Le magicien, dessinateur, critique de spectacles, traducteur, Gérard Kunian.
Dans le cadre de mon projet de publier
un article chaque jour dans ce blog pour desennuyer les magiciens confinés, le
journal Magicus Magazine et son directeur de publication Didier Puech m'ont
autorisé d'une manière très généreuse à reproduire un ancien article
de leur journal du numéro 181 (septembre-octobre 2012). Un grand merci à eux
pour leur formidable action. Je rappelle que le journal Magicus Magazine en est
à présent à son 221 ème numéro. Tous les numéros sont passionnants :
abonnez-vous donc au Magicus Magazine,
commandez les anciens numéros dont par exemple celui-ci dont j’ai extrait
cet article consacré au mentalisme écrit par Gérard Kunian.
« Promenade en mentalisme
Il en est
chez les magiciens comme chez le reste des humains normaux, il y a des modes et
n'est pas magicien aujourd'hui qui n'est pas mentaliste. C'est beau, c'est nouveau, tout
nouveau : les cartes bleues flambent, dvd et livres s'arrachent et font les beaux jours des
marchands.
Si je consulte les livres et revues anglo-saxonnes des années 30,
on trouve des « mentalist tricks » à foison. Annemann et son Jinx (début
en 1934) dans lequel écrivait Clayton Rawson auteur de romans policiers, est
le chantre des années qui précédèrent la Première Guerre Mondiale, laquelle
eut pour conséquence bénéfique outre de relancer l'industrie du bâtiment que de
marquer la fin de l'âge d'or de la magie dans les grands théâtres au profit des
spectacles de cabarets et du close-up.
Il faut donc avoir sous le coude les ouvrages d'Annemann et
de Corinda qui restent des bibles pour quiconque veut s'initier aux arcanes prometteurs
de ce domaine particulier de l'art magique. Il n'est pas inutile de faire une
salade russe pour ne pas dire un salmigondis de connaissances qui vous
permettront de donner à vos auditeurs une illusion de modernisme pseudo psycho,
socio tralala : donc à vous la lecture des ouvrages consacrés à la PLN, acronyme
non pas de « petit lapin nul » comme le croyait ma copine Sue, mais de
programmation neurolinguistique - « NLP » en anglais - ; de quoi qui
s'agit donc t'y ? Ça se veut un ensemble coordonné de connaissances et de
pratiques dans le domaine de la psychologie, fondées sur une démarche
pragmatique de modélisation, en ce qui concerne la communication et le
changement. Ouf ! On doit ces merveilles abscondes aux travaux des éminents
Richard Bandler et John Grinder dans les années 1970, aux États-Unis. Grâce
leur soit rendue.
Ne
nuit pas non plus une Lite initiation à l'Ésotérisme, aux ouvrages théoriques
étudiant les tarots. Et quand vous aurez plus ou moins digéré ces
connaissances, vous aurez mis le pied à l'étrier de la. locomotive qui vous
fera galoper sur l'étroit mais fabuleux sentier qui vous mènera sans faillir à
une gloire méritée.
Les spectacles de « mentalisme » se sont multipliés.
Qui ne se souvient pas du « Script » avec Rémi Larrousse mis en scène par
Benjamin Boudou et lui-même, de Viktor Vincent (« Synapses ») et des amis
d'Arthur Jugnot (« Tout est Ecrit ») dont nous avons rendu compte dans le bien
informé magazine que vous lisez en ce moment. Je suis parti à la découverte des
spectacles nouvellement offerts aux Parisiens en mal d'étonnements mentaux.
J'en distingue de deux sortes, pas des Parisiens bien sûr mais
des pestacles ! Il y a ceux où le présentateur enchaîne des effets les uns à la
suite des autres : ça m'évoque une démonstration souvent bien faite de
marchands de trucs, l'autre catégorie de présentateur semble avoir compris ce
que professait le bon Albert Goshman : « The trick is not important, YOU
HAVE TO BE MAGIC ! * ».
Dans la première catégorie, je serais tenté de classer
Laurent Tesla au Théâtre du Petit Gymnase dont le costume est plus
original que ses présentations qui sont d'ailleurs bien accueillies par le
public.
À mon grand regret, par suite d'une erreur de
ma part concernant ses dates à Paris, je n'ai vu de Xavier Nicolas que le
numéro qu'il a eu le courage de présenter en concours à Aix-en-Provence. Par
erreur de stratégie, il a risqué une expérience où un spectateur devait se
servir d'une tablette numérique. Faute d'un pré-show (pas admis dans les
concours : ah mais c'est qu'on ne plaisante pas avec le jury qui n'est pas là
pour rigoler comme on sait)... Un sort funeste a amené sur scène le seul
spectateur qui ne comprenait rien à rien et Xavier, lauréat de la Mandragore
d'Or, s'est trouvé dans un cafouillage réjouissant sauf pour lui. Donc ce
n'est que partie remise j'irai le voir à la Tour de Nesle, théâtre qui
l'a réengagé, ce qu'on peut considérer comme bon signe.
Sur la rive droite, au Théâtre de Dix Heures on doit aller
voir Giorgio. Il s'est attribué le titre
de « Mental Expert ». Le mot expert vaut ce qu'il vaut et ce n'est pas
le bon Hjalmar de Lyon qui nous contredira, mais le spectacle aux « Dix Heures
» vaut le détour, bien que Georgio s'offre le concours d'un coffret aussi
coûteux que sophistiqué pour un effet final du genre « tout était prévu ». Son
très agréable spectacle s'articule comme les chapitres d'un livre qui
déclinerait les différents domaines du mentalisme. Georgio a de l'humour, on
rit souvent et la révélation finale laisse le public pantois.
Je n'ai pas eu le plaisir de voir le spectacle de Mathieu
Chesneau qui officie à La Petite Loge près la Place Pigalle où comme on
sait les petites femmes se font rares (mais ce n'est pas mon propos). Restent
mes deux favoris : Fabien Olicard et Julien Losa à qui je décerne le « palet
d'or » de chez Bernachon (de Lyon) suprême récompense au chocolat que je
n'accorde qu'à ceux qui m'ont fait beaucoup rire ou encore qui m'offrent un
repas fastueux avant ou après mes interviews dont on connaît la vénalité sous-jacente.
Mais d'abord revenons au monde farfelu de Fabien Olicard : il remplit la
petite salle du Théâtre des Trois Bornes sis dans la rue éponyme,
laquelle abonde en petits rades sympas où qu'on se cause encore entre
mammifères inconnus et urbains. Le spectacle très interactif, très malicieux
permet à Fabien d'y glisser des tours de prestidigitation menés de main de
maître - il libère en un clin d'œil ses poignets entravés par un spectateur à
l'abri d'un veston qui fait office de cabine spirite - avant de se livrer aux
expériences de divination ou de prévision chères aux menteurs à listes de
trucs ! Le bon côté du spectacle d'Olicard c'est qu'il truffe ses présentions
de bons mots commentant et brocardant l'actualité tout en égratignant
certaines personnalités.
Enfin voici l'homme à
plusieurs facettes, le magicien qui ressemble au célèbre Dr House de la série qui
porte son nom, j'ai nommé Julien Losa. Il joue de son physique, de son sourire
ravageur et fait craquer les demoiselles tout en étant assez malin pour ne pas
froisser les garçons.
Faut dire qu'en magie il a plusieurs heures de vol et peut
présenter bien autre chose que du « mentalisme ».
À ce propos, une fois par semaine on le retrouve rue
Frochot (à côté de Pigalle, là où qui gna plus de petites darnes... vous savez,
je l'ai dit plus haut !) dans un lieu intitulé « La Foule » sorte de
cabaret cosy, où assis dans des fauteuils ou calé dans un sofa moelleux, vous
assistez à un spectacle complet avec des artiste variés - Ah, Sarah Cohen
quelle voix ! - mais je m'égare, et d'un doigt sur le clavier je reviens à Losa
qui utilise très peu les trucs de marchands et qui pourtant réussit sans
matériel spécial un « tout était écrit » très impressionnant.
Julien détourne aussi des pièces truquées
pour un jeu de « dans quelle main », dont le résultat des différents rounds est
sous son contrôle insoupçonné. Je n'en dirai pas plus, allez le voir à la Comédie
Saint-Michel, tout en haut du boulevard, après la station « Luxembourg ».
Last but not -
menta - least.
Une mention spéciale concerne Benoit Rosemont
qui se livre aux vrais calculs savantissimes de calculateur prodige à la
mémoire phénoménale capable de toutes les extractions de racines cubiques et
autres réjouissances amusantes consistant à mémoriser une suite d'affirmations et de
négations, réponses à des questions aussi farfelues qu'amusantes.
Bref courez le voir, chaque expérience est un exploit
avec un plus inattendu qui vient confondre ceux qui croient savoir.
Le Double-Fond, le Théâtre Trévise ouvrent
également leurs scènes aux mentalistes. Faute de place, nous en reparlerons
dans un autre numéro de Magicus magazine. Au (2) mois prochain et
surtout n'ayez pas peur de nous faire partager vos découvertes, nous en ferons
notre miel. »
Voilà. C’est tout
pour le moment. Amitiés à tous !