dans le « niveau de véracité ». 

Si nous voulons dire la vérité dans un sens intégral, au moins dans un sens plus complet que ce qui est généralement compris, nous devons clarifier nos idées. Nous devons introduire de l’ordre dans ce chaos intellectuel qui est le nôtre. Nous devons connaître très clairement, très nettement, ce que nous pensons, ce que nous ne pensons pas, ce que nous ressentons, ce que nous ne ressentons pas. Et nous devons être intensément conscient. Nous devons savoir ce qu’il y a en nous, quelles sont nos motivations, ce qui nous pousse à agir, ce que sont nos idéaux. Cela signifie que nous devons être complètement honnête avec nous-même. Cela signifie que nous devons nous connaître. Si nous ne nous connaissons pas, dans nos profondeurs comme dans nos hauteurs, si nous ne pouvons pénétrer dans les profondeurs de notre être et être vraiment transparent à nous même, s’il n’y a pas de clarté ou de lumière intérieure, alors nous ne pouvons pas dire la vérité.

C’est quelque chose que nous devons tous réaliser. Si nous y parvenons, nous verrons que dire la vérité n’est pas une chose facile. Nous pourrons aller jusqu’à dire et je pense qu’il ne s’agit pas d’une exagération que la plupart du temps, la plupart d’entre ne disons pas la vérité. En y réfléchissant, nous pourrions avoir à admettre que la plupart d’entre nous traversons la vie, année après année, de l’enfance ou au moins de l’adolescence jusqu’à la vieillesse, sans peut-être être capables une fois au moins de dire la vérité dans le sens le plus large et le plus clair de ce thème tant abusé.

Nous savons tous que si une chose a pesé sur notre esprit ou sur notre cœur, une chose à propos de laquelle nous étions très inquiet ou très soucieux, alors si nous pouvons au moins parler, ou dire à quelqu’un la vérité sur le sujet, sans nous retenir, c’est un grand soulagement. Malheureusement pour la plupart des gens, c’est quelque chose qui au cours de leur vie arrive très rarement, voire pas du tout.

Dire la vérité cependant, même dans ce sens plus raffiné, plus entier, plus profond et plus spirituel n’est pas effectué dans le vide. Vous n’allez pas en haut de la Tour Eiffel dire la vérité aux étoiles. La vérité est toujours dite à quelqu’un, à une autre personne, à un autre être humain. Il faut aussi réfléchir à cela. C’est ce que je développerai dans de prochains articles de ce blog.

Voilà. C’est tout pour aujourd’hui.
Amitiés à tous.