Un autre numéro de Magicus Magazine.
Dans le cadre de mon projet de publier
un article chaque jour dans ce blog pour desennuyer les magiciens confinés, le
journal Magicus Magazine et son directeur de publication Didier Puech m'ont
autorisé d'une manière très généreuse à reproduire cet ancien
article de leur journal du numéro 209 (janvier-février 2018). Un grand merci à
eux pour leur formidable action. Je rappelle que le journal Magicus Magazine en
est à présent à son 221 ème numéro. Tous les numéros sont passionnants. Abonnez-vous
donc au Magicus Magazine :
pour l’instant et ce jusqu’au 1 juillet 2020, vous pouvez bénéficier d’un tarif
préférentiel de 50 euros qui est celui des étudiants, au lieu de 70 (en indiquant
juste « JF ») ; commandez
les anciens numéros dont par exemple ce numéro 209 dont j’ai extrait
cet article consacré à une Petite histoire du close-up écrite par l’ensemble de la rédaction.
« Petite histoire du close-up. Magie de
proximité, micromagie… Le close-up, des cours royales à l’événementiel…
Prétendre
que la magie de proximité, le close-up, a déboulé dans les années 1960 aux USA et dans les
années 1970 en France est non seulement ridicule mais surtout totalement faux.
Tout comme le très à
la mode mentalisme serait un art annexe découvert il y a une quinzaine d'années. Déjà, à
l'Antiquité, les devins endiablés devinaient que dans le petit coffret en os
c'était bien une étoile qu'avait dessiné le malheureux qui se signait avant de
fuir en courant...
Voyons d'un peu plus près (!) ce qu'il en est du close-up, terme
anglo-saxon signifiant au cinéma et dans la photographie le « gros plan ». On a
adopté ce terme bien que dans les années 70 on retrouvait le mot « micromagie »
dans les catégories de concours.
En 1420 des « joueurs de gobelets » seront victimes
de l'intégrisme
catholique qui les fera condamner et tuer. Le Pape ne rigole pas avec la concurrence
! D'ailleurs, ces fripouilles et nigauds installaient leurs tables devant les
églises autant que dans les foires et sur les places publiques. Magie de rue
certes, mais magie de proximité assurément. Notre futur « close-up » était
déjà à la mode. Le tableau de Jérôme Bosch (1450-1516), L'Escamoteur, est
un modèle universellement connu du joueur de gobelets.
Maître Gonin (vers
1713), ce coquin affabulateur, jouait des gobelets à quelques centimètres de ses
spectateurs, sur le Pont Neuf, son lieu de prédilection, mais acceptait
volontiers contre monnaie sonnante et trébuchante quelques représentations
privées à la Cour.
Il fera une promesse
aux badauds : faire prochainement disparaître les tours de Notre-Dame, une sorte d'escamotage divin. Le public le lui
réclamera sans ménagement et il n'aura d'autre argument que de prétendre que
c'est l'archevêque de Paris qui s'y oppose farouchement...
Dans les accessoires produits des gibecières,
nos assimilés sorciers - mais
véritables prestidigitateurs - ne se contenteront pas de gobelets. Pièces
d'or, muscades, œufs, couteaux, mouchoirs, anneaux et autres feront partie du
répertoire de la magie de près. Sans oublier quelques illusions effrayantes,
graduant entre le simple nez qui saigne abondamment jusqu'à la tête tranchée et naturellement restaurée...
graduant entre le simple nez qui saigne abondamment jusqu'à la tête tranchée et naturellement restaurée...
François 1er
sera particulièrement friand de séances de prestidigitation qu'il fera donner
dans ses palais royaux. A la Cour d'Espagne, des illusionnistes se produiront
régulièrement parmi les jongleurs, cracheurs de feu et montreurs d'ours. Les
magiciens passaient-ils aux tables des grands seigneurs ? On peut le supposer
même si les cartes n'étaient pas l'accessoire encore à la mode.
En 1931, on parle de « vest pocket
magic » pour évoquer le close-up dans
le fameux Linking Ring. C'est à Chicago que l'on commence à voir fleurir
des « bars à close-up » avec une forme moins racoleuse, plus aboutie
techniquement, et l'arrivée des cartes peu pratiquée au siècle précédent à
l'exception de la magie de scène avec les fioritures et manipulations.
Matt Schulien (1890-1967), restaurateur et
magicien né à Chicago, opère durant cinquante ans aux tables de son restaurant
et celui d'un confrère avec des tours de cartes : carte au mur, carte sous la
nappe mais ...4 aussi la pièce dans la bouteille.
Ses fils Charlie et Robert continuent de
distraire les clients avec du « close-up » dans le restaurant familial,
jusqu'au décès prématuré de Charlie en 1998.
D'autres magiciens opèreront dans les bars : Doc Eason, Scotty York, JC
Wagner.
La magie de
proximité trouvera sa place dans les bars aux USA mais aussi en France avec l'incontournable
Mystag (19191988) et en Europe. Cet artiste, connu pour son combat obsessionnel
contre le paranormal, sera l'un des premiers Parisiens à imposer le close-up
dans les cafés populaires. D'autres confrères, comme Samy Liardet, passeront dans des restaurants assez chics où il se taillera un beau
succès avec ses cordes qu'il rangeait soigneusement dans les sacoches de sa
mobylette garée discrètement dans la cour du restaurant...
L'ami Gérard Kunian animera joyeusement et magiquement le Bœuf à L'Escamote dans les années 1970 où il sera remplacé par
Abdul Alafrez, Duraty, Gaétan Bloom et quelques autres... Le close-up commence
à être à la mode en France et les premiers artistes qui deviendront des références
jusqu'à nos jours : Dominique Duvivier et Bernard Bilis, inspirés
respectivement par Ernest Pancrazi et Jacques Tandeau, entre autres. Les frères
ennemis (?) imposeront leur style teinté d'humour à une clientèle généralement
huppée des restaurants chics de la capitale mais pas que... Un marché plus
large, celui des grandes sociétés, offrira un espace à cet art de proximité
lors de soirées prestigieuses : lancement de voiture et de produits, salons
VIP, etc.
Autre référence et figure incontournable :
l'ami Jean-Pierre Vallarino qui fera les beaux soirs de grands établissements
monégasques, en bon voisin niçois. Il sera l'un des plus notables artistes du
tapis vert avec ses inimitables chorégraphies de cartes et de pièces. Il crée
une école de magie à Nice, ouvre une boutique et donne des cours à de nombreux
magiciens parmi lesquels quelques étoiles filantes actuelles amnésiques...
Jean-Jacques Sanvert (Champion du monde de cartomagie à la FISM 79),
un temps en duo avec Bernard Bilis, mènera une très honorable carrière
nationale et internationale tandis que Bébel, l'un des plus doués de sa
génération, trouvera son bonheur et celui de son public, en s'installant dans
le quartier St Michel, entouré du public qui le touche presque, diaboliquement
doué avec des cartes qui racontent des histoires. Il reste l'un des magiciens
de close-up les plus appréciés de ses confrères dans le monde entier, notamment
lors des rencontres madrilènes à L'Escorial autour du grand maître Juan
Tamariz.
Parmi les
quadragénaires français signalons Sylvain Mirouf, Alexandra Duvivier, Boris
Wild, Maurice Douda, David Stone et Mathieu Bich. On ne peut les citer tous ici
et nous n'allons pas nous excuser d'oublier ceux qui vont se manifester furieusement...
Répétons que la liste n'est pas exhaustive.
David Stone, éternel adolescent à la mèche rebelle,
maintiendra le cap avec son style romantique et bad boy. Il publiera un
excellent ouvrage qui reste une référence en la matière (Close-up, les
vrais secrets). Mathieu Bich, secret comme un Sébastien Clergue, crée
et élabore des idées et produits à la mesure des plus grands magiciens de la
planète. Lors de la récente émission de TF1, au milieu d'éloges et
d'insultes, il interviendra fort intelligemment dans les réseaux sociaux pour
rappeler la déontologie en matière de protection des droits dans la jungle
magique.
Chez nos voisins de tous pays on doit signaler l'incontournable monument :
Dai Vernon. Jusqu'à son lit de mort à l'hôpital, il tiendra en main un paquet
de cartes et publiera nombre de notes et ouvrages indispensables aux spécialistes. Larry Jennings tiendra son rang très dignement, comme Derek Dingle,
Edward Marlo, Jimmy Grippo, Michael Skinner, Alex Elmsley et quelques autres
figures du close-up aux USA.
En Hollande, Fred
Kaps, trois fois champion du monde (en scène !), sera redoutable derrière une table. Pour
les pièces, l'américain David Roth est en tête de liste. Harry Lorayne,
spécialiste du close-up, se fera remarquer par ses études portant sur la
mémoire. Le réputé mentaliste Phil Goldstein ne démentira pas son double Max
Maven dans le répertoire de la magie de proximité. Toujours côté USA, le très
créatif Paul Harris et le faux-maladroit suédois Lennart Green...
En Espagne,
l'universel Juan Tamariz, depuis les années 1970 où le monde magique le découvre dans les
congrès, ajoutera à de redoutables techniques une dimension dramatique ou
comique dans son jeu. Il reste l'un des cinq plus importants artistes dans le
monde et apporte par ses écrits toute l'approche psychologique et « physique »
de cet art exigeant.
Toujours côté ibérique, Pepe Carroll, un peu
vite oublié, imposera un style
tout à fait intéressant. L'imposant Ascanio, olympien, technicien hors pair,
laissera son empreinte dans la cartomagie.
Leurs enfants
spirituels, comme Miguel Angel Gea et Dani Daortiz, promettent un bel avenir à
la micromagie. Ils sont les figures de pointes actuelles et donnent des
conférences très courues.
L'Argentin René Lavand, figure légendaire avec
son bras unique, sera un grand parmi les grands du close-up. On ne peut oublier
les regrettés Aldo Colombini et Daryl dans la contribution artistique et
littéraire du close-up.
C'est une approche technique et artistique très
particulière. Reste à savoir s'il
s'agit de « direct » ou d'émissions enregistrées. Dans le premier cas mieux
vaut pas se louper... Dans le second il est possible de recommencer.
Le réalisateur tient un rôle primordial car
c'est lui qui place les caméras. Celle en « douche » est souvent la plus
intéressante car elle peut cadrer un tapis et des mains. Tout ce qui s'y passe
mais qui enlève l'aspect humain et artistique pour ne garder que le « gros plan
» sur la prouesse technique.
Il est assez
imprudent pour un magicien d'arriver avec un joli croquis pour placer les caméras à son
goût. Généralement le réalisateur voit rouge... Car le professionnel de la télé
c'est lui !
Un des premiers en
Europe à imposer le close-up à la télévision - outre de véritables shows de
scène - c'est le madrilène Juan Tamariz. Déjà dans les années 80, comme Paul
Daniels en Angleterre, il déroutait les téléspectateurs avec des tours de
cartes. Aux USA, Copperfield préfèrera les grandes illusions au close-up et
invitera quelques spécialistes du genre dans ses émissions.
L'un des premiers à
présenter du close-up à la
télévision : Bernard Bilis dans « Coucou c'est nous» de Christophe
Dechavanne au début des années 90. Puis peu après le sémillant Sylvain Mirouf
ne déméritera pas chez Michel Drucker dans « Studio Gabriel ».
Actuellement, et depuis... plus de quinze ans, c'est l'incontournable et
talentueux Bernard Bilis (Le Plus Grand Cabaret du Monde/France 2) qui
est la figure télévisuelle de la magie de près en France et bien au-delà grâce
à TV5.
Terminons pas le lieu incontournable en France pour applaudir du close-up : le Double Fond.
Trente ans déjà que Dominique Duvivier fondais à Paris une véritable
institution qui a vu passer les plus grands noms du close-up contemporain.
Alexandra et Dominique Duvivier s'y produisent régulièrement, en solo ou duo,
et apportent à ce lieu une ambiance très parisienne.
LES REVUES DE MAGIE, entièrement ou
principalement consacrées au close-up
EN FRANCE
Les trois n'existent plus mais ont eu leurs heures de gloire.
En tout premier Le Magicien (19371972)
d'André Mayette qui sera réédité un temps par Dominique Duvivier au début des
années 90. De très prestigieux contributeurs s'ajoutent à Dominique Duvivier
qui livre pas mal de ses créations. L'infatigable Tran gère la mise en page des
nombreuses pages de ce magazine peu avare en pagination...
Michel Balandras et Jean-Yves Prost publient à Lyon Arcane
(19762014) qui propose principalement des traductions de routines
extraites de la littérature anglaise ou des notes de conférences. Une référence
en matière de close-up.
François Montmirel fonde Joker DeLuxe en 1993 et publie 40
numéros de la luxueuse revue Imagik principalement composée de
routines de close-up sous la rédaction en chef de Daniel Rhod.
À L'ÉTRANGER
Pabular (1974-1985)
- Fred Robinson, Walt Lees et Stephen Tucker (revue anglaise).
(1988-2011) - Marvin J. Leventhal et Dan Harlan (revue
américaine).
Apocalypse
(19781997) - Richard Kaufman et Harry Lorayne (revue américaine).
Magigram (19661995) - Ken de
Courcy (revue anglaise).
Spell-Binder (19811984) - Stephen Tucker
(revue anglaise).
Chicanery (19861988) - Stephen Tucker
(revue anglaise).
Pentagram
(19461959)
- Peter Warlock (revue anglaise).
New Pentagram (1969-1989) - Peter Warlock (revue
anglaise).
Magical Arts Journal (1986-1990)
-Michael Ammar et Adam Fleischer (revue américaine).
Club 71 (1970‑2007) - Geoff Maltby (revue anglaise).
Blueprint (1974-1981 ?) - lan Baxter et Barry Govan (revue australienne).
Richard's Almanac (1982-1987) - Richard Kaufman (revue américaine).
Pallbearer's Review (1965-1975) -Karl Fulves (revue américaine).
Chronicles (1978-1988) - Karl Fulves (revue américaine).
Arcane (1980-1995) - Jeff Busby (revue américaine).
Newtops (1961-1994) - Neil Foster (revue américaine).
Hierophant (1969-1980) -Jon Racherbaumer
(revue américaine),
Kabbala (1971-1981) - Jon Racherbaumer (revue américaine).
Quelques incontournables français :
- Les « Very Best Of» traduits par Richard
Vollmer (Editions Magix -Techniques du spectacle): Dai Vernon, Edward
Marlo, Roy Walton, Simon Aronson, etc.
- Petite Anthologie des tours de cartes automatiques (Richard Vollmer -
Editions Magix -Techniques du spectacle)
- Cours de cartomagie moderne de
Roberto Giobbi
- La magie de Michael Stutzinger
Quelques incontournables américains :
- The Dai Vernon
Book of Magic (Lewis Ganson 1957)
-
The Magic of Slydini (Lewis Ganson - 1960)
-
Expert Card Technique (Hugard and Braue - 1940)
-
Encyclopedia of Card Tricks (Jean Hugard -
1937)
-
Expert at the Card
Table (S.
W. Erdnase - 1902)
-
Stewart James in Print : The
First 50 Years (Hermetic Press - 1989)
- Strong Magic (Darwin Ortiz - Kaufman
and
Greenberg - 1994)
- The Book of Wonder (Tommy Wonder - Hermetic Press - 1996)
- Greater Magic (Harlan Tarbell - 1938)
- The Fine Art of Magic (George Kaplan - 1948)
- Modem Coin Magic (J.B. Bobo - 1952)
- La magie de Matt Schulien par Philip Willmarth (1959) «
Voilà. C’est tout pour le moment.
Amitiés à tous !