mercredi 8 avril 2020

Pause dans le blog avec un compte rendu de l’ouvrage «Méditer pour agir» du psychothérapeute Lawrence LeShan (deuxième partie).








Lawrence LeShan.



Dans le cadre de mon projet de publier un article chaque jour dans ce blog pour désennuyer les magiciens confinés, j’ai écrit sur un sujet totalement différent : la méditation (en plus abordée par un psychologue).
Lawrence LeShan est un des premiers psychologues à avoir pensé qu’il y avait des facteurs psychiques dans l’origine du cancer dans son livre « Vous pouvez lutter pour votre vie ». « Méditer pour agir » est le premier ouvrage que j’ai lu sur la méditation. Son titre m’avait fasciné : la méditation n’était pas quelque chose d’égoïste, de nombriliste. Elle pouvait aboutir à ce qui semble son contraire, l’action.
Voici des extraits du début du livre :
« Les techniques de méditation ont été originellement développées par des individus qualifiés, en règle générale, de « mystiques », et au sein d'écoles spécifiques d'entraînement mystique, ou de traditions, dans lesquelles se rassemblent les personnes qui souhaitent étudier et pratiquer ensemble ces techniques. On a longtemps gravement mal compris le terme « mystique » dans la culture occidentale. On y associait la notion d'une personne qui a des croyances incompréhensibles au reste des hommes, qui se retire du monde et se mêle peu des activités ordinaires, qui parle ou écrit en termes vides de sens. S'il est impossible de prouver qu'un tel individu est fou, celui-ci s'écarte tellement du sens commun qu'il n'est pas non plus possible de le considérer comme sain d'esprit. (Il est hors de doute que ce point de vue a commencé à se modifier dans notre pays durant les toutes dernières années, mais il y a longtemps prévalu tel que nous venons de l'exposer. Les développements récents de la culture occidentale affectent ce stéréotype.)
Il est bien sûr que nombre de personnes qui se qualifient elles-mêmes de mystiques s'accordent avec notre portrait. Toutefois, si nous examinons attentivement la plus grande masse de ceux qui se considèrent, ou sont considérés, comme mystiques, le tableau change curieusement. Nous voyons que les deux caractéristiques majeures des membres de ce groupe sont le haut niveau d'efficience de leurs actes (on a remarqué que les mystiques occidentaux étaient particulièrement doués pour les affaires), et la sérénité, l'harmonie dans les rapports humains, la paix et la joie qui emplissent leur vie. Bien plus, quelles que soient l'époque et la culture au sein desquelles ils vivent, ils apparaissent tout à fait d'accord sur les questions primordiales : nature de l'homme et de l'univers, normes éthiques, etc. Tous les mystiques, dit L.C. de Saint-Martin, « viennent du même pays et parlent le même langage ». Et voici ce qu'écrit à ce sujet le philosophe anglais C.D. Broad :
« L'occurrence de l'expérience mystique en tous lieux et temps, et les ressemblances entre les déclarations d'un si grand nombre de mystiques sur toute la surface de la planète, me semble des faits réellement significatifs. Cela suggère, de prime abord, que ces personnes entrent en contact avec un certain aspect de la réalité, et échouent, dans une large mesure, à en rendre compte en langage quotidien. Je dirais qu'il nous faut accepter cette apparente objectivité pour ce qu'elle est, à moins que, ou jusqu'à ce que nous puissions donner quelque explication raisonnablement satisfaisante à l'unanimité constatée. »
Evelyn Underhill, qui est à la fois une véritable mystique et une spécialiste de la littérature du mysticisme, écrit quant à elle :
« Les rameaux les plus hautement développés de la famille humaine ont en commun une caractéristique spécifique. Ils tendent à produire — sporadiquement, il est vrai, et en dépit des conditions extérieures défavorables — un type de personnalité curieux et bien défini ; un type qui refuse d'être satisfait par ce que les autres hommes nomment expérience, et qui est enclin, pour employer les termes de ses adversaires, à  « nier le monde en vue de trouver la réalité ». Nous avons besoin de tels êtres, en Orient et en Occident, et aujourd'hui autant que jadis. Quels que soient le lieu et l'époque dans lesquels surgissent les mystiques, leurs buts, leurs doctrines et leurs méthodes ne diffèrent pas substantiellement. Leurs expériences, dès lors, deviennent évidences, curieusement pourvues d'une cohérence et d'une logique propres, et, souvent, s'éclairent l'une l'autre. Il nous faut prendre en compte cette expérience si nous voulons jauger les énergies et les potentialités de l'esprit humain, ou spéculer raisonnablement sur les relations qu'il entretient avec l'univers inconnu qui s'étend au-delà des limites de nos sens. »
D'un point de vue historique et psychologique, le mysticisme est la recherche et l'expérience de la relation unissant l'individu à la totalité qui forme l'univers. Cette connaissance est comme la musique de fond de l'expérience quotidienne du mystique, ou bien il travaille de façon constante en vue de l'atteindre.
L'atteinte de cette connaissance rend capable de transcender les aspects pénibles et négatifs de la vie quotidienne, et de vivre dans la sérénité, la paix intérieure, la joie et la capacité d'amour qui sont tellement caractéristiques de l'existence mystique. Dans ce qu'il a de meilleur, le mysticisme emplit aussi la vie de saveur, d'ardeur et de ferveur, sans compter l'accroissement de l'efficience dans les affaires quotidiennes.
Pour le mystique, cette recherche de la connaissance de sa relation avec l'univers (et, en un sens profond, de l'union de soi et du Tout) est la recherche d'une connaissance perdue et d'un état qui est l'état naturel de l'homme. La racine du mot « mystique » signifie fermer. La recherche mystique consiste à s'entraîner à se fermer à tous les stimuli artificiels qui nous écartent ordinairement de la connaissance, de l'héritage perdu.
Les mystiques sont des individus longuement et durement exercés à la méditation, leur travail a changé leur perception de la réalité et leur capacité d'y participer. Une bonne part des conceptions spécifiques de la réalité forgées dans chaque mystique est colorée par la culture qui l'a porté, mais la façade des différences formelles cache de vastes et profondes zones d'identité.
Les mystiques de la planète entière, et toutes les écoles d'entraînement mystique (comme le Yoga, le Zen, l'Hésychasme, le Soufisme, le mysticisme hindou, juif ou chrétien, etc.), ont en commun de viser deux résultats principaux : une efficience accrue dans la vie quotidienne, et une vision de la réalité différente de la vision ordinaire. »

Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous !


Pause dans le blog avec un compte rendu de l’ouvrage «Méditer pour agir» du psychothérapeute Lawrence LeShan.





Le livre en question.



Dans le cadre de mon projet de publier un article chaque jour dans ce blog pour désennuyer les magiciens confinés, j’ai écrit sur un sujet totalement différent : la méditation (en plus abordée par un psychologue).

Lawrence LeShan est un des premiers psychologues à avoir pensé qu’il y avait des facteurs psychiques dans l’origine du cancer dans son livre « Vous pouvez lutter pour votre vie ». « Méditer pour agir » est le premier ouvrage que j’ai lu sur la méditation. Son titre m’avait fasciné : la méditation n’était pas quelque chose d’égoïste, de nombriliste. Elle pouvait aboutir à ce qui semble son contraire, l’action.

Voici des extraits du début du livre :

« Il y a quelques années, je m’étais rendu à une petite conférence de scientifiques qui, tous, pratiquaient quotidiennement la méditation. Vers la fin de la session de quatre jours, au cours de laquelle chacun d'entre eux avait expliqué plus ou moins longuement comment il méditait, j'entrepris de leur poser la question : pourquoi méditez-vous ? Diverses réponses furent données par différents membres du groupe, mais elles ne nous satisfirent pas, car elles ne répondaient pas réellement à la question.

Finalement quelqu'un dit : « C'est comme de rentrer chez soi. » Un silence s'ensuivit, et chacun hocha la tête en signe d'assentiment. De toute évidence, il n'y avait pas à pousser plus loin l'enquête.

Cette réponse à la question « Pourquoi méditons-nous ? » traverse toute la littérature consacrée à la méditation par ceux qui la pratiquent. Nous méditons pour trouver, recouvrer, revenir à quelque chose de nous-même que nous avons un jour détenu obscurément, inconsciemment, et que nous avons perdu sans savoir ce que c'était, ni où et quand s'effectua la perte. Nous pouvons parler d'accéder plus amplement à nos potentialités humaines, de nous rapprocher de nous-même et de la réalité, ou d'accroître notre capacité d'amour et d'enthousiasme. Il peut s'agir de connaître plus intimement le fait que nous sommes partie intégrante de l'univers, et que rien ne peut nous en aliéner ou nous en séparer, ou d'être mieux en mesure de voir la réalité et d'y fonctionner effectivement. Par l'entremise de la méditation, nous découvrons que tous ces objectifs sont porteurs du même sens. Le psychologue Max Westheimer se réfère à cet état perdu, que nous cherchons à retrouver lorsqu'il définit l'adulte comme « un enfant détérioré ».

Le but de la méditation n'est autre que notre pleine  « humanité », l'entière jouissance de ce qu'être humain signifie. La méditation est une discipline rigoureuse et difficile qui nous aide à nous diriger vers ce but. Ce n'est l'invention d'aucun homme particulier ni d'aucune école spécifique. De façon répétée, en beaucoup de lieux et d'époques différentes, des hommes, qui ont exploré sérieusement la condition humaine, sont parvenus à la conclusion que le potentiel d'être, de vie, de participation et d'expression dont disposent les êtres humains excède la faculté qu'ils ont d'en user. Ces chercheurs ont développé des méthodes d'entraînement pour aider autrui à réaliser ce potentiel, et toutes ces méthodes (les pratiques de méditation) ont beaucoup en commun. Elles se fondent toutes sur les mêmes intuitions, et posent les mêmes principes, qu'elles se soient développées dans l'Inde ancienne, les déserts de Syrie et de Jordanie entre le cinquième et le douzième siècle de nomme ère, le Japon de l'époque de Kamakura, les monastères de l'Europe médiévale, la Pologne et la Russie des XVIII ème et XIXe siècles, ou en d'autres lieux et temps.

Toutes ces pratiques demandent du travail. Il n'est point de route facile ni de voie royale vers le but que nous recherchons. Bien plus, il n'est point de terme à la quête ; il n'est point de position d'où l'on puisse s'écrier : « Maintenant je suis arrivé, je puis cesser de travailler. » Comme nous travaillons, nous nous trouvons davantage chez nous dans l'univers, plus à l'aise avec nous-même, mieux en mesure de nous appliquer effectivement à nos tâches, plus proches de nos congénères, moins inquiets et moins agressifs. Mais nous ne touchons aucun but. Comme à toute chose importante — l'amour, l'appréciation de la beauté, l'efficacité —, il n'est point de limite au potentiel du développement humain. Notre travail — dans la méditation — fait partie d'un processus ; nous cherchons à atteindre un but, le sachant à jamais inaccessible.

Un bon programme de méditation ressemble sur beaucoup de points à un bon programme de culture physique. Tous deux requièrent un travail rigoureux et répété. Le travail est souvent fondamentalement assez stupide dans son aspect formel. Qu'y a-t-il de plus frivole que soulever sans fin une paire d'haltères, sinon compter inlassablement ses respirations jusqu'au nombre de quatre, ce qui est un exercice de méditation ? Dans les deux cas, l'effet produit sur le sujet au travail importe davantage que le soulèvement du poids ou le dénombrement des souffles. Le sujet qui utilise ces programmes sait pertinemment qu'il n'existe pas un seul « bon » programme, valable pour tous. Il serait absurde de prescrire le même programme physique à deux individus différant notablement par la charpente, la condition physique générale, et la relation qu'entretient le développement de l'appareil respiratoire et circulatoire avec celui de l'appareil musculaire. Il est tout autant dénué de sens de prescrire le même programme de méditation à deux individus différant notablement par le développement des systèmes sensoriel, émotionnel et psychique, et leur interrelation. L'une des raisons pour lesquelles les écoles formelles de pratique de la méditation ont un tel pourcentage d'échecs parmi leurs étudiants — ceux qui tirent peu de chose des pratiques et qui ne tardent pas à abandonner complètement la méditation — est que la plupart d'entre elles ont tendance à croire qu'il n'existe qu'une seule façon juste de méditer pour  quiconque, et que, par une curieuse coïncidence, elles en sont détentrices.

Les programmes d'exercice physique et de méditation  ont tous deux pour premier objectif de  brancher et d’entraîner le sujet de telle sorte qu’il soit à même de se mettre en mouvement vers ses buts. »

Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous !