jeudi 22 octobre 2015

Le bouddhisme tibétain, pourquoi il me passionne.







Je me suis interrogé un long moment (c’était pendant une méditation) sur les raisons pour lesquelles le bouddhisme tibétain me fascinait autant.

J’écrirai cet article comme d’habitude, à la façon des religions orientales, en effectuant une liste chiffrée de mes motifs d’attachement. 
Il y en a trois : 1) le bouddhisme tibétain comporte différents aspects ésotériques (cachés à la pensée dominante) et j’ai toujours aimé profondément l’ésotérisme, 2) Il n’hésite pas à mettre en avant les pouvoirs surnaturels de l’homme, 3) Il a accepté dans ses saints, dans ses Éveillés, des fous divins, des êtres délirants, irrationnels, en dehors des normes communes, comme par exemple Drupak Kunley, le yogi tantrique du quinzième siècle,
 ,
1) Les aspects ésotériques

On peut en discerner quatre : la transmission de maître à disciple, la symbolique sexuelle cachée, la pratique d’exercices secrets, la doctrine des termas.

a) La transmission de maître à disciple

Je le dis d’emblée, je n’aime pas du tout la théorie de transmission  unique de maître à disciple et elle me paraît à la fois élitiste, anti-démocratique et contraire à la doctrine même du bouddha. Celui-ci, à partir du moment où il a décidé de transmettre sa pensée (ce qui n’était pas forcément évident), s’est engagé à divulguer le maximum de ses connaissances. S’il ne répondait pas à certaines questions de ses disciples, c’est qu’en fait il ne connaissait pas les réponses.

Cependant, comme les Évangiles, les discours du Bouddha comportent plusieurs niveaux de sens pour atteindre différents types de personnes. Si Jésus et Bouddha (ou le psychiatre Milton Erickson au vingtième siècle) utilisent par exemple des paraboles, c’est pour pouvoir communiquer avec la partie non instruite de la population qui ne percevrait pas un discours abstrait. Leurs paroles peuvent aussi comporter un niveau symbolique, qui dépasse le sens premier du texte et ne peut être compris que par des personnes très attentives ou très travailleuses (qui relisent de nombreuses fois la parabole). En plus quelques lamas, particulièrement intéressés par l’argent, n’hésitent pas à vous faire croire que, si vous pratiquez sans « guru », vous deviendrez fou ou je ne sais quel autre mensonge stupide. Certaines religions ont voulu aussi nous persuader autrefois que, si nous ne passions pas par leurs prêtres, nous n’atteindrions pas le « Paradis ». Dans l’histoire spirituelle, les Gnostiques, qui trouvaient Dieu par la Connaissance (Gnose), ont prouvé l’inanité de ces théories, là aussi destinées à emmagasiner un maximum d’espèces sonnantes et trébuchantes.

Le but de ce blog, qui est gratuit, sans obligation, et ouvert au dialogue est de justement refuser ces pratiques et de véhiculer le maximum de connaissances. « Rien de ce qui est humain ne m’est étranger », comme écrivait l’auteur latin Térence dans l’ Heautontimoroumenos. Ce n’est pas une prétention, c’est seulement le droit de chaque individu. Les bouddhistes ne pratiquent pas le prosélytisme mais, en revanche, ils sont très heureux de partager ce qu’ils ont appris avec tous.

Les grands maîtres tibétains actuels ont eux aussi bien compris cela. Aujourd’hui, ils transmettent leur doctrine dans des conférences ouvertes à tout un chacun. Cela n’empêche pas ensuite les disciples d’approfondir leur compréhension des pratiques et des textes par des questions directes à ces maîtres spirituels.

b) La symbolique sexuelle cachée.

De nombreuses traditions religieuses ou mystiques comportent une symbolique sexuelle plus ou moins cachée : hindouisme, taoïsme, gnosticisme, etc. C’est le septième des principes de Toth-Hermès en ésotérisme, « la loi du genre » : « Il y a un genre dans toutes les choses ; tout a ces principes, masculin et féminin ; le genre se manifeste à tous les niveaux. »

Le bouddhisme tibétain a intégré la tradition Vajrayana (véhicule du diamant). Or, selon l’historien des religions Mircea Eliade, ce nom « implique déjà un symbolisme sexuel (vajra est aussi le surnom du phallus) ». Ce langage secret domine la structure significative de la plupart des tantras (textes tibétains) et cela à plusieurs niveaux. Chaque concept bouddhique est toujours ouvert à une double lecture, spirituelle ou sexuelle. Ainsi la bodhicitta, « pensée de l’Eveil ou aspiration à l’Illumination » est le nom secret du sperme au niveau sexuel, et la Prajna, la « Sagesse intuitive », la « Femme-Gnose », désigne en même temps la partenaire concrète ou imaginée d’un acte sexuel rituel. L’abolition de la dualité entre le principe masculin (la méthode, Upaya) et le principe féminin (sagesse, Prajna), grâce à une union soit sexuelle, soit mystique, est le but suprême et parfois secret du bouddhisme tibétain.

Tous les tantras renferment donc deux exégèses possibles : l’une dont le référent est un rituel secret, aboutissant en général à une relation sexuelle, dont la finalité est d’obtenir l’Eveil, et l’autre dont le référent est métaphysique.

Dans l’iconographie, la copulation entre deux divinités est largement représentée dans le bouddhisme tibétain, sous le nom de Yab-Yum (qui signifie « père-mère »). Elles sont toujours en position d’union du lotus et symbolisent, comme je le mentionnais, la rencontre non-duelle des deux principes, le masculin (la méthode, les moyens adaptés, upaya) et le féminin (la sagesse, prajna).

Upaya désigne également, toujours dans une symbolique sexuelle, l’action de l’Absolu dans le monde phénoménal. Il est, lui, le principe de multiplicité, se manifeste sous la forme de la compassion (Karuna) et constitue le pole opposé au symbole de l’Un et de l’Universel, Prajna, la Sagesse.

Ainsi, chacun des dhyani-bouddhas que j’ai étudiés précédemment possède sa parèdre qui est sa conjointe divine. Celle d’Amitabha, par exemple, a pour nom Pandaravasini en sanskrit et Go Karmo en tibétain.

Voilà. C’est tout pour aujourd’hui. La prochaine fois, j’aborderai la pratique d’exercices secrets, la doctrine des termas, les pouvoirs surnaturels, les fous divins dans le bouddhisme tibétain. La suite au prochain numéro comme dans les romans-feuilletons du dix-neuvième siècle ou dans les séries télévisées américaines contemporaines.


Amitiés à tous.

Le bouddhisme tibétain, son développement en France, ses techniques d’initiation





Sogyal rinpoche, un grand maître tibétain, enseigne en France et y a fondé à Paris en 1981 un centre bouddhiste Rigpa



J’avais l’intention de rédiger un article sur les 37 conditions de l’Illumination (ce n’était déjà pas évident !) et je me suis rendu compte (comme d’habitude) que j’avais parlé des initiations de Sangharakshita au bouddhisme tibétain sans vraiment en détailler les mouvements et rendre compte de leurs représentations en France. Pour moi, ce bouddhisme est peu à peu devenu tellement complexe qu’il nécessite des explications claires et précises (je pense qu’il me faudra de nombreux articles de ce blog pour parvenir à seulement l’aborder).

Le bouddhisme tibétain a comme base les méthodes du Vajrayana. Elles sont établies dans ce pays au VIII ° siècle par Padmasambhava, surnommé le « deuxième bouddha ». Sa mission particulière à l'époque  consistait alors à dompter les démons locaux, en fait dans la pratique  à éradiquer la religion du pays, le Bön ! Il avait une méthode bizarre qui allait de l’utilisation de divers instruments du culte comme le Phurbu (un poignard que l’on plante dans le cœur d’une poupée) jusqu’à la pratique des techniques de méditation du Dzogchen (qui sera la doctrine principale de l’école tibétaine nyingmapa). Celles-ci ont été mises par la suite sur le papier et résumées par l’érudit Longchenpa (1308-1364), auteur des Sept trésors ou de La liberté naturelle de l’esprit, traduction par Philippe Cornu. Cette première vague d’expansion de la doctrine bouddhique à travers le Tibet prit fin vers le milieu du IX° siècle.

Après une ère de persécutions pour des raisons politiques, le bouddhisme connut dans ce pays une forme de renaissance au XI ° siècle. C’est à cette époque que naquirent notamment les écoles Kagyupa et Sakyapa. Une grande partie des Ecritures bouddhiques fut traduite en tibétain. A la fin du XIV ° siècle apparut l’école Gelugpa, la quatrième des grandes écoles du bouddhisme tibétain. 

Puis au XIX ° siècle a finalement été créé le mouvement Rimé, qui a entrepris de faire la synthèse des quatre grandes doctrines, inspiré au départ par Jamyang Khyentse Wangpo (1820-1892).

Chacune des grandes obédiences, mais aussi le mouvement Rimé, se caractérise par une manière particulière d’opérer la synthèse entre la théorie philosophique et l’application pratique à la méditation.

Pour l’instant, je mettrai en exergue pour la qualité de leur enseignement en France trois lamas de grande influence :

1) Un des plus grands maîtres existants du nyingmapa, Namkhai Norbu Rinpoche, enseigne régulièrement la doctrine du dzogchen dans des séminaires.

2) Dans la même lignée nyingmapa est aussi très présent Sogyal Rinpoche. Il a fondé en 1981 à Paris un centre Rigpa et a écrit en 1993 Le livre tibétain de la vie et de la mort, qui s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires à travers le monde.

3) Enseigne également dans notre pays un troisième lama, Dagpo rinmpotche, de l’école Gelugpa. Né en 1932, il a fondé les instituts Ganden Ling et Guépèle.

Le Dalaï-lama, très connu en France et dans le monde entier, est de l’école Gelugpa. A lire absolument son long entretien avec l’écrivain français Jean-Claude Carrière, La force du bouddhisme.

Aujourd'hui, les monastères bouddhistes tibétains se répartissent dans différents départements de l’Hexagone. Ils sont répertoriés par Philippe Cornu dans son très bon livre, Guide du bouddhisme tibétain.

A présent, venons-en à ce qui nous intrigue tous : quels sont donc les véritables pratiques des grands lamas tibétains ? Elles sont longtemps restées très secrètes du fait que la transmission s’opère presque uniquement de maître à élève, mais on peut en mettre en exergue deux : les six yogas ou « doctrines de Naropa » (naro chödrug) et la pratique de la  méditation du  Mahamudra. Dans cet article, nous allons nous contenter de rédiger une liste claire des «six doctrines de Naropa». Pour la petite histoire, elles furent enseignées à celui-ci par son maître Tilopa. Naropa transmit ensuite ce savoir au traducteur Marpa qui l’introduisit au Tibet au XI ° siècle.

Les six yogas correspondent à peu près toujours aux exercices suivants :

1) La production de la chaleur interne (Tumo)
2) L’expérience que notre propre corps est une illusion (Gyulu)
3) L’état de rêve (Milam)
4) La perception de la « Lumière claire » (Osel)
5) La théorie de l’état intermédiaire (Bardo)
6) La pratique de la transmission de pensée (Phowa)

Voilà. C’est tout pour aujourd’hui. La suite au prochain numéro comme dans les romans-feuilletons du dix-neuvième siècle ou dans les séries télévisées américaines contemporaines.

Amitiés à tous.