Je viens de lire un livre que j’ai
trouvé à la fois passionnant, précis et instructif sur la création de la
Gestalt-thérapie. Je voudrais vous en faire part à travers quelques articles de
ce blog. Il s’agit de « Ma Gestalt-thérapie, une
poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans » de Fritz Perls.
Cet article est la suite de celui-ci.
Voici le résumé de ce livre.
Finalement, je
suis revenu aux États-Unis, traînant toujours sur mes épaules voûtées, comme un
lourd fardeau, le désarroi que j'éprouvais au sujet de ma profession. Il y eut
une' réunion de l'Académie des psychothérapeutes américains, d'où se détachent,
pour moi, trois événements. Le premier fut que j'avais une maladie de cœur et
que je fis une crise assez inquiétante d'angine de poitrine qui me tint au lit
une journée.
Le deuxième
fut le début d'une amitié avec la splendide, volontaire et puissante Irma
Shepherd, brillante, chaleureuse, têtue et effrayée de sa propre vitalité.
Le troisième
fut une explosion de désespoir que j'eus pendant une séance de groupe. J'avais
éclaté pour de bon en sanglots violents, sans me soucier de la présence des
autres, de profundis. Crise salutaire. Après cela, je fus de nouveau capable de
fixer ma position et disposé à reprendre ma profession.
En écrivant
cela, j'ai fait une découverte : j'ai laissé de côté le désespoir dans ma
théorie de la névrose. Pour une fois, j'ai besoin de faire un tableau. Les cinq
couches de la névrose ne sont pas strictement séparées, mais, pour mieux me
faire comprendre, une telle vue plongeante est utile :
a) la couche de clichés ;
b) les rôles et les jeux ;
c) l'implosion ;
d) l'impasse et l'explosion ;
e) l'authenticité.
Les clichés
sont rigides, et en même temps un terrain d'expériences — « Comment allez-vous
? » « Beau temps. » Poignée de main. Signe de tête. Cela indique simplement la
reconnaissance de l'existence de l'autre. Ça ne veut pas dire qu'on l'accepte,
bien qu'une abstention délibérée soit signe d'offense. Je teste l'autre.
Va-t-il entrer dans une discussion sur le temps ou sur un autre sujet aussi
neutre ? Pouvons-nous, à partir de là, nous aventurer en terrain plus précaire
?
En faisant
cela, nous pénétrons dans la couche du jeu et des rôles. Nous pouvons appeler
cette couche le domaine d’Éric Berne ou de Sigmund Freud. La préférence est
donnée au jeu du « plus que vous » : « Ma voiture est plus neuve que la vôtre
», « Mes malheurs sont plus grands que les vôtres ». Le nombre des jeux est
plus limité que celui des rôles, bien que ceux-ci soient relativement plus
nombreux dans la catégorie freudienne : papa, maman, la sorcière, le bébé, etc.
Berne semble avoir une affinité avec les rôles freudiens, mais aussi avec les
vilains crapauds qui deviennent princes.
La plupart des
rôles sont des moyens de manipulation — la brute, l'impuissant, le bien élevé,
le séducteur, le bon garçon, le frôleur, l'enjôleur, la mère juive,
l'hypnotiseur, le raseur, etc. Ils veulent tous vous influencer d'une manière
ou d'une autre. Les rôles inanimés sont assez fréquents également — l'iceberg,
la boule de feu, le bulldozer, la gélatine, le Rocher de Gibraltar, etc.
Cet
après-midi, j'ai eu un dialogue filmé avec un swami hindou, Maharishi. Son
truc, plutôt stéréotypé, consistait à entrer en contact avec « l'infini » pour
développer ses plus hautes potentialités. Comme il faisait le sourd ou, tout au
plus, émettait un caquetage qui sans doute voulait être un rire, je n'ai pas pu
découvrir où était son potentiel, ni comparer sa méditation avec notre méthode
plus simple du « faire face » et du retrait. N'empêche, il a de bons yeux et de
belles mains. A mon avis, c'est un casse-pieds et, quant à moi, ça ne me
dirait rien de jouer au saint homme pour toute la renommée, tout l'argent du
monde. Son jeu et son rôle sont figés, bien que je suppose qu'il doive y
avoir des situations où il serait capable de jouer d'autres rôles.
On trouve
parfois des gens à l'autre bout de l'échelle. Hélène Deutsch les appelait les
gens « comme si », qui ont des centaines de rôles à leur répertoire.
L'exemple
classique du jeu de rôle limité est celui de Dr Jekyll et Mr. Hyde ou des trois
visages d'Eve. Les deux cas sont déjà au-delà du « comme si ». Les deux cas
montrent une réelle dissociation. Ils diffèrent l'un et l'autre de la
dichotomie habituelle, comme chez l'employé de banque qui fait le lèche-cul au
bureau et le tyran à la maison.
Jerry
Greenwald m'a envoyé une monographie qui, d'une certaine façon, rejoint notre
thème. Il distingue deux sortes de personnes. Les personnes T et les personnes
N. T, c'est toxique, N, c'est nourrissant. Je peux confirmer ses conclusions, quoique
je connaisse bien d'autres formes de destruction. La compréhension du
rythme défense/retrait peut vous épargner beaucoup d'efforts. Celle de T et de
N peut améliorer énormément votre vitalité et même vous épargner beaucoup de
malheurs. Tout ce dont vous avez besoin, c'est de vous intéresser à ce
phénomène.
Il y aurait
exception si vous étiez vous-même du type T, et, même alors, vous trouveriez
peut-être quelqu'un d'encore plus toxique que vous.
La première chose
à faire est de trouver des extrêmes de T et de N. Quelle sorte de gens vous
laissent épuisé et irrité, quelle sorte vous rendent content et radieux ?
Lesquels vous enrobent de sucre leur pilule de poison ? Prêtez une attention
particulière aux gens qui posent des questions, aux conseilleurs, à ceux qui cherchent
à vous affoler, aux voix perçantes ou endormeuses.
Dès que vous
avez quelque assurance, surveillez chaque phrase, le ton de la voix, les tics.
Les cas extrêmes — le bégaiement, les grimaces. Qu'est-ce qui vous met mal à
l'aise ? Vous sentez-vous contraint de répondre à chaque question ?
Un jeu
excellent, auquel vous pouvez jouer en présence d'amis intimes : pendant
quelques jours, écoutez chaque phrase, examinez-la, ainsi que toutes les autres
formes de comportement. Une fois que cela a « accroché », vous ne perdez jamais
plus l'instinct de préférence pour le type N par rapport au type T.
Voilà. C’est tout pour le moment comme
dans les séries télé américaines ou les romans-feuilletons du dix-neuvième
siècle. Amitiés à tous.