dimanche 22 juillet 2018

Nouvelles précisions sur la Gestalt-thérapie (seizième partie) (Orientation du Moi, troisième partie, chapitre 2, Contact avec l’environnement, expérience 2).




Un autre livre sur la Gestalt-thérapie

Des amis m’ont demandé d’apporter des approfondissements sur la gestalt-thérapie, la psychothérapie que je préfère actuellement. J’ai déjà abordé ce sujet à plusieurs reprises dans ce blog. En voici quelques exemples :


Cet article est la suite de celui-ci. 

Le livre de référence sur le sujet est Gestalt-thérapienouveauté, excitation et développement de Frederick Perls, Paul Goodman et Ralph Hefferline.

L’ouvrage est divisé en deux parties distinctes. La première partie porte sur l’orientation du moi et se subdivise en 4 chapitres. Le chapitre 1 définit l’aspect scientifique de la gestalt thérapie. Le chapitre 2 présente différentes expériences visant à développer ou à accroître chez l’individu sa capacité à entrer en contact avec son environnement. Les chapitres 3 et 4 présentent les différentes techniques de prise de conscience intégrée du soi. La deuxième partie de l’ouvrage porte sur la manipulation du moi. On y retrouve également 4 chapitres qui traitent globalement de 3 types de mécanismes névrotiques à l’origine des troubles psychologiques vécus par les individus. Ces mécanismes sont : la rétroflexion, l’introjection et la projection.

Je vais, pour que vous compreniez bien la démarche de la Gestalt, aborder le thème de la première partie, l’orientation du moi et plus particulièrement son chapitre 2 « Contact avec l’environnement ».

Première partie, Orientation du Moi. Chapitre 2, Contact avec l’environnement.

EXPÉRIENCE 2 : Sentir les forces opposées

Freud a fait une observation importante quand il a dit que, lorsque nous trouvons des gens qui se tiennent sur la tête, il nous faut automatiquement les remettre sur leurs pieds. Prenez, par exemple, l'erreur extrêmement commune de prendre le « besoin d'être aimé » pour l'« amour ». Le névrosé affirme qu'il est plein d'amour et de gentillesse, mais il semble que ce qu'il fait pour l'être aimé provient principalement de la crainte d'être rejeté. De même, nous allons voir quelquefois « nos chers amis » avec des sentiments de dégoût et d'hostilité. Vous avez peut-être remarqué (chez les autres) que toutes les surcompensations sont le contraire de la tendance originale. La modestie maladive (obsession) recouvre une certaine avarice et la suffisance cache un manque de sûreté de soi.

Imaginez ce que serait la situation si vous ne vous étiez pas levé ce matin. Que se passerait-il dans certains cas si, pour une fois, vous disiez « non » au lieu de « oui ». Si vous étiez dix centimètres plus grand ? Ou si vous aviez dix kilos de moins ? Si vous étiez un homme au lieu d'une femme, ou vice versa ?

Tout crédit est un débit, un transfert de quelque chose. Les livres de comptes de la nature sont à double entrée. Toute addition est, quelque part, une soustraction. La nourriture que nous tirons du sol appauvrit la terre, et en négligeant cette contradiction évidente, l'homme a laissé derrière lui des terres dévastées et improductives. Alors, pensez à quelque chose que vous avez acquis et considérez qu'il a été perdu pour quelqu’un d'autre. Et si vous ne l'aviez pas ? Et s'il s'agit de quelque chose que vous n'avez pas obtenu, qu'en serait-il si vous l'aviez ?

Les réactions à cette expérience peuvent se classer en gros en deux catégories. Pour la majorité, c'est un soulagement vis-à-vis de la première expérience sur la réalité et une occasion d'« utiliser son imagination ». Pour d'autres, c'est « un exercice stupide qui ne fait qu'embrouiller les choses alors qu'on sait que ce n'est jamais comme ça », ou une interruption indésirable de la politique éprouvée et vraie de « ne pas réveiller le chat qui dort ». Par exemple :

« . .. De toute façon, j'ai passé trop d'années avec des opinions indéfinies et dénuées de passion ; tout ce que je peux dire, c'est que je me sentais comme une âme perdue. Avec l'expérience, j'ai commencé à avoir mes propres opinions, fondées sur l'empirisme et, pour la première fois, j'ai commencé à sentir que ma vie prenait un sens. En d'autres termes, je suis devenu « bourré de préjugés ». Très bien Je pense que cela vaut mieux que de se sentir une amibe. Il me semble plus important de considérer l'exactitude des décisions que prend un individu plutôt que d'exiger un état chronique d'analyse. Qu'est-ce qui est exact ? Évidemment, ce qui est considéré comme éminemment intelligent par la société, un consensus d'opinions. La société possède-t-elle le monopole de la vérité ? Probablement que non, mais on ne peut pas se séparer trop radicalement du consensus. Après tout, malgré le manque de fonds et le surpeuplement des hôpitaux, il n'existe pas tellement de comportements bizarres qu'on peut adopter sans se retrouver enfermé. »

Pouvons-nous nous aventurer à deviner les prémisses qui sous-tendent un tel raisonnement ? Dans le meilleur des cas, cela implique qu'il vaut mieux s'aligner soigneusement sur un comportement conventionnel si on ne veut pas finir dans un hôpital psychiatrique. C'est vrai, un comportement bizarre peut mener à l'internement — et la pensée est une forme de comportement. Mais est-ce raisonnable de voir ce qu'on vous a demandé de faire dans cette expérience comme un exercice dangereux pouvant vous mener au bord du gouffre ? Peut-être pouvons-nous avancer que cet homme se sent obligé d'évoquer des épouvantails assez terrifiants pour se forcer à marcher droit ?

Certaines personnes se compliquent la tâche en essayant de trouver l'opposé exact d'une chose dans tous les détails. Par exemple :

« Je suis en train de taper à la machine. Quel est le contraire ? Maintenant, je suis bloqué. Quel est le contraire de taper à la machine ? Ne pas taper ? Mais ce n'est qu'une négation, vide de sens. J'essaie alors différentes situations qui peuvent être opposées au fait de taper à la machine. Mais je n'en trouve aucune qui soit satisfaisante. Est-ce que faire du canoé est le contraire de taper à la machine ? Est-ce conduire un orchestre ? En vérité, ce n'est pas taper à la machine, mais ce ne sont pas non plus des actions contraires. »

Quand il s'agit d'activités ou de structures extrêmement différenciées, il n'y a aucune raison de supposer qu'en regardant autour de soi, on va trouver une autre activité ou structure qui sera exactement le contraire. Mais pour en rester à l'exemple de taper à la machine, que faites-vous dans ce cas '? Vous mettez des mots sur du papier. Quel est le contraire ? Les enlever, c'est-à-dire les effacer. Ou encore, que tapez-vous ? Peut-être une lettre pour accepter un travail. Quel est le contraire ? Une lettre de démission. Ou, pour changer le contexte, le contraire de taper à la machine, c'est avoir quelqu'un qui tape pour vous. Que la validité des contraires dépende d'un contexte approprié est un sujet sur lequel nous reviendrons plus tard.
Pour certains, c'est le sommet de l'absurdité de supposer que l'altération de la position ou de l'ordre des lettres dans une ligne de mots puisse poser un problème. Examinez plutôt le cas suivant :

« En renversant certains détails comme le « p » et le « q », par exemple, j'ai découvert que cela m'inquiétait. J'ai eu la même réaction que lorsque je vois quelqu'un ouvrir une boîte de conserve ou un paquet de cigarettes à l'envers. Pour moi, les choses doivent être précisément comme elles devraient être. C'est-à-dire chacune à leur place. Quand je me couche le soir, je ne peux pas m'endormir si je sais qu'un tiroir est ouvert ou que la porte du placard n'est pas fermée. C'est quelque chose qui n'est pas correct, quelque chose qui ne doit pas être. »

Un autre étudiant a eu des difficultés encore plus grandes en essayant de renverser les lettres :

« Quand je renverse les lettres, je deviens nerveux. Mon cœur bat plus vite, mes yeux larmoient. Comme j'étais en train de regarder les mots d'une page en essayant d'imaginer de quoi ils auraient l'air s'ils étaient inversés, j'ai pensé que c'était peut-être l'effort de concentration qui me faisait mal aux yeux. Alors j'ai essayé de les écrire à l'envers puis de les regarder — mais après cela, mes yeux pleuraient tellement que je ne pouvais même plus voir ! C'est incroyable ! Que nous faites-vous avec ces expériences ? »

Il arrive que l'on interprète si mal le « pré-engagement créateur » qu'on le prenne pour un état d'indécision chronique, plutôt qu'une phase d'orientation vers diverses possibilités et réalités, ou même, après avoir essayé sans succès un plan d'action, un retour au point zéro pour se réorienter vers d'autres possibilités. Un étudiant écrit : « L'attitude qui consiste à voir les deux côtés d'une chose conduit finalement à s'éloigner de la réalité. » Peut-être veut-il faire allusion à l'attitude qui consiste à opposer deux arguments pour éviter de prendre une décision. Si c'est le cas, nous sommes d'accord avec lui pour dire que cela implique « un éloignement de la réalité ». Mais nous dirons que c'est le besoin de s'éloigner de la réalité qui donne naissance à ce stratagème, plutôt que le contraire.

En essayant de renverser une situation importante de sa vie, un étudiant écrit ce qui suit :

«          La situation réelle est la suivante ; ma fiancée doit bientôt revenir d'Europe après y avoir passé près de neuf mois. Quand elle sera là, nous allons nous marier. J'ai vraiment le sentiment d'en mourir d'envie.
«          Si j'essaie d'imaginer des « désirs et inclinations » opposés, j'arrive à quelque chose de ce genre : je n'ai pas envie qu'elle revienne, je ne l'aime pas. Je préfère sortir avec des tas de filles pendant encore quelques années. Maintenant que j'ai écrit cela, je vois qu'il y a un peu de vrai dans ce que je viens de dire.
·           Ce qui m'amène à critiquer ce que vous avez dit sur les nombres qui algébriquement tendent vers zéro puis augmentent à nouveau, négativement cette fois. C'est une façon rudement compliquée de dire quelque chose sans importance. De plus, c'est faux, parce que la vérité d'une situation s'étend sur toute la gamme. Ce n'est jamais totalement positif ou totalement négatif et, dans ce cas, ce que vous dites est trompeur. Encore une fois, peut-être seulement pour moi. »

Nous pouvons utiliser l'extrait ci-dessus pour illustrer certains points. Le premier paragraphe expose la position officielle du jeune homme en ce qui concerne son futur mariage — dans ce cas, totalement enthousiaste. Puis, dans le processus même d'exprimer la situation opposée, il a reconnu qu'il possédait aussi des sentiments contradictoires, là où auparavant il n'en soupçonnait aucun. En lisant un peu entre les lignes, on peut en déduire qu'il nous en a voulu de l'avoir mené à cette vision inattendue, car il a attaqué aussitôt certaines de nos déclarations. Finalement, ayant exprimé correctement son agression — c'est-à-dire directement, à ceux qui l'ont éveillée en lui —, il peut à la fin, l'atmosphère étant dégagée, reconnaître que peut-être ses objections sont extrêmement personnelles.

Un autre étudiant, qui allait être père, a remarqué, en se livrant à cette expérience, que le petit « crédit » qui allait arriver pouvait aussi occasionner certains débits :

« Ma femme et moi pensons créer une famille et je suis ravi à l'idée d'avoir un enfant. En essayant de me figurer une situation où je ne pourrais supporter cette perspective, j'ai réfléchi — et j'ai été surpris de voir avec quelle rapidité ces idées se sont présentées à moi ! — la perte de la liberté, les ennuis au milieu de la nuit, les frais médicaux et tous les autres inconvénients possibles que la venue de l'enfant pouvait entraîner. J'ai compris, à ce moment-là, la vérité de votre déclaration : Il n'y a pas de crédit sans débit. »

  
Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous.

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