Un autre exemple de livre très complet sur le sujet par Jean-Louis Siémons
1) Le modèle
africain
On emploie le terme
« réincarnation » pour désigner une série de croyances difficiles à
définir avec précision existant dans certaines tribus d’Afrique noire. Pour elles,
la mort devrait conduire l’être humain auprès de ses ancêtres. Il arrive
cependant que l’on pense que la mort est d’abord suivie d’échanges réels ou
symboliques avec un nouveau-né du même clan ou de la même famille. Il ne s’agit
pas de transactions liées à la qualité des actions posées pendant la vie du
défunt. Le processus peut se poursuivre pendant quelques existences et est
suivi de la transformation du défunt en ancêtre. Voir à ce sujet un très bon
article sur le culte des ancêtres en Afrique.
2) Le modèle hindou
Pour la religion
hindouiste, il faut à tout prix se libérer de la renaissance continuelle dans
un nouveau corps après chaque mort de l’individu. Tout acte (karman), dépendant
d’un coefficient quelconque de passion (désir, colère, attachement), laisse des
traces, positives ou négatives, qui s’emmagasinent dans le mental. Qui fait le
bien renaît dans des corps d’êtres appelés à jouir pendant un certain temps de
plaisirs même divins ; qui fait le mal se retrouve momentanément dans des
corps d’êtres néfastes ou inférieurs. Mais au-delà du psychisme et de sa charge
de mérites et de démérites, il y a présence d’un principe spirituel (atman,
purusha), étincelle d’absolu immergée dans la matière, qui ne peut ni diminuer
ni s’accroître par des actions mauvaises ou bonnes. D’après la tradition
philosophique hindoue, les mérites ne s’accumulent pas dans l’atman, mais bien
dans le mental qui appartient au niveau subtil du vivant. C’est parce qu’il est
alourdi de traces inconscientes ou de constructions psychiques diverses
suscitées par le désir que l’être vivant est voué à transmigrer éternellement
dans de nouvelles matrices. Ce monde du samsara est comparé à une jungle, à un
océan ou encore à la roue de la noria. C’est un monde d’errance indéfinie qu’il
faudra définitivement quitter pour accéder à la libération. La liberté
spirituelle n’est pas donnée à l’avance : elle se conquiert grâce à des
disciplines (yogas) qui varient selon les maîtres spirituels.
La plupart des
spécialistes pensent que la première idée de la transmigration vient de l’Inde.
On y trouve dès le VIII ème siècle avant Jésus-Christ une conception de la
pluralité des existences liée à une théorie de l’action (karman) et du désir
qui pousse à agir dans le texte intitulé Brihadaranyaka Upanishad d’un des quatre Vedas, le Yajur-Veda blanc. Il y est
question de l’enseignement que le saint Yajnavalkya y dispense à sa femme
Maitreyi au sujet du Soi. L’œuvre explique l’identité totale du Brahman
(l’Absolu immuable et éternel, la Réalité suprême et non dualiste) et de l’Atman
(le Soi). Cette conception sera celle du « Vedanta », un des six
systèmes (Darshanas) de l’hindouisme. En voici un extrait : « Celui
qui s’attache à un but va avec l’acte (karman) qu’il pose au but auquel son
esprit s’est attaché. Quand il est arrivé au terme de son acte (karman),
quoiqu’il ait pu faire ici-bas, de ce monde qu’il a atteint, il revient à ce
monde-ci pour continuer à agir. » Ce texte s’accompagne toujours d’un
commentaire du philosophe Shankara (788-820). Celui-ci enseigne que la réalité
immuable est recouverte dans la pensée par la vision d’un monde sensible fait
d’illusion, (en sanskrit namarupa ou maya ) composé de noms et de formes et en
perpétuelle mutation. L’exemple le plus connu cité par Shankara est celui du
cordage que l’on prend pour un serpent dans l’obscurité. L’homme dans son
ignorance passe son temps à superposer au cordage (Brahman) l’image du serpent
(le monde sensible). La peur, les battements de cœur sont déclenchées par ce
serpent qui n’a jamais existé et ne mourra jamais puisqu’il ne vit que dans
notre imagination.
Un autre texte, La Bhagavad-Gita (Chant du Bienheureux), sixième livre de l’épopée Le Mahabharata, rédigée
entre le V ème siècle avant J.-C. et le II ème siècle de notre ère, considéré
comme l’Evangile des Hindous, explique d’une manière déterminante certains
points sur la réincarnation. Une de ses idées dont je vous ai déjà parlé est que la cause des renaissances
est l’attachement aux actes, bons ou mauvais.
Nous verrons dans un
prochain article deux citations du Bhagavad-Gita commentées par Sri Srimad A.C. Bhaktivedanta Swami Prabhupada sur la transmigration (chapitres II, 22 et II 13)
et par la suite d’autres textes comme Les lois de Manu et Le Markandeya-Purana.
Voilà.
C’est tout pour aujourd’hui. La suite au prochain numéro comme dans les
romans-feuilletons du dix-neuvième siècle ou dans les séries américaines
contemporaines. Amicales salutations.