lundi 30 mars 2015

Améliorer sa mémoire, compte rendu de lecture et pratique, jour 1




Une vidéo d'Harry Lorayne, sans doute le plus grand mnémotechnicien américain du vingtième siècle.


Jour 1

Sur la mémoire et la mnémotechnie,
compte rendu du livre
de Benoît Rosemont


Nous entrons, avec cet article, dans la partie véritablement pratique sur la mémoire, où sont donnés les conseils pour bien retenir et bien restituer dans la vie quotidienne.
Seront traités aujourd’hui les chapitres suivants de l’ouvrage de Benoît Rosemont :
Préface : « A quoi va vous servir ce livre ? »
Chapitres 1 et 2 : « Fini la mémoire qui flanche ! » et « La mnémotechnie est-elle dépassée ? ».

Dans sa préface, Benoît Rosemont nous explique que sa méthode est simplement un outil pour améliorer la mémoire, tant dans son aspect à court terme que dans son utilisation à long terme, et ce grâce à certaines techniques.
Il affirme que les résultats peuvent être quasi immédiats, si nous acceptons de briser certaines barrières que nous nous imposons tous naturellement. Trois points sont déterminants :

Il faut accepter de jouer avec son imagination,
il faut consacrer un peu de temps chaque jour aux exercices,
il faut y croire.

Dans le chapitre 1, « Fini la mémoire qui flanche », Benoît Rosemont recense les maladies qui font perdre la mémoire. La plus répandue est sans doute la dépression qui touche des millions de français. Elle s’accompagne souvent d’une difficulté à se souvenir d’événements récents, due au fait que l’état de la personne l’empêche de se concentrer sur l’information à mémoriser. Il s’agit plus souvent d’un défaut d’attention que d’un véritable oubli.

L’auteur nous dit, et c’est déterminant, que l’on peut apprendre à tout âge, qu’il n’est jamais trop tard pour commencer. Avec le vieillissement, c’est juste la vitesse d’apprentissage qui diminue, mais absolument pas la capacité à mémoriser (c’est un peu comme les sportifs qui perdent de la force et de la rapidité avec l’âge mais qui gardent intactes leurs qualités d’endurance, s’ils continuent à s’entraîner). En fait, pour tout un chacun, la mémoire est comme un muscle qui s’avachit, devient peu performant, si l’on ne s’en sert pas. Moins on l’utilise, moins elle est performante ! Benoît Rosemont propose comme petit exercice quotidien de se passer de son répertoire électronique téléphonique et de composer de tête directement les numéros. Si le numéro est bon, le téléphone affiche automatiquement le nom de la personne lorsqu’il le compose. Cela nous permet de contrôler. Si il est faux, on regarde dans la mémoire de l’appareil et la fois d’après, on réessaye la même expérience.

Benoît Rosemont nous apprend qu’il a fait des exercices mnémotechniques tous les jours pendant quinze ans, qu’il a même découvert de nouveaux principes, avant de présenter en 2011 son spectacle entièrement basé sur la mémoire, J’ai oublié un truc… mais ça va revenir, une heure consacrée à l’aspect divertissant de la mnémotechnie et destinée à encourager ceux qui le souhaitent à s’engager dans le voyage au pays de la mémoire.

Dans le chapitre 2, « La mnémotechnie est-elle dépassée ? » Benoît Rosemont nous propose une histoire des procédés de mémorisation qui datent d’il y a plus de 2500 ans. Pour le détail, rapportez-vous à son livre ou à celui de Vincent Delourmel. Il faudrait des pages et des pages pour citer tous les auteurs qui ont créé des procédés mnémotechniques. La première méthode dont on a connaissance est celle des lieux. Le principe en a été exposé par l’écrivain romain Quintilien. Il consiste à d’abord mémoriser une série de lieux familiers dans un ordre déterminé. Puis, si l’on désire se souvenir par exemple d’une liste, il faut associer successivement en pensée chaque mot de sa liste (souvent sous la forme d’une image) aux lieux de la série qu’on a choisie. C’est ainsi que les orateurs de l’Antiquité mémorisaient leurs discours, parfois très longs. C’est comme ça que procèdent encore actuellement des gagnants du Championnat du monde de la mémoire, comme par exemple Dominic O’Brien ou Ben Pridmore. L’immense succès initial de la méthode en Grèce et à Rome a été dû à quelque chose auquel on ne songe pas toujours : en fait, à l’époque, beaucoup de gens ne savaient pas lire. La mémoire compensait la lecture. L’imprimerie n’existait pas et la mnémotechnie permettait d’emporter avec soi de véritables bibliothèques virtuelles.

Par la suite, d’autres méthodes ont été créées que le psychologue Alain Lieury a détaillées dans ses différents livres, et notamment dans Mais où est donc ma mémoire ? D’une manière générale, si l’on vous donne à mémoriser une liste d’informations, quelle qu’elle soit (chiffres, lettres, etc.), vous n’en retiendrez en moyenne que sept. Cela s’appelle « l’empan mnésique » ou moyenne du nombre d’informations que l’on est capable de retenir en une fois. Ce phénomène est lié au fonctionnement naturel de la mémoire, à la manière dont notre cerveau stocke ce qu’il reçoit.
Mais, avec la mnémotechnie, ces limites naturelles peuvent être repoussées. Un exemple : actuellement, alors que nous ne connaissons, pour la plupart de nous, que les chiffres 3,14 du nombre Pi, un mnémotechnicien a réussi à en réciter cinquante mille décimales.

Attention, cette série d’articles sur la mémoire va être interrompue la prochaine fois par un billet d’actualité. Je vais parler d’un spectacle (formidable) que je suis allé voir vendredi dernier, celui de Jean-Michel le magicien (mais qui est aussi mentaliste !).




mercredi 25 mars 2015

Améliorer sa mémoire, comptes rendus de deux livres déterminants


Présentation du spectacle de mnémotechnie de Benoît Rosemont





J’avais dit dans mon dernier article que mon prochain texte porterait sur le bouddhisme. En fait, après diverses réflexions, je vais reporter ce sujet à une prochaine fois. Je désire traiter à présent de la mémoire car plusieurs personnes autour de moi se plaignent de mal retenir. Et pourtant, il y a des méthodes, enseignées par des prestidigitateurs ou des spécialistes du développement personnel, qui améliorent beaucoup les capacités de mémorisation. Vincent Delourmel, un prestidigitateur mnémoniste, a publié la sienne en 2012 et Benoît Rosemont, un autre prestidigitateur spécialiste de la mémoire, après avoir fait sur celle-ci un spectacle entier, J’ai oublié un truc… mais ça va revenir, a sorti son livre Mémento de la mémoire, Améliorez votre mémoire au quotidien ! en 2013. Ces deux ouvrages sont excellents : une bonne histoire des procédés mnémotechniques, des méthodes très pratiques que chacun peut exploiter immédiatement, des effets possibles de « Mémoire prodigieuse » en mentalisme. Je vais détailler leurs idées durant plusieurs articles de ce blog afin que chacun puisse faire son choix.

Un lecteur très attentif aura remarqué que ce problème de la mémoire est présent dans plusieurs des articles de mon blog. Je parle déjà du livre de Vincent Delourmel dans « Quatre livres et moi » puis, dans les articles sur Ma voix t’accompagnera, Milton H. Erickson raconte, je commente le chapitre « Faire confiance à l’inconscient » qui aborde la mémoire exceptionnelle de Milton Erickson. Celui-ci se souvient dans l’histoire « Neige légère » de la neige qui est tombée le 12 novembre 1912, peu avant quatre heures de l’après-midi, alors qu’il était assis sur la troisième chaise du troisième rang dans sa salle de classe au village de Lowell (Wisconsin) (Erickson avait alors 11 ans). D’une manière générale, les personnes que j’hypnotise ont une mémoire parfaite de leur enfance et peuvent se souvenir d’une scène heureuse, par exemple, quand ils avaient trois ans ! L’hypnose a cette capacité extraordinaire de faire revenir une immense partie du passé à l’esprit d’une manière très précise et très vivante.

Quelques mots sur la façon dont j’ai découvert les procédés mnémotechniques et sur la fluctuation de ma mémoire au cours de ma vie. Quand j’étais jeune, j’avais une très bonne mémoire. Je me souviens, en 1975, alors que j’avais quatorze ans et que j’étais en seconde littéraire, j’apprenais avec délice des dizaines de citations, de poèmes, par cœur, sans problème. Plus tard, à la faculté de droit en 1978, je révisais mes cours, des centaines et des centaines de pages, quinze jours avant l’examen en les écrivant. On m’a dit que c’est ce qui s’appelle une mémoire procédurale ou mémoire de travail.

C’est pendant ces années de faculté que je rencontrais et achetais dans une librairie ma première méthode de mnémotechnie. Elle avait un nom un peu ronflant Un secret magnifique pour retenir toutes les dates et était écrite par un certain Adrien Bullas. Ce livre, je ne le savais alors pas, datait de 1956. Il était publié par un petit éditeur, Edouard Aubanel, spécialisé à l’époque dans un domaine un peu honteux, « la culture humaine », que maintenant on appelle le développement personnel. C’est dans cette méthode que j’appris ma première table de rappel dont je parlerai par la suite.


Je me rends compte que, toute ma vie, j’ai acheté des ouvrages sur la mémoire. Mais, du fait que j'étais trop réfugié dans la théorie, il y a eu une période de mon existence, autour de l'année 2005, où j'ai complètement perdu la mémoire. Je n’avais plus aucune motivation depuis longtemps, je n’essayais plus de rien mémoriser, et, en conséquence, j'avais des difficultés de manière générale pour retenir et restituer. J’ai compris alors que ce que disaient les livres était tout à fait exact. La mémoire est comme un muscle : si on ne s’en sert pas, on la perd. Il faut s'entraîner tous les jours. J'ai regagné ma mémoire aujourd'hui à force d’efforts quotidiens et en suivant des méthodes. C’est pour que vous fassiez de même, si vous avez des problèmes de mémorisation ou de restitution, que je vais écrire sur le sujet une série d’articles dans ce blog. Donc à la prochaine fois pour le début du compte rendu de Mémento de la mémoire, améliorez votre mémoire au quotidien de Benoît Rosemont.

jeudi 19 mars 2015

Milton H.Erickson et l'hypnose, jour 11, renseignements divers : formations proposées et bibliographie




Jour 11


Renseignements sur l’hypnose ericksonienne


Je vais essayer de vous donner ici les divers renseignements que j’ai pu glaner au cours des années sur l’hypnose ericksonienne.


Formations 

IFHE, Institut Français d’hypnose humaniste et ericksonienne :
J’y ai suivi pendant une semaine le cours de technicien en hypnose ericksonienne. Je n’ai pas du tout aimé. Trop de baratin loin, très loin de l’hypnose. Olivier Lockert, qui a écrit un ou deux bons livres, se prend pour une star, écarquille les yeux et ne répond jamais aux questions des participants.
Il est donné aussi dans cet institut des formations en programmation neuro-linguistique. Personnellement, je le déconseille (et en plus, c’est cher !).

Arche :
L’Arche est tout le contraire de l’IFHE : c'est une formation intelligente, accueillante et bonne vulgarisatrice de l’hypnose ericksonienne.
En plus des stages pour devenir hypnothérapeute, elle propose :

1) Des soirées « auto-hypnose » avec Virgile Lemarie, un très bon formateur (15 euros la soirée, c’est mieux !) qui a son site personnel, « Hypnoconseil ».

2) Des soirées « Cabinets publics » de démonstration d’hypnose ericksonienne animées par Kévin Finel, le directeur de l’Arche (8 euros l’entrée) .

3) Un stage sur l’hypnose de rue, très à la mode actuellement, depuis le livre de Jean-Emmanuel Combe, La voix de l'inconscient.

Formations Antoine Garnier :
Je n’ai personnellement pas testé cette formation mais elle me semble très intéressante (excellent descriptif sur l’hypnose en général dans le site).

Ecole Française d’hypnose :
Là non plus, je n’ai pas testé. Cette école, qui semble valable, propose des formations en hypnose classique, hypnose ericksonienne et programmation neuro-linguistique.



Bibliographie succincte :

Il y a beaucoup de bons livres sur l’hypnose ericksonienne, outre Ma voix t’accompagnera, Milton H. Erickson raconte. J’en ai sélectionné quatre de manière partiale, ceux qui me plaisent le plus et un que je n’apprécie pas :

L’autre livre de référence sur Erickson. Il est le complément indispensable du livre de Sidney Rosen et est orienté sur la stratégie d’Erickson en thérapie et sur son analyse des cycles de la vie humaine.

MALAREWICZ, Jacques-Antoine, GODIN, Jean, Milton H. Erickson, de l’hypnose clinique à la psychothérapie stratégique, Les Editions ESF, 1986.
Le premier bon livre français sur Milton Erickson.

LOCKERT, Olivier, Hypnose, Evolution humaine, Qualité de vie, Santé, Editions IFHE, 2001
Le premier livre d’Olivier Lockert sur l’hypnose ericksonienne et la programmation neuro-linguistique. Beaucoup d’autres ont suivi après (trop ! Par la suite, Olivier Lockert reprend et délaye ses premières idées.)

LOCKERT, Olivier, Hypnose humaniste, voie de guérison et d’éveil, IFHE éditions, 2006
Dans ce nouveau livre, Olivier Lockert crée le concept d’hypnose humaniste. C’est en fait de l’hypnose ericksonienne avec une pincée de philosophie, un peu d’images Kirlian, de Street Therapy, etc. Pas très original. « Rien de nouveau sous le soleil », peut-on dire de ce livre à la limite de la prétention.


Il y a eu dans le journal Psychologies, un très bon article sur l’hypnose ericksonienne que l’on peut consulter sur Internet:
et un autre sur l’hypnose en général :

On peut aussi aller sur le site de l’IFHE qui donne une revue de presse très complète. 

Il ne faut pas oublier la thèse de médecine remarquable de Claude Virot, disponible sur Internet :


Pour un résumé très concis, vous pouvez vous référer aussi à Wikipédia qui donne de bonnes informations. 

Voilà. Cette série d'articles sur l'hypnose ericksonienne est finie. Merci à ceux qui m'ont lu. Merci à mes relecteurs-correcteurs, Brigitte Aufort, ma sœur, et Wanda, ma femme.

La prochaine fois, comme cela avait été annoncé dans le premier article de ce blog, je traiterai un sujet totalement différent, celui du bouddhisme, que nous avons approfondi avec ma femme depuis deux ans, en prenant des cours au centre bouddhiste Triratna de Paris. Pour ceux que ce sujet n'intéresse pas (et je le comprends très bien), n'hésitez pas à décrocher et à revenir par la suite quand je parlerai de mentalisme et d'hypnose.

Milton H.Erickson, jour 10, "Enseignement des valeurs et de l'auto-discipline"



Ecole française d'hypnose : un cours sur Milton H.Erickson



Jour 10


par Sidney Rosen
Chapitre 13


Pour terminer, je m’abstiendrai de commenter le dernier chapitre, le chapitre 13 ! (porte-bonheur ou porte-malheur) qui s’intitule « Enseignement des valeurs et de l’auto-discipline ». Je n’approuve aucune des idées qui y sont développées : enseignement d’une discipline stricte d’une façon quelque peu sadique (pas loin de la façon victorienne, Erickson y donne même une fessée), valorisation des valeurs familiales américaines, etc. Notre psychiatre y montre son mauvais côté qui est le lot de tous les génies, de tous les grands hommes : chez lui, c’est une adoption un peu stupide des valeurs capitalistes et  de celles de la réussite dans la civilisation américaine (American Way of Life) et dans notre civilisation occidentale. 

Que faut-il en penser et faut-il se désolidariser d’Erickson pour cela ?  Je ne le crois pas, les personnalités les plus géniales ont toutes eu leur talon d’Achille : Einstein était hyper-misogyne et se comportait mal avec sa femme, il est allé voir son fils interné dans un asile psychiatrique une fois en quinze ans, Gandhi et Kennedy étaient obsédés par le sexe, etc. Même, au contraire, je conseille de les prendre pour modèles malgré leurs défauts : on peut, comme on l’a déjà dit, goûter, prendre ce qui est excellent chez quelqu’un, et rejeter ce qui a pour nous mauvais goût, ce que nous n’approuvons pas chez cette personne. Cette théorie et cette pratique de l’admiration-imitation est connue et employée depuis l’antiquité et a été reprise à travers l’histoire des hommes pour le plus grand bien de ceux qui l’ont pratiquée : Alexandre avait comme modèle Achille, Platon Socrate bien sûr, Montaigne imitait et admirait les Anciens ainsi que beaucoup d’auteurs de son époque, à son tour Voltaire a admiré Montaigne. On trouve beaucoup de lignées semblables dans l’histoire de la littérature ou de la philosophie : Baudelaire a admiré Edgar Poe, Mallarmé admirait ce même Baudelaire, Valéry s’est entièrement inspiré de Mallarmé, etc. Au vingtième siècle, Sartre nous dit qu’il veut être à la fois Spinoza et Stendhal ! Là aussi la liste peut être longue. Je pense, et c’est mon intime conviction, qu’il faut se laisser le droit d’admirer, d’imiter, et personnellement j’admire à la folie Milton Erickson, tout en sachant qu’aussi bien en hypnose qu’en écriture, je ne lui arrive pas à la cheville. Mais nous sommes tous différents, nous avons une place inégalitaire, parfois injuste, dans l’échelle des différents savoirs, des différentes capacités et des différents métiers, et il faut se résigner à être soi-même, une chose toute petite, mais aussi pleine de possibilités, tout en essayant maladroitement d’approcher des meilleurs (même si ce n’est pas évident à vivre tous les jours).

Voilà ! C'est tout pour aujourd'hui. La suite au prochain numéro. Le chapitre 13 étant le chapitre de clôture de Ma voix t'accompagnera, Milton H.Erickson raconte, la prochaine fois, je ferai une synthèse au sujet des différentes sources d'information sur l'hypnose ericksonienne : instituts de formation, livres, thèse, journal Psychologies, revue de presse sur le site de l'IFHE, site Wikipedia.
Portez-vous bien !

mercredi 18 mars 2015

Milton H.Erickson et l'hypnose, jour 9, "Manipuler et regarder toujours l'avenir"




Olivier Lockert, qui parle dans ce film, est un hypnothérapeute ericksonien français. Il lit un texte traduit de l'anglais de Richard Bandler. Celui-ci est un des créateurs d'une méthode psychologique très connue et très appréciée, la programmation neuro-linguistique, qui s'inspire en partie des schémas hypnotiques d'Erickson (vous pouvez consulter par exemple ce livre pour découvrir la PNL : Un cerveau pour changer : la programmation neuro-linguistique.)


Jour 9


Compte rendu de lecture
par Sidney Rosen
Chapitre 12




Dans le chapitre 12 « Manipuler et regarder toujours l’avenir », Sidney Rosen montre que différentes techniques sont employées par Erickson pour maintenir et développer l’intérêt et la motivation du patient : les défis, la stimulation de la curiosité, les tactiques de diversion et l’humour. Notre hypnothérapeute assume entièrement le fait qu’il manipule son patient, mais c’est une manipulation « bienveillante », pour le secourir, le sortir de son état. Quand Erickson utilise l’humour au moyen de différentes blagues, l’aspect de celles-ci est, non pas hostile, mais surprenant. Dans la thérapie ericksonienne, le patient est souvent surpris à la fois par ce qu’on lui prescrit, et par ses propres réactions. Tout comme le lecteur ressent un soulagement en écoutant la chute de l’histoire après la tension du suspense, le patient est soulagé d’entendre une prescription claire et nette.

« L’orientation vers l’avenir » est comprise dans ce chapitre parce qu’elle semble en rapport avec les « projets » et la « manipulation » dans la sens ericksonien du terme. Pour Erickson et Sidney Rosen, le meilleur antidote contre la dépression ou les idées obsédantes est une attitude positive face à l’avenir – ceci est vrai lorsqu’on anticipe l’amusement que produira la chute d’une plaisanterie tout comme lorsqu’on espère qu’avec le temps, on s’épanouira.

L’anecdote « Déraillement » est un bon exemple de tactique de diversion utilisée par Erickson ou ses disciples. Ainsi, un de ses anciens étudiants lui écrit, en lui disant : « J’ai eu un patient paranoïde. Tout ce qui l’intéressait, c’était de discuter de ses idées à lui. J’ai essayé d’attirer son attention, sans résultat. Et puis, j’ai pensé à l’imprévu, alors j’ai dit : « Non, moi non plus, je n’aime pas le foie. » Le patient s’est arrêté, a hoché la tête, et a dit : « En général, j’aime bien le poulet. » Et puis il a commencé à parler de ses vrais problèmes. L’inattendu peut toujours faire dérailler un convoi de pensées, un trait de comportement et on devrait l’utiliser plus souvent. »

Erickson rajoute : « Je crois que les thérapeutes devraient avoir en réserve à tout moment, des remarques inattendues. Alors, quand les patients s’installent et racontent tout un laïus hors de propos, il faut les faire sortir de la voie dans laquelle ils ont engagé la conversation, les faire dévier par une remarque inconnue. Par exemple « Je sais à quoi vous pensez. Moi aussi, j’aime les trains.  »

Erickson a toujours été convaincu que c’était lui et non le patient qui contrôlait la thérapie. Karen Horney, une psychiatre éricksonienne a écrit : « Les patients font une thérapie, non pas pour soigner leur névrose, mais pour s’améliorer eux-mêmes. Si les patients pouvaient déterminer ce qui se passe dans une séance de thérapie, presque tous feraient inconsciemment tout leur possible pour empêcher un réel changement thérapeutique. C’est pourquoi lorsque l’un d’eux se trouve engagé sur une voie sans issue, il est important que le thérapeute sache l’aiguiller sur une voie plus fructueuse. »
On pense aussi à l’anecdote du début de cette série d'articles, celle du Vieux Joe. La stratégie de diversion d’Erickson est énorme. Son patient, atteint d’un cancer, ne s’attend certes pas à que son thérapeute lui parle d’un plant de tomates. Mais cela a fonctionné dans ce cas-la et cela continue à fonctionner pour d’autres malades et d’autres thérapeutes.

Voilà. C'est tout pour aujourd'hui. La suite au prochain numéro. Je me rends compte, c'est un peu le principe la diversion, que finalement, il y aura onze articles au lieu de neuf sur le recueil d'histoires Ma voix t'accompagnera, Milton H.Erickson raconte. Le prochain portera sur le chapitre 13, « Enseignement des valeurs et de l’auto-discipline » et celui d'après sera une synthèse sur les différents instituts qui enseignent l'hypnose ericksonienne en France et sur les livres qu'il est possible de lire pour compléter ses connaissances sur Erickson.

Miton H.Erickson, jour 8, traitement des patients psychotiques







Enfin une vidéo sur Erickson en français. Merci Antoine Garnier.



Jour 8



Compte rendu de lecture
 par Sidney Rosen :
Chapitre 11: traitement des patients psychotiques



Dans le chapitre 11 de Ma voix t’accompagnera, Milton H.Erickson raconte, on apprend qu’Erickson a même réussi à guérir des patients psychotiques, donc très gravement atteints. C’est d’ailleurs dans un hôpital psychiatrique, où il avait souvent ce genre de cas, qu’il a fait ses premières armes. On peut donc penser que c’est là qu’il a créé la plupart de ses principes psychologiques, en se confrontant à des patients en très grande détresse mentale, la pratique dans un cabinet avec des patients dits « névrosés » étant de ce fait plus facile. Sidney Rosen commente le fait que deux postulats d’Erickson sont particulièrement adaptés aux patients psychotiques : « Parlez au patient dans son propre langage » et « Epousez la façon de penser du patient ». En effet, les psychotiques sont complètement perdus dans leur monde et seul un expert en observation et en communication comme Erickson peut avoir la possibilité de les atteindre. 

L’anecdote la plus drôle du chapitre est bien entendu celle des Deux Jésus-Christ. Deux malades mentaux qui se prennent tous les deux pour le Fils de Dieu sont forcés par Erickson à se côtoyer sur le même banc. Au bout d’un certain temps, l’un d’eux, John, déclare à celui-ci : « Je dis la même chose que cet espèce de cinglé. Il est cinglé et je dis comme lui. Cela veut dire que moi aussi je suis fou ; et je ne veux pas être fou. » Notre psychiatre lui répond : « Eh bien, je ne pense pas que vous soyez Jésus-Christ, et, vous ne voulez pas être fou. Je vais vous faire travailler à la bibliothèque de l’hôpital. » Il y travaille quelques jours et vient voir Erickson, en lui disant : « Il se passe quelque chose de terrible : dans chaque livre, il y a mon nom sur toutes les pages. » Il ouvre un livre pour lui montrer que c’est écrit JOHN THORNTON ; il trouve son nom sur toutes les pages. Erickson reconnaît le fait et lui montre que l’on peut aussi lire sur chaque page MILTON ERICKSON. Ils découvrent ainsi ensemble des noms dans les livres : Dr Hugues Carmichael, Jim Glitton et Dave Shakow. En fait, ils arrivent à trouver tous les noms qu’ils pensent.
Finalement John conclut : « Ces lettres n’appartiennent pas à un nom ; elles appartiennent au monde !
– C’est vrai. »
John a continué à travailler à la bibliothèque. Il est rentré chez lui six mois plus tard, libéré de ses identifications psychologiques.

Tout d’abord avant tout commentaire technique, une remarque littéraire. Cette histoire fait penser à certaines nouvelles de l’écrivain argentin Jorge Luis Borges (j’ai par le passé écrit sa biographie thématique) et notamment à La Bibliothèque de Babel du recueil "Fictions" : les hommes vivent dans une bibliothèque immense, d’une taille indéfinie où l’on trouve, semble-t-il, tous les livres possibles y compris des livres qui ne signifient rien. Les habitants de la bibliothèque y cherchent le livre des livres qui donnerait un sens à tout cela.

Sidney Rosen nous explique qu’Erickson utilise pour ce cas la méthode du reflet. En premier lieu, il s’arrange pour que le délire de son patient soit reflété par un autre malade qui souffre de la même folie. Dans un deuxième temps, c’est Erickson lui-même qui reflète le comportement du malade en trouvant son nom à lui sur les pages. Quand un thérapeute prend le parti d’assommer un malade avec ses propres hallucinations, quand il rejoint celui-ci dans son délire, le patient se met alors à assumer le rôle du thérapeute, en essayant de lui démontrer que le mode de pensée dans lequel ils sont tous les deux plongés est, en fait, délirant.
Voilà. C’est fini pour aujourd’hui. La suite au prochain numéro avec le chapitre 12 : « Manipuler et regarder toujours l’avenir ».

mardi 17 mars 2015

Milton H.Erickson, jour 7, "Retrouver l’œil innocent" et "Observer : noter les différences"



Jour 7


Compte rendu de lecture
par Sidney Rosen :
Chapitres 9 et 10

Je me suis senti très personnellement concerné par le chapitre 9 « Retrouver l’œil innocent » car je pratique la prestidigitation et le mentalisme en amateur et l’anecdote marquante de ce chapitre est celle intitulée « Tours de passe-passe ». L’idée majeure de cette partie est le fait qu’il faut regarder les choses avec un œil neuf. Rosen cite Rajneesh (alias Osho) à ce sujet : « Regardez une personne d’une grande beauté ou un objet ordinaire, comme si c’était la première fois ». Erickson soulignait souvent le fait que nous perdons l’habitude de regarder les objets familiers, les amis ou la famille : « On dit que rien n’est nouveau sous le soleil. En fait, rien n’est vieux sous le soleil. Seuls les yeux deviennent vieux, habitués aux choses, ce qui fait que rien n’est nouveau. Les enfants, poursuivait-il, avec leurs yeux innocents peuvent pénétrer le monde intérieur d’une personne. » Dans « Tours de passe-passe » Erickson révèle qu’il s’est fait tromper et même très facilement embobiner par un magicien, sans doute grâce à une misdirection. Le magicien a sorti un lapin d’un carton sans qu’il ne s’aperçoive de rien, sans que jamais il ne puisse le voir faire. A l’extrême fin du tour, le prestidigitateur lui a montré un chapeau : le lapin s’y trouvait. Erickson n’a pas compris d’où il pouvait venir mais un de ses enfants, assis assez loin sur le côté de la pièce, s’est écrié : « Vous avez sorti ça de votre poche. » En prestidigitation, Erickson vous le dit, méfiez-vous du regard neuf des enfants. 

Le sujet de la magie, de la prestidigitation, est encore abordé dans le chapitre suivant, le numéro dix, « Observer : noter les différences ». Dans l’histoire « Tour de cartes », un des sujets d’hypnose d’Erickson lui dit « Je n’aime pas faire ce tour parce qu’il me donne une migraine terrible, mais je crois qu’il faut que vous le connaissiez. Achetez un jeu de cartes dans un magasin, ouvrez-le, sortez-en les jokers et les cartes supplémentaires. Battez bien le paquet, six fois, puis coupez et rebattez-le. Distribuez les cartes, une par une, face visible puis retournez-les. Ramassez-les, battez-les une fois encore et distribuez-les face non visible. » Erickson nous dit que l’étudiant put annoncer les cartes dans le bon ordre avant de les retourner. De plus, il lui révéla le truc. Il lui montra que dans les jeux qu’on achète, il y a sur le dos des cartes des lignes entrecroisées et des petits carrés qui ne sont pas découpés très régulièrement. Il lui expliqua : « Il suffit que je me souvienne qu’il manque un petit bout carré ici, un autre là, et encore un autre là. Je dois me souvenir de cinquante-deux cartes. Cela me donne toujours une migraine épouvantable. Il faut un entraînement long et difficile pour arriver à ça ! ». L’étudiant avait appris ce tour lorsqu’il faisait ses études, pour gagner de l’argent.
La conclusion d’Erickson est valable pour nous tous et à tous moments : « C’est très surprenant, ce que les gens sont capables de faire. Mais ils ne savent pas ce dont ils sont capables. » Voilà ! Presque toute la philosophie de celui qui fut un des plus grands hypnothérapeutes du vingtième siècle est résumée dans ces deux sentences. Lui-même fut frappé, par deux fois dans sa vie, de crises de poliomyélite et ne s’arrêta jamais (grâce à l’auto-hypnose et à d’autres techniques) d’être actif, d’enseigner, de guérir, de s’occuper de sa famille, et de plein d’autres choses encore. ! Certains de ses disciples racontent même cette anecdote (est-elle vraie ?) : il devait se donner, semble-t-il chaque matin, une demi-heure de coups dans le plexus solaire pour que la douleur énorme que cela engendrait lui fasse oublier durant la journée les autres souffrances qui taraudaient son corps.

Voilà. C’est fini pour aujourd’hui. La suite au prochain numéro avec la guérison de patients psychotiques.

lundi 16 mars 2015

Milton H.Erickson, jour 6 : "L'apprentissage par l'expérience" et " Prendre sa vie en charge"





Jour 6


Compte rendu de lecture
par Sidney Rosen
Chapitres 7 et 8, « L’apprentissage par l’expérience » et 
« Prendre sa vie en charge »




Le chapitre 7 de Ma voix t’accompagnera, Milton H. Erickson raconte est consacré à « L’apprentissage par l’expérience ». On n’apprend pas parce que l’on vous dit que quelque chose se passe de telle façon, il faut tester dans le réel pour véritablement apprendre. Et en plus, durant l’expérience, il n’est pas productif de s'observer, de comprendre ce qui nous arrive. Si l’on veut vraiment comprendre son expérience, il vaut mieux la différer, la remettre à plus tard, pour pouvoir faire, dans une seconde phase, l’observation, la critique et l’analyse de son expérience. Erickson aime employer souvent des exemples d’anecdotes arrivées aux membres de sa famille. Il nous dit dans l’historiette « Goûter à tout »  qu'un de ses fils aurait pu être un excellent psychiatre mais qu’il a choisi d’être fermier. Il a eu six garçons et une fille. Il s’est soucié de la question du tabac, de l’alcool, des drogues et de ce genre de choses à propos de ses enfants. Il les a donc confrontés très tôt à des produits sans danger. Il leur présentait une jolie bouteille : « Pourquoi ne sens-tu pas ? » C’était très désagréable, l’ammoniaque ! Chacun des gosses a ainsi appris à être prudent avec les choses. C’était une bonne façon de grandir. Erickson, par cet exemple, affirme sa conviction que le meilleur mode d’apprentissage, c’est de faire l’expérience. Et il y a trois personnes très importantes qui donnent en général cette occasion de faire l’expérience : c’est le parent, le professeur ou le thérapeute. Peut-être pourrait-il y rajouter dans certains cas des amis très proches et doués d’une forme de psychologie innée.

Le chapitre 8 « Prendre sa vie en charge » est peut-être un des chapitres les plus importants de l’ouvrage. Erickson y parle de sa propre mort, de celle de ses parents, de sa conception de la vie en général, de son engagement dans celle-ci, dans la vie du couple, de la famille, etc. 
Une anecdote sur ce sujet « Brouilles » est à la fois plaisante et sérieuse ; Erickson raconte que, peu de temps après leur mariage, sa femme a demandé à sa mère : « Quand vous vous disputez avec Papa, comment ça se passe ? 
─ Je dis ce que je pense, et puis je me tais. »
Alors elle est allée dans la cour pour interroger mon père :  « Comment faisiez-vous quand vous vous disputiez avec maman ?
─ Je disais ce que j’avais à dire et ensuite je me taisais.
─  Bon, et alors qu’est-ce qui arrivait ?
─ L’un ou l’autre faisait comme bon lui semblait. On s’en est toujours tiré comme ça. »
Sidney Rosen fait un court commentaire sur cette histoire : « Les parents d’Erickson ont été mariés pendant environ soixante-dix ans. De toute évidence, l’harmonie du couple était basée sur le respect mutuel, et ils avaient pour principe de ne jamais tenter d’imposer leur opinion. »
On peut faire des remarques supplémentaires. D’abord, il faut noter que, peut-être du fait du désir d’être heureux de manière simple avec sa femme, le père d’Erickson se donne des buts modestes. Il ne dit pas en triomphant : « On y est très bien arrivé » mais d’une manière euphémique « On s’en est toujours tiré comme ça. ». Ensuite la question de la femme d’Erickson, qui était elle aussi psychothérapeute, est une question typiquement psy : « Bon, et alors, qu’est-ce qui arrivait ? » Et alors ? Et alors, il n’arrivait rien de catastrophique, ils ne se séparaient pas, ne s’engueulaient pas, ne se battaient pas, la vie reprenait son cours. Poser la question de ce « Et alors ? » dans une thérapie peut être déterminant car elle montre la relativité de certains événements que nous pensons devoir nous traumatiser pour la vie, comme ici une brouille dans le ménage.

Le deuxième récit que j’ai choisi dans ce chapitre « Prendre sa vie en charge » peut paraître absolument impossible, totalement délirant, mais je pense qu’il est véridique. Il montre simplement les ressources, les possibilités de quelqu’un de très doué qui, dans chaque étape de son existence, prend sa vie en charge, en mobilisant l’intégralité de son potentiel psychique. Il est intitulé « La brique de Pearson ».
Robert Pearson, un psychiatre du Michigan, alors qu’il passe à côté de sa maison reçoit une brique sur la tête qui lui cause une fracture du crâne. Il commence d’abord à s’affaisser sur les genoux, puis se reprend en se disant : « Si seulement Erickson était là. Mais, bon dieu, il est en Arizona, je ferais mieux de me prendre en charge moi-même ». Il procède donc rapidement à une anesthésie locale, conduit pendant cent kilomètres jusqu’à l’hôpital et effectue les formalités d’admission. Il demande un neuro-chirurgien et lui dit : « Je n’ai pas besoin d’anesthésie. » Le chirurgien insiste courtoisement pour qu’il soit anesthésié. Pearson demande à l’anesthésiste : « Prenez note de tout ce qui sera dit pendant que je serai endormi. »
Robert Pearson reprend rapidement conscience après l’opération ; il déclare à l’anesthésiste : « Le chirurgien a dit ça, ça et ça. » Il se souvient de tout ce qui a été déclaré, et le chirurgien est horrifié de découvrir que Pearson l’avait écouté discuter de l’opportunité de poser une plaque métallique. La semaine d’après, il se retrouve, comme il l’avait prédit et contre l’avis du chirurgien, à faire une communication à une assemblée de psychiatres. Erickson lui dit : « Comment t’es-tu égratigné ? ». Il répond : « J’ai eu une fracture du crâne » et il lui raconte l’histoire.
Le commentaire de Rosen est le suivant : « Cette histoire montre le pouvoir de l’esprit sur le corps dans la récupération après des traumatismes graves. Pearson dit : « Je ferais mieux de me prendre en charge. » Cette idée peut s’appliquer à chacun de nous et la prise en charge peut survenir lors d’un danger extrême, lorsque contraint par une dure nécessité, on découvre des ressources intérieures qu’on ne soupçonnait pas.
L’histoire de Pearson fait aussi la démonstration que, généralement, nous en savons bien plus sur ce qui se passe en nous-même que nous ne nous y autorisons. Ce médecin est capable de se souvenir des choses qu’il a entendues même sous anesthésie. Il est intéressant de voir que, non seulement il en est capable, mais surtout qu’il est capable également d’anticiper, puisqu’il demande à l’avance à l’anesthésiste de prendre des notes écrites.
Une remarque subtile de Rosen : « Une dominante de cette histoire, c’est que les rôles habituels que nous assumons se trouvent inversés. Le patient se prend en charge alors que le chirurgien et l’anesthésiste l’assistent. »
En réalité, c’est le rôle des docteurs mais la plupart des patients régressent lorsqu’ils tombent malades et mettent le médecin dans la position d’un personnage ayant du pouvoir, d’un parent tout-puissant. En fait, la fonction actuelle du médecin est d’utiliser ses connaissances pour traiter et soigner selon les désirs et les besoins du patient.
En ce qui concerne la véracité et la probabilité d’une telle histoire, j’ai connu, peu de fois mais indubitablement, des cas prodigieux similaires. Lorsqu’encore jeune, je faisais les vendanges dans le Bordelais, la propriétaire du vignoble nous avait dit qu’un jour son mari, qui faisait au moins ses cent kilogrammes, était tombé dans une cuve de vin et qu’elle avait réussi à le sortir de celle-ci en le tirant par les bras avec sa seule force nerveuse. Seulement quand ce fut terminé, quand il fut sauvé, elle constata qu’elle avait les bras en sang.

C’est tout pour aujourd’hui. La suite au prochain numéro. Ce sera « Retrouver l’œil innocent » et « Observer : noter les différences »

Milton H.Erickson, jour 5, hypnose et recadrage




Jour 5 



Compte rendu du livre
par Sidney Rosen
Chapitre 6 : recadrage



Comme je ne peux malheureusement pas tout aborder, je ne tirerai qu’une anecdote du chapitre 6 « Recadrage ». Avant tout, il faut savoir que recadrer signifie changer l’ensemble ou le point de vue conceptuel et/ou émotionnel à travers lequel une situation donnée est vécue, et la replacer dans un autre cadre qui s’adapte tout aussi bien et même mieux aux « faits » concrets de la même situation, et qui change ainsi toute sa signification. Erickson, dans le recadrage, exploite une vieille, très vieille idée d’Epictète : « Ce ne sont pas les choses elles-mêmes qui nous dérangent, mais l’opinion que nous avons d’elles. »

L’anecdote « Visage de cannelle », outre son recadrage, est un bon exemple de l’humour et de la créativité d’Erickson. C’est l’histoire d’une petite fille qui hait tout le monde parce qu’elle a le visage rempli de taches de rousseur. Les enfants de son école l’appellent « Grain de son » et bien sûr, elle déteste les grains de son. Elle entre dans le bureau d’Erickson et reste debout à attendre, la mâchoire serrée. Celui-ci lui crie : « Tu es une voleuse ! Tu as volé ! »
Elle répond qu’elle n’est pas une voleuse et qu’elle n’a pas volé. Erickson continue : « Oh, mais si, tu es une voleuse. Tu as volé quelque chose. Et même je sais quoi. Je vais te prouver que tu as volé.
─ Vous n’avez aucune preuve, je n’ai jamais rien volé.
─ Je sais même où tu étais quand tu as volé ce que tu as volé.
La fillette est alors très fâchée contre le thérapeute. Il lui dit : « Je vais te dire où tu étais quand tu as volé ce que tu as volé. Tu étais dans la cuisine à la table de cuisine. Tu es montée sur la table pour atteindre le pot où il y avait des galettes à la cannelle, des petits pains à la cannelle ─ et tu as renversé de la cannelle sur ton visage ─ tu es un visage de cannelle. »
Erickson commente l’histoire ainsi : « Elle a eu une réaction émotionnelle très favorable envers ses taches de rousseur. Elle était dans un cadre où elle pouvait réagir favorablement parce que j’avais, de façon délibérée, augmenté son hostilité et sa colère et qu’est littéralement apparu dans son esprit un vide. Parce que je lui ai dit que je savais où elle était quand elle avait volé, et que je savais ce qu’elle avait volé. Et j’avais des preuves. Et ainsi elle s’est sentie soulagée de l’accusation d’être une voleuse. De plus, j’avais trouvé un nouveau nom pour ses taches de rousseur. Ce sont ses émotions, ses pensées et ses réactions qui ont été thérapeutiques. Mais elle n’avait pas besoin de le savoir. »

Voilà. C’est fini ! La suite au prochain numéro avec « L‘apprentissage par l’expérience » et « Prendre sa vie en charge ».

dimanche 15 mars 2015

Milton H. Erickson, jour 4, hypnose, humour et créativité




Une des techniques hypnotiques d'Erickson



Compte rendu du livre
par Sidney Rosen
Chapitres 3, 4 et 5


Le troisième chapitre du livre de Sidney Rosen, Ma voix t'accompagnera, Milton H. Erickson raconte, porte sur « Faire confiance à l’inconscient », dont j'ai déjà parlé. Je rajouterai une anecdote qui m’a toujours fasciné : « Professeur Rodriguez ». Un professeur de psychiatrie nommé Rodriguez désire faire une psychothérapie avec Erickson. Celui-ci sait qu’il est beaucoup plus instruit que lui et qu’il a l’esprit plus vif. Pour l’interroger, Erickson se met donc en transe hypnotique et, un jour, son patient s’en rend compte et dit : « Dr Erickson, vous êtes en transe ». Erickson lui explique alors la raison de sa démarche : il ne pouvait le traiter que comme cela, en ayant directement accès à son propre inconscient. Sidney Rosen commente l’histoire ainsi : « Même si l’on se sent « inférieur » à quelqu’un d’autre, même si l’on se sent insuffisant, on peut, si l’on veut bien puiser dans son inconscient, trouver les ressources nécessaires pour arriver à une situation ou d’égalité ou dans une position supérieure. » 

Le quatrième chapitre parle de la « Suggestion indirecte » en hypnose dont Erickson est un des inventeurs. L’anecdote « Contourner la résistance » en est un bon exemple. Erickson n’arrive pas à hypnotiser un médecin particulièrement coriace. Il met alors en transe l’une de ses étudiantes à qui il demande d’hypnotiser l’homme. Celui-ci ne peut résister à cette jeune femme imperturbable. Une des idées qui en découle pour Erickson est d’assimiler la résistance à une personne ou à un endroit particulier. Sidney Rosen donne cette explication : « Il faut contourner la résistance. Faire ressortir toute la résistance possible dans cette chaise-là, puis changer de chaise. La résistance restera là, elle n’arrivera plus ici. »

Le chapitre 5 « Dépasser nos limites actuelles » est très riche d’enseignements ; j’en ai tiré trois anecdotes mais il en faudrait dix, vingt, tant Erickson savait chaque jour dépasser ses limites (à noter qu’il a quand même eu un confrère qui a posé une plainte contre lui à l’Ordre des Médecins américains). Voici donc : « Pour aller d’ici à la pièce voisine », « Péché » et «Votre alcoolique doit être sincère ».
Une des caractéristiques d’Erickson est son humour. Dans « Pour aller d’ici à la pièce voisine », il s’amuse avec un étudiant en lui demandant d'imaginer le plus de façons possibles d’aller du lieu où il est à la pièce voisine. L’étudiant en trouve huit. Erickson en cite beaucoup d’autres complètement délirantes, jusqu'à plus de trente. Le commentaire d’Erickson est le suivant, ironique : « C’est terrible ce que nous nous limitons dans nos façons de penser ! »

« Péché » est lui aussi très significatif de la pensée d’Erickson. C’est un cas extrême certes mais qui montre que tous, oui tous sans exception, nous sommes enfermés dans des schémas de pensée que l’on nous a inculqués et qu’il faut apprendre à en prendre conscience. La jeune femme de « Péché » a été convaincue par son éducation et ses parents que Dieu l’étendrait raide morte si elle entrait dans un cinéma ou dans un drugstore, si elle buvait de l’alcool ou fumait une cigarette. Par une stratégie à la fois de raisonnements et d’expérimentations, Erickson parvient à lui faire dépasser ces tabous délirants. De manière générale, une des règles éricksoniennes est de faire briser leurs interdits à ses patients. Pour cela, il leur propose de se mettre dans des situations nouvelles. Dans ces situations, ils apprennent avec leur propre expérience et non avec les indications d’autrui où sont en réalité leurs limites.

« Votre alcoolique doit être sincère » est un récit inhabituel dans les histoires d’Erickson parce, que lui qui fait parfois des thérapies en dix minutes, échoue lamentablement. Un alcoolique lui raconte son histoire et comment il vit. Erickson lui demande de faire certaines modifications dans son existence, dans certaines de ses habitudes. L’homme lui dit tout de go : « Docteur, je crois que j’ai fait une erreur en voulant arrêter de boire. » Erickson commente ainsi ce cas : « Pourtant, cette manière-là aurait été idéale. Votre alcoolique doit être sincère. » Donc, contrairement aux critiques qui lui ont été faites par la suite, Erickson admettait très simplement le fait que des fois, à cause de raisons différentes (ici le patient voit plus de risques, d’inconfort, à guérir qu’à rester dans sa situation) il pouvait tout bêtement comme les autres, malgré son expérience et l’emploi subtil de l’hypnose, échouer totalement.

Voilà. C'est tout pour aujourd'hui. La suite au prochain numéro pour le chapitre "Recadrage".

Un hypnothérapeute "hors du commun", Milton H. Erickson, jour 3



Compte rendu du livre sur l'hypnose et la psychologie :
par Sidney Rosen
Jour 3, étude du chapitre 2 : histoires motivantes



Dans ce livre passionnant, Sidney Rosen analyse les anecdotes que l’hypnothérapeute Milton Erickson (qui était appelé par ses contemporains "The Wizard of the Desert") racontait à ses patients, souvent après les avoir mis en état d’hypnose. 

Aujourd’hui, je vais étudier le chapitre 2 de ce véritable manuel. Il s’appelle  tout simplement « Histoires motivantes », termes qui pourraient s’appliquer d’ailleurs à toute histoire d’Erickson. Mais ce sont ici plutôt des anecdotes sur le développement physique et psychique de l’être humain : quand nous avons appris à nous mettre debout, à marcher, à faire de la bicyclette, quand nous avons retenu les tables de multiplication, les déclinaisons latines, etc. Au début, cela nous paraissait très difficile, presque impossible. A présent, nous n’avons même plus conscience que nous avons vécu cet apprentissage. Mais Sidney Rosen interprète ces anecdotes aussi pour le futur : « Quand il me racontait des histoires où je me trouvais renvoyé directement à mes apprentissages premiers, j’avais la capacité – en état de transe – de revivre l’expérience de l’immense effort et de la fréquente frustration par lesquels il faut passer pour apprendre une nouvelle tâche ou un nouveau geste. J’avais en même temps parfaitement conscience d’avoir appris ces gestes les uns après les autres. En conséquence, je pouvais apprendre à relever d’autres défis dans ma vie présente. » Sidney Rosen aurait même pu noter que, si nous ne faisons plus d’apprentissages étant adulte, c’est parce que nous ne voulons plus de frustrations, frustrations que nous avons connu intensément étant enfant. « Ce n’est plus de mon âge », disons-nous, et nous n’apprenons plus rien. Nous perdons l’entraînement, la force et la santé de notre mémoire qui devient débile.

Il y a selon moi dans ce chapitre deux histoires particulièrement intéressantes : « Il ne passera pas la nuit » et «Scène de ménage». Dans la première, les médecins disent à la mère d’Erickson, qui est atteint de poliomyélite à l’âge de dix-sept ans, qu’il ne passera pas la nuit. Celui-ci demande à sa mère de déplacer un coffre pour voir le coucher du soleil. Sa mère s’exécute et Erickson survit. Sidney Rosen commente ainsi l’histoire : « Sa référence au coffre et au coucher du soleil résumait un des conseils qu’il ne cessait de donner pour profiter de la vie, voire la prolonger : « Toujours avoir un but réel dans le futur proche ». Dans le cas présent, son désir était de voir le coucher du soleil. 

L’histoire de « Scène de ménage » est encore plus hallucinante. Un couple marié depuis trente ans a passé son existence en querelles continuelles. Erickson leur dit seulement : « N’en avez-vous pas assez de vous disputer ? Pourquoi ne pas profiter de la vie ? ». Par la suite, ils ont une existence très heureuse. Cela paraît impossible, magique. Là où une psychanalyse met des années, Erickson prend dix minutes. Sidney Rosen lui a demandé des détails sur cette guérison. Avait-il employé l’hypnose ? Erickson lui répondit que oui, mais que là n’était pas l’essentiel. Sidney Rosen ajoute pour illustrer ce cas cette formulation de la pensée d’Erickson « Il y a trop de thérapeutes pour penser qu’ils sont là pour diriger le changement et aider le patient à changer. La thérapie, c’est comme une boule de neige qui se forme au sommet de la montagne. En roulant, elle croît et s’accroît jusqu’à devenir une avalanche modelée par le profil de la montagne. »

Voilà ! C’est fini pour aujourd’hui. La suite au prochain numéro.