vendredi 12 juin 2015

La mnémotechnie dans la vie quotidienne : retenir les noms de famille




Extrait du spectacle du mentaliste américain Harry Lorayne où il mémorise et restitue les noms de famille des spectateurs



Chers amis,

Cela fait maintenant beaucoup de temps que je n’ai pas publié dans ce blog et je m’en excuse. J’étais plongé dans des recherches sur le bouddhisme et l’hindouisme, sujets qui me passionnent. Si l’un de vous désire recevoir le résultat de ces prospections qui sont très en dehors de la thématique de ce blog, qu’il m’envoie un email à cette adresse : jgerault@free.fr et je me ferai un plaisir de lui faire parvenir un fichier de synthèse et de répondre à ses questions par rapport au texte que j’ai bâti en élaborant un résumé de mes lectures, de conférences auxquelles j’ai assisté, de recherches sur Internet et de réflexions personnelles.

Mais venons-en au sujet qui nous préoccupe, la mémoire. Je rappelle que la plupart de mes conseils ont été transmis par des spécialistes de la mnémotechnie, notamment Benoît Rosemont dans son « Mémento de la mémoire » et Vincent Delourmel, auteur de « Les dix secrets de votre mémoire ». Après avoir vu les différentes règles pour bien retenir, nous allons aborder le cœur du problème pour certains, la mémoire au quotidien. Faisons d’abord un petit résumé des quatre éléments que nous avons recensés auparavant ; pour bien mémoriser, il faut :
1) De l’intérêt
2) De l’attention
3) De la volonté
4) De l’émotion

Si l’un de ces points vous manque, votre mémoire risque d’être prise en défaut. Donc, avant toute chose, travaillez et, si soit votre intérêt, soit votre attention, soit votre volonté, soit votre émotion sont défaillants, essayez de combler cette lacune en effectuant des exercices (comme par exemple la mémorisation d’un poème comme je l’avais proposé). 
Choisissez un poème ou un texte simple d’un auteur que vous aimez (intérêt), travaillez votre texte au moins vingt minutes par jour (volonté) en restant concentré pendant ces vingt minutes : décrochez le téléphone, n’allez pas boire un café, etc. (attention). Dites votre texte à voix très haute (comme Flaubert le faisait dans son gueuloir), chantez-le si vous aimez chanter, enregistrez-vous si vous aimez les médias : faites tout ce que vous pouvez imaginer pour qu’il y ait une émotion-plaisir en lisant ce texte et en le retenant. Ainsi, vous progresserez comme tous les étudiants en mnémotechnie qui travaillent régulièrement et s’améliorent au fil des jours.

Un des principes de la mnémotechnie que nous avons vu ensemble, et qui va nous servir pour retenir les noms de famille, est de former un lien visuel entre l’information que nous souhaitons mémoriser (le nom de la personne) et un « indice de récupération » que nous créons (disons pour l’instant une caractéristique physique de la personne qui sera le point de départ de notre souvenir). Cet indice de récupération est appelé « crochet » en mnémotechnie : on le nomme ainsi, de manière imagée, parce que nous allons accrocher dessus, grâce à un lien visuel, l’élément à mémoriser. Et même, une fois ce premier lien créé, on pourra y ajouter d’autres références sensorielles qui seront autant de liens nouveaux. Plus il y en aura, plus l’information sera facile à retrouver.

Le crochet que nous allons créer peut aussi être comparé à un porte-manteau où nous accrochons un vêtement. Pour récupérer notre vêtement, il nous suffit d’aller au porte-manteau qui, nous le savons, se trouve à tel endroit à la maison. C’est exactement la même chose que nous allons faire. Lorsque vous voudrez récupérer ce que vous avez mémorisé, il vous suffira d’aller auprès de votre crochet pour voir ce qui y est suspendu.

S’agissant de notre thème d’aujourd’hui, les noms de famille, la difficulté vient du fait que le crochet n’est pas dans un endroit défini (un nom de famille est par nature abstrait, n’a pas une signification propre et n’est a priori relié à aucun concept, chose ou mot connus). Il faut donc totalement inventer le crochet et, pour le lier de manière indubitable avec la personne concernée, il vous faudra retenir un élément caractéristique de la personne (le plus souvent physique mais pas toujours). Voici quatre exemples pour une meilleure compréhension :
1) Si vous rencontrez la personne dont vous voulez retenir le nom dans une soirée et qu’il y a énormément d’invités, jouez la carte de la simplicité et choisissez un élément physique de la personne.
2) En revanche, si vous rencontrez la personne dans un bureau fermé, pour un rendez-vous professionnel, vous pouvez mémoriser un des éléments du bureau de votre interlocuteur, par exemple un tableau de valeur accroché au mur, une photo de famille sur sa table ou un souvenir qu’il a rapporté de l’étranger, etc.
3) S’il s’agit d’un de vos fournisseurs dans le cadre professionnel, vous pouvez utiliser l’image de l’article-phare qu’il propose dans son catalogue.
4) Si c’est un commerçant chez qui vous allez relativement souvent, visualisez l’image de l’intérieur de sa boutique.
Cette liste n’est bien sûr pas exhaustive, c’est à vous de créer d’autres types de crochets grâce à la puissance de la plus incroyable des facultés psychiques, l’imagination.

Cet élément-clé, ce crochet, doit être quelque chose de concret, naturellement plus simple à visualiser (ce qui est l’essentiel de la technique) qu’un élément abstrait. Il ne doit pas non plus faire l’objet d’un doute ! Vous devez à tous les coups pouvoir le retrouver immédiatement : par exemple, un bouquet de fleurs, l’intérieur de sa boutique, pourront être des crochets pour retenir le nom de votre fleuriste, et la tour Montparnasse le crochet vous permettant d’associer le nom d’un de vos clients qui y possède un bureau.

Le plus difficile est de trouver un crochet lorsque l’on vous présente une personne en dehors de tout contexte particulier. Il faut alors créer un crochet sur la personne elle-même. Utilisez un élément physique caractéristique. Pour cela, il faut bien observer l’individu en question et choisir quelque chose qui le distingue des autres convives à ses côtés. Evitez par exemple d’utiliser l’image d’un de ses vêtements, car votre crochet ne serait valable que le jour de votre rencontre.

Il faut observer les moindres détails physiques de l’être humain que vous avez en face de vous : la forme de sa tête, de son visage, de son front, la longueur ou la largeur de ses sourcils, ses yeux petits ou grands, globuleux ou enfoncés, bleus, verts, marron ou autres, le nez petit, grand, fin, courbé, cassé, etc. Passer en revue ces détails vous aidera à faire attention à la personne que vous venez de rencontrer et à lier plus fortement son nom. Plus vous créez de liens annexes, plus l’image s’imprimera dans votre mémoire.

A présent que vous avez en tête l’élément caractéristique de la personne qui vous fait face, le « crochet », il faut créer l’image du nom de famille, afin de la lier à la personne. Si vous êtes amateur de jeux de mots (calembours, rébus, etc.), ce sera simple, évident pour vous. Sinon, laissez-vous guider par votre instinct (tout le monde en a un !). Deux possibilités s’offrent à vous :
1) Le nom de famille en lui-même évoque quelque chose pour vous. C’est donc facile. Si la personne s’appelle Monsieur Boulanger, Madame Colombe ou Mme Dupalais, il vous suffit de créer l’image correspondante : un boulanger, une colombe ou un palais.
2) Autrement, il va vous falloir découper le mot en entités de sens comportant une ou plusieurs syllabes. Si vous souhaitez retenir le nom de George Clooney, vous pouvez imaginer deux George pour mémoriser le jeu de mots, « George Cloné » ou alors lui ajouter un nez rouge pour récupérer dans votre mémoire « George Clowné » ou encore lui planter un clou au travers du nez pour voir « George Clou-nez » (deux syllabes équivalent alors à deux unités de sens différentes).
N’ayez pas peur de ce que vous appelez le ridicule ! Vous êtes le seul à avoir l’image en tête, donc vous pouvez visualiser absolument tout ce que vous voulez. Et bien sûr, ne tenez pas compte de l’orthographe. Il s’agit ici d’être capable de dire et retenir le nom. L’écriture est un autre problème. Il est possible de mémoriser l’orthographe précise des mots mais cela encombre la mémoire, et ce n’est pas ici notre propos.

En dernier ressort, que faire si vraiment l’on n’arrive pas à découper le nom en syllabes signifiantes ? Il faut l’énoncer à haute voix en chantonnant. C’est ce qu’Adrien Bullas, mon premier maître en mnémotechnie, appelait « le chant des syllabes » dans son livre génial « Un secret pour mémoriser toutes les dates ». Ânonnez chaque syllabe en chantant et trouvez-lui un sens. Vous verrez, ce n’est pas si difficile que vous ne pensez. Prenons un exemple apparemment peu évident : Monsieur Papandréou. Si l’on énonce le nom à haute voix en chantonnant, on peut le découper en quatre mots comme dans un rébus : pape-hand-raie-houx. Si vous imaginez le pape en train de jeter un ballon de hand-ball sur une raie (le poisson) à laquelle est attachée du houx, vous allez obtenir une image qui viendra marquer votre esprit.
C’est un cas difficile du fait de l’utilisation obligatoire de quatre images (une par syllabe) pour visualiser le nom mais le jeu en vaut la chandelle. N’oubliez pas que cette astuce n’est destinée finalement qu’à améliorer la mémoire à long terme du nom. Ainsi, si vous devez revoir la personne, il vous suffira peut-être de vous rappeler le début du nom découpé « Pape-hand » et vous saurez instantanément la suite.

Maintenant, nous allons faire la synthèse de notre exemple d’aujourd’hui : prenez conscience que vous avez à présent tous les éléments pour associer le nom de famille, Papandréou, à la personne voulue. Visualisez d’abord l’image que vous avez créée à partir du nom : un pape en train de jeter un ballon de hand-ball, etc. Si Monsieur Papandréou est votre fleuriste, vous pouvez voir par l’esprit une scène  étrange où, dans sa boutique, se trouve un balcon, semblable à celui du haut duquel le pape bénit la foule. Seulement, au lieu de bénir la foule, le pape jette un ballon de hand-ball. La foule s’écarte et le ballon vient écraser une raie géante qui se trouvait place Saint-Pierre. Celle-ci d’ailleurs est particulière car elle est ornée de houx !
Vous voilà avec une image, une histoire en fait, originale, amusante, qui restera gravée dans votre mémoire, vous permettant d’appeler à chaque fois votre fleuriste par son nom !

Un conseil, pratiquez beaucoup pour avoir un bon résultat : par exemple, en regardant un film ou une série à la télévision, fixez votre esprit sur un des protagonistes dès qu’il apparaît et essayez de créer une image à partir de son nom et de la lier avec un trait de son physique pour débuter vos expériences. Evaluez le résultat : est-ce que vous vous vous souvenez du nom du personnage une semaine après ? En pratiquant, vous verrez tout de suite ce qui est à faire et ce qui ne l'est pas ! Surtout, rappelez-vous toujours le principe de base, il faut « voir » et non « intellectualiser ». Un petit truc très simple pour commencer : fermez les yeux pendant votre film, le temps que vous désirez, au moment où vous créez votre image à partir du nom du personnage. Cela vous aidera beaucoup pour votre visualisation.

Une anecdote pour vous encourager ou vous décourager (selon que vous êtes optimiste ou pessimiste) : le mnémoniste américain Harry Lorayne, auteur de plusieurs livres sur la mémoire (son principal ouvrage sur le sujet traduit en français s'appelle  "Développez une mémoire exceptionnelle !) demande en entrant sur scène le nom de famille de chaque spectateur et il est capable à la fin de son spectacle de redire l’ensemble de ces noms.
En ce qui concerne les procédés des différents mnémonistes pour retenir les noms de famille, vous pouvez vous référer au Wikipédia en anglais : 


La suite de ces conseils sur la mémoire au prochain numéro comme dans les romans-feuilletons d’autrefois ou les séries américaines d'aujourd’hui. Amitiés à tous !