Marsile Ficin, un des inspirateurs de Camillo.
Je me suis rendu compte, plusieurs semaines après avoir écrit mon article
« Histoire de la Mnémotechnie : Moyen Âge, Renaissance & Dix-Septième
siècle » que j’avais oublié de mentionner
le travail de Giulio Camillo (1480-1544), un érudit italien, qui a consacré
toute sa vie à la fabrication d’un édifice qu’il appela le Théâtre de la
Mémoire et qui était un gigantesque théâtre décoré d’images, conçu afin de
mémoriser l’ensemble des connaissances de l’époque.
Frances A. Yates est l’historienne qui a le mieux parlé de Camillo selon
moi dans L'Art de la mémoire (quoique Paolo Rossi dans Clavis
universalis et Lina Bolzoni dans La
chambre de la mémoire lui ait consacré des analyses tout à fait
passionnantes) et j’utiliserai donc ses informations.
Malgré la nature fragmentaire de ses réalisations, ou peut-être à cause
d'elle, la réputation de Giulio Camillo ne diminua pas à sa mort ; au
contraire, elle brilla avec plus d'éclat que jamais. En 1552, Ludovico Dolce,
écrivain populaire doué d'un sens aigu de ce qui pouvait intéresser le public, écrivit
une préface pour un recueil des œuvres, plutôt peu abondantes, de Camillo ; il
y regrette la mort prématurée de ce génie qui, comme Pic de la Mirandole, n'a
pas achevé son œuvre et n'a pas produit tout le fruit de son « intelligence
plus divine qu'humaine ». Dans un discours tenu à Bologne en 1588, il exalta
les philosophies de Trismégiste, Pythagore, Platon, Pic de la Mirandole,
auxquelles il joignait le Théâtre de Giulio Camillo.
En 1578, J. M. Toscanus publia à Paris son Peplus Italiae, série de poèmes en latin sur des Italiens célèbres;
l'un d'entre eux est consacré à Camillo, au prodigieux Théâtre duquel les sept merveilles du monde
doivent rendre hommage. Une note du poème dit que Camillo connaissait très bien
les traditions mystiques des Hébreux, qu'on appelle la cabale, ainsi que les
philosophies des Égyptiens, des pythagoriciens et des platoniciens
Par « philosophies des Egyptiens », la Renaissance entendait avant tout les
écrits supposés d'Hermès, ou Mercure, Trismégiste, c'est-à-dire le Corpus hermeticum et L’Asclepius sur lesquels Ficin avait si
profondément médité. Pic de la Mirandole y avait ajouté les mystères de la
cabale juive. Ce n'est pas un hasard si les admirateurs de Camillo associent si
souvent son nom à celui de Pic de la Mirandole, car il appartenait complètement
et avec enthousiasme à la tradition hermético-cabalistique fondée par Pic. La
grande œuvre de sa vie était d'adapter cette tradition à l'art classique de la
mémoire.
Quand, vers la fin de sa vie, Camillo se trouvait à Milan au service de Del
Vasto, il consacra sept matinées à dicter à Girolamo Muzio une esquisse de son
Théâtre. Après sa mort, le manuscrit passa entre d’autres mains et il fut
publié à Florence et à Venise en 1550 sous le titre L'Idea del Theatro dell' eccellen. M Giulio Camillo. C'est
cet ouvrage qui nous permet de reconstruire le Théâtre dans une certaine mesure.
Il a été traduit en français sous le titre Le théâtre de la mémoire de Giulio Camillo aux éditons Allia.
Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés
à tous !