dimanche 22 juillet 2018

Compte rendu du livre « Ma Gestalt-thérapie, une poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans » de Fritz Perls (trente-neuvième partie).




Sigmund Freud.


Je viens de lire un livre que j’ai trouvé à la fois passionnant, précis et instructif sur la création de la Gestalt-thérapie. Je voudrais vous en faire part à travers quelques articles de ce blog. Il s’agit de « Ma Gestalt-thérapie, une poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans »  de Fritz Perls.

Cet article est la suite de celui-ci.


Voici le résumé de ce livre.

Dans son Paracelse, Arthur Schnitzler dit : « Nous ne cessons pas de jouer, mais seuls les sages le savent. » Et comme c'est vrai ! Nous avons souvent à jouer des rôles, délibérément, par exemple, pour nous montrer exprès sous notre meilleur jour. Mais ces rôles que nous jouons sous la contrainte, les manipulations, qui remplacent l'honnête expression de soi, peuvent et doivent être surmontés si vous voulez devenir adulte.

Les pôles extrêmes, dans ce domaine des rôles, sont la vocation et le faux-semblant.

Dans le premier cas, vous utilisez le rôle comme un véhicule pour faire passer ce qu'il y a d'essentiel en vous. Vous êtes soutenu par votre talent, par vos sentiments véritables et par votre sensibilité. Vous êtes du type N (nourrissant).

Dans le faux-semblant, l'engagement personnel vous fait défaut. Vous feignez une émotion inexistante, il vous manque de l'assurance concernant votre compétence, vous n'êtes que du toc.

Du point de vue du psychiatre, les rôles les plus importants et intéressants sont ceux qui sont introjectés. Freud ne fait pas de différence entre l'introjection et l'imitation délibérée qui est un procédé d'apprentissage.

Une introjection est un dybbouk. Une sorte de « démon » possède le patient et existe à travers lui. Le dybbouk, comme tout introject véritable, est un corps étranger dans celui du patient. Au lieu d'être dans la zone extérieure, comme une personne que l'on peut rencontrer, il occupe une large part de la zone intermédiaire. Le patient, au lieu d'être régi par lui-même, d'être en accord avec la dominante image/arrière-plan, est contrôlé par les besoins et les exigences de son dybbouk, et ne peut revenir à lui que lorsque le démon a été exorcisé.

J'ai rencontré un cas extrême de dybbouk il y a environ dix ans, à San Francisco, pendant un congrès de l'Association des psychologues américains. L'un des participants au séminaire avait le visage d'un mort, couleur de cire. On aurait dit un cas d'encéphalite, mais sans les symptômes de lésion du noyau rouge. Son comportement et son odeur m'évoquaient l'atmosphère créée par un cadavre. J'ai l'habitude de me fier à mes intuitions, si bizarres qu'elles puissent être, et je lui posai des questions sur une personne chère qu'il avait perdue. Et, à vrai dire, il s'agissait d'une mort subite : il n'avait pas eu le temps d' « enfanter » de son deuil — pour utiliser un excellent terme de Freud — ni larmes « d'adieu », ni séparation, ni enterrement. Cette personne continuait son existence, non pas, comme c'est si souvent le cas, en termes de caractère, de particularités et de façons de penser, mais en tant que cadavre.

Je lui fis rencontrer son dybbouk, mobiliser sa peine, et dire adieu à la personne aimée. Nous ne pouvions, bien entendu, achever le « travail » de deuil, parvenir à une conclusion complète, traiter le symptôme à fond en une seule séance, mais il était déjà devenu un peu plus vivant, sinon vraiment ressuscité. Ses joues avaient perdu un peu de leur teint cireux pour recouvrer encore les couleurs de la santé, et sa démarche était devenue plus souple, bien qu'il ne fût pas encore prêt à danser.

Parmi les psychologues qui assistaient à ce congrès se trouvait Wilson van Dusen, un existentialiste. Il me suggéra de venir sur la côte Ouest pour travailler à l'hôpital d'Etat de Mendocino. J'accueillis cette idée avec joie. Je voulais quitter Miami. Marty repoussait l'idée de m'épouser. J'étais trop vieux. Elle ne voulait pas renoncer à la sécurité de son mariage et mettre en péril la pseudo-sécurité de ses enfants.

Je pris un appartement à San Francisco. Deux de mes « parasites » m'avaient suivi, sans cela je n'aurais pas eu une grosse clientèle. J'accomplissais mon service à l'hôpital et ne détestais pas faire deux cents kilomètres en voiture à travers les belles forêts de séquoias. C'est là que je me pris d'amitié pour Paul, un psychiatre qui adorait vivre à la ferme et élever des enfants ; je crois qu'il en a onze à présent. Nous avons fait un bon nombre de parties d'échecs passionnantes.

Au départ, je me sentais proche de Wilson. Nous nous respections. J'aimais bien ses enfants, étais souvent invité chez lui où je passais la nuit. Parfois il m'emmenait promener sur le siège arrière de sa moto. Dans ma jeunesse, j'avais eu deux motos, mais le siège arrière, à mon âge — j'avais alors environ soixante-cinq ans —, c'était autre chose. Au début, j'avais peur et restais crispé, mais bientôt je pus me décontracter et profiter de ces balades. Un jour, je ne sais plus à quelle occasion, sa femme me lança quelque chose et cassa mon bracelet-montre.

Pendant que je travaillais à cet hôpital, je fis l'expérience du L.S.D. J'en prenais assez souvent, sans me rendre compte de mon évolution, paranoïde et irritable. De toute façon, Wilson et moi devînmes de plus en plus étrangers l'un à l'autre, et je partis bientôt pour Los Angeles. Je l'ai revu récemment, et au bout de quelques jours la glace a fondu, nous avons eu des relations bonnes et chaleureuses.

Entre autres choses, Wilson a découvert que le schizophrène a des « trous » dans sa personnalité. Dans sa communication à ce sujet, il signale que la psychiatrie et la théorie existentielles manquent d'une technique thérapeutique appropriée et que mon approche du problème comble ce vide. Plus tard, j'ai poursuivi son idée des « trous » et découvert que la même chose s'appliquait aux névrosés. Un névrosé n'a pas d'yeux, beaucoup n'ont pas d'oreilles, d'autres n'ont pas de cœur, ou de mémoire, ou de jambes pour se tenir debout. La plupart des personnes névrosées n'ont pas de centre.

En fait, cette théorie découle de la notion bornée de Freud selon laquelle le névrosé n'a pas de mémoire, mais, à la place, une amnésie totale ou partielle. Freud accuse cette amnésie d'être la cause non seulement du développement incomplet du patient, mais encore de son « cinéma » (acting out).

Wilson et moi prétendons qu'il y a bien d'autres « trous » responsables du développement inachevé d'un malade. Une personne peut avoir bonne mémoire, mais pas de confiance en soi, ou d'âme, ou d'oreilles, etc. On peut faire disparaître ces trous non pas en les comblant par « surcompensation », mais en transformant le vide stérile en vide fertile. La capacité de réaliser cela dépend, encore une fois, de la compréhension du néant. Le vide stérile est ressenti en tant que néant, le vide fertile comme quelque chose qui émerge.

Dans ma jeunesse, Freud avait été pour moi un sauveur tout trouvé. J'avais la conviction d'avoir endommagé ma mémoire en me masturbant, et le système de Freud était centré à la fois sur le sexe et la mémoire. J'étais également convaincu que je ne pouvais guérir que par la psychanalyse.

Nous appelions charlatan une personne qui promettait la guérison sans livrer la marchandise. Freud était un savant sincère, un écrivain brillant, et il avait découvert maints secrets de « l'esprit ». Aucun d'entre nous, à part peut-être Freud lui-même, ne s'était rendu compte qu'il était prématuré d'appliquer la psychanalyse au traitement ; aucun de nous n'avait vu la psychanalyse dans son véritable contexte et pour ce qu'elle était alors : un sujet de recherche.

Aujourd'hui, on passe des années et on dépense des millions à vérifier l'innocuité et l'efficacité de tous les médicaments qui apparaissent sur le marché. Cela n'a pas été fait très souvent en matière de psychanalyse, malgré l'absence de test ou la répugnance des analystes à laisser tester leur méthode. Le gouvernement est très strict au sujet des médicaments ; les différents États sont très stricts au sujet des permis qu'ils délivrent aux praticiens de la psychothérapie ; cependant, la psychanalyse, sous toutes les formes et toutes les dénominations, échappe complètement au contrôle officiel en vertu d'une clause ancestrale qui ne figure dans aucun code.


Voilà. C’est tout pour le moment comme dans les séries télé américaines ou les romans-feuilletons du dix-neuvième siècle. Amitiés à tous.


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