lundi 19 octobre 2020

Aperçus sur l'écrivain de science-fiction américain Roger Zelazny (sixième partie).

 



"Aujourd'hui nous changeons de visage", je dois le dire, j'ai été incapable de véritablement
 comprendre ce roman de Zelazny, tellement il est compliqué.


 

 

 

En ces temps troublés, pour échapper à la morosité ambiante, j'ai décidé de publier des textes que j'avais rédigés sur celui qui est pour moi le plus grand des auteurs de science-fiction (à égalité avec Philip K. Dick), Roger Zelazny.

 

2) Un auteur comblé (suite)

Les Neuf princes d’Ambre sont édités en 1970 bien qu’écrits autour de l’année 1967 : sa suite, Les Fusils d’Avalon, qui a été éditée en 1972, avait été abandonnée non finie en 1969. Certains livres sont ensuite écrits sous la pression d’exigences alimentaires et en pâtissent fortement. Il en est ainsi du Sérum de la déesse bleue, édité en 1973, que Zelazny lui-même considérait comme son livre le plus faible :

« Je l'ai écrit le mois après que j'aie stoppé le travail pour le gouvernement pour écrire à plein temps. J'ai senti la pression de produire pendant cette première année et j’ai écrit ce livre extrêmement rapidement, pour l'argent. Cela m'a pris environ une année pour trouver un équilibre dans mes sujets (si tant est que je le possède aujourd’hui). » (Lettre à Jane Lindskold, 17 août 1989) .

En dépit de cette appréhension, Zelazny continue à expérimenter avec la forme, la structure et la langue, appliquant certaines des techniques qu'il avait employées pour des fictions plus courtes à de plus longs travaux. Les deux romans Aujourd'hui nous choisissons de visage et La Pierre des étoiles montrent son désir continu de développer ses capacités en tant qu'auteur. Aujourd'hui nous changeons de visage a été édité sous une forme remaniée qui ne reflète pas sa structure originale beaucoup plus novatrice :

« Ce livre n'a pas été édité de la manière que je l'ai écrite. Ce qui est la deuxième partie dans le livre était vraiment mon introduction. Ce qui est partie I était vraiment la partie II, le retour en arrière qui devient indiqué quand cette goupille particulière est tirée. Mon éditeur m'a dit que je demandais trop au lecteur avec ma structure originale. J'étais plus jeune et j’avais besoin d’argent et je ne pouvais pas se permettre de discuter. Je préfère la manière dont je l’avais écrite. (Lettre à Jane Lindskold, 11 février 1989)

La Pierre des étoiles a également évolué autour d'une expérience sur la structure narrative. Zelazny remarque:

« Une fois que j’eus trouvé mon histoire, je me suis précipité, en utilisant le procédé du suspense — retour en arrière tellement fréquemment et de manière tellement prévisible que la pratique a intentionnellement parodié le dispositif lui-même. »

Une autre manière dont La Pierre des étoiles est expérimentale est que c'était la première tentative de Zelazny d’œuvre humoristique longue. Son sens de l'humour actif s'était toujours rendu évident par les calembours et les jeux de mots même dans ses travaux plus sérieux, mais il n'avait jamais essayé un roman entièrement humoristique. Peut-être le fait qu'il ait atteint ce but est la raison pour laquelle le roman est souvent classifié en tant que fiction  pour adolescents alors que Zelazny l'a écrit pour des adultes.

En 1975, Zelazny s'est senti véritablement la capacité de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille et a décidé de quitter Baltimore. Après une visite à des amis dans le secteur, Zelazny déménage à Santa Fé, Nouveau-Mexique. Santa Fé disposait du mélange de qualités rurales et urbaines que Zelazny cherchait. Zelazny explique :

« La ville a satisfait presque tous nos besoins. Nous étions fatigués de grands centres urbains, mais nous en voulions les agréments tels que de bons restaurants, librairies, théâtre. Le climat, la qualité pittoresque et la proximité du désert et du ski ont aidé. Le mélange triculturel rendait l'endroit très intéressant. L'absence de l'industrie lourde était agréable. C’était un bon endroit pour écrire et élever des enfants »

Le milieu des années 70 est une période occupée pour Zelazny professionnellement aussi bien que personnellement. Entre 1975 et 1982 rarement une année a passé sans qu’au moins un de ses romans soit édité. Plusieurs œuvres moins importantes ont été aussi éditées. Rien qu’en 1976 il publie cinq romans, y compris Deus Irae, écrit en collaboration avec Philip K. Dick, et L’Homme qui n’existait pas, un recueil de trois histoires comportant le même protagoniste. Le recueil inclut la novella gagnante du Hugo et du Nebula Le retour du bourreau.

 

 Voilà. C'est tout pour le moment. Amitiés à tous.

 

Aperçus sur l'écrivain de science-fiction américain Roger Zelazny (cinquième partie).

 



Le roman de Zelazny que je préfère, "Seigneur de lumière". 

 

  

En ces temps troublés, pour échapper à la morosité ambiante, j'ai décidé de publier des textes que j'avais rédigés sur celui qui est pour moi le plus grand des auteurs de science-fiction (à égalité avec Philip K. Dick), Roger Zelazny.

 

2) Un auteur comblé

Après 1969, Roger Zelazny s'installe dans sa nouvelle vie, plus stable et tranquille. Il lui naît deux fils et une fille : Devin, en 1971, Jonathan Trent en 1976, puis Shannon en 1979. En 1975, la famille déménage à Santa-Fe au Nouveau Mexique. Les lectures de notre auteur s'infléchissent quelque peu vers la physique et les mathématiques, dans le temps où il introduit de plus en plus d'éléments directement scientifiques dans ses textes. II s'intéresse aussi à la médecine à l'occasion de problèmes de santé qui l'amènent à réfléchir à son corps. En 1977, il vient en France avec sa famille, invité par Philippe Hupp au festival de science-fiction de Metz, mais sa présence est tout à fait éclipsée par celle de Philip K. Dick qui s'est enfin décidé au même moment à sortir des U.S.A. Un événement que le public de Metz ne manque pas, qui n'a d'yeux que pour Dick. Nous n'avons ainsi pas su vraiment profiter de la présence de Zelazny qui se retirait facilement au sein de son groupe familial et ne faisait rien pour être remarqué, à l'inverse d'Harlan Ellison, présent lui aussi.

De la carrière de Zelazny après 1969, nous retiendrons quelques œuvres marquantes : Le Maître des ombres, Aujourd'hui, nous changeons de visage, Repères sur la route et surtout le cycle des Princes d’Ambre. En dehors de ces œuvres, deux points sont à noter : l'accès de l'auteur aux marchés de prestige, avec la parution de quelques textes dans le Saturday Evening Post ; le retour d'un de ses romans à la faveur de la critique avec L'Œil du chat. Le Maître des ombres est un texte inspiré de Jack Vance — le héros se nomme Jack des ombres — et qui rappelle Cugel l'astucieux en plus glauque. II raconte l'histoire d'une planète immobile, coupée en deux entre la terre du soleil toujours au zénith, où la science règne en maître, et la face nocturne du monde livrée à la sorcellerie. De l'une à l'autre erre Jack des ombres, qui tire sa force de la rencontre entre 1a lumière et l'obscurité des objets. Ce sera lui qui permettra au globe de se remettre en mouvement pour rétablir l'harmonie des éléments en opposition. Roger Zelazny se souvient de ce roman comme un de ses plus agréables à écrire, car — contrairement à ses habitudes — il avait soigneusement préparé le plan de l'action et les personnages prenaient de l'autonomie au fil des pages : mouvement et structure associés. « Quand on arrive à un certain point de la ligne narrative, si on continue de suivre complètement cette ligne, l'histoire perd toute vie et devient quelque chose de mort. Il faut donc s'en éloigner ; et la raison qui y pousse, c'est qu'à ce moment tes personnages semblent prendre une vie propre, et qu'ils deviennent alors un peu plus grands que nature... » (In Patrice Duvic, 1971). Les vingt dernières pages du livre sont même écrites d'un trait. Le seul reproche esthétique que l'on puisse faire au Maître des ombres une fois acceptées ses prémisses d'heroic fantasy — réside dans la dernière partie hâtive d'un livre relativement court. Roger Zelazny le sait, qui écrit : « Je  pense aujourd'hui que j'aurais dû télescoper un peu l'action du premier tiers pour étoffer la fin. Cela aurait produit une impression générale plus forte » (in: R. Geis, 1973).

Aujourd'hui, nous changeons de visage échappe aux difficultés de construction qui atteignent les livres précités. Extrêmement bien charpenté, dédié à Philip K. Dick, au thème van vogtien, il conte l'aventure d'un des nombreux immortels de Roger Zelazny. Cette fois, il s'agit d'un homme transformé en circuit homéostatique autorégulateur. A chaque nœud important du temps existe quelqu’un dont les actes sont intimement prévus à l'avance : il prendra des décisions, mettra en jeu des forces qui amèneront une inflexion dans l'histoire de l'humanité. A côté de lui rôde un double obscur de lui-même, un clone négatif, chargé de contrebalancer les effets de sa monomanie. Ensemble, ils forment sans le savoir un système conflictuel et oscillant, mais en équilibre actif, qui guide l'Homme. Zelazny est ici très à l'aise dans une intrigue extrêmement complexe qui développe un de ses thèmes favoris : la toute-puissance d'un personnage contrecarrée par un adversaire qui se révèle être un double maléfique. Le procédé a été employé par G.K. Chesterton dans Un nommé Jeudi (1908), en science-fiction par A. E. Van Vogt dans A la poursuite des Slans (1940). Toute la subtilité de Zelazny réside en ce que le maléfique n'est que l'expression d'un point de vue opposé sur le monde et qu'il soit quelquefois nécessaire que le « mal » triomphe pour que le corps social survive.

  

Voilà. C'est tout pour le moment. Amitiés à tous.