Marcel Proust
Je n’ai jamais vu de description
de l’existence de Marcel Proust aussi exacte et aussi parlante que celle de
Robert Greene dans son livre Atteindre l’excellence.
Le destin de Marcel Proust
(1871-1922) semblait scellé dès sa naissance. Anormalement frêle et petit, il
resta aux frontières de la mort pendant ses quinze premiers jours et s’en
sortit de justesse. Ce fut un enfant souffreteux, parfois incapable de sortir
pendant des mois. A neuf ans, sa première crise d’asthme manqua bien de l’emporter.
Sa mère Jeanne, constamment inquiète pour sa santé, s’attacha passionnément à
lui ; elle l’accompagnait lors de ses longues convalescences à la
campagne.
Au cours de ces séjours, il prit
des habitudes qu’il devait garder sa vie durant. Souvent seul, il s’abandonnait
à sa passion pour la lecture. Il aimait l’histoire et toutes les formes de
littératures. Il faisait de longues promenades dans la campagne, où des tas de
choses le captivaient. Il s’attardait des heures devant des fleurs de pommier
ou d’aubépine, et devant la moindre plante qui lui paraissait exotique. Il
était fasciné par les colonnes de fourmis et par les araignées sur leur toile.
Il se plongeait dans des livres de botanique et d’entomologie. La plus proche
compagne de ses jeunes années fut sa mère, à laquelle il s’attacha au-delà du
raisonnable. Ils se ressemblaient et avaient les mêmes penchants artistiques.
Il ne pouvait être séparé d’elle plus d’une journée et, pendant les rares
heures sans elle, il lui écrivait des lettres interminables.
En 1886, il lut un livre qui
changea le cours de sa vie. Il s’agissait d’Histoire de la conquête de l’Angleterre par les Normands d’Augustin Thierry. L’auteur
avait une plume si alerte que le petit Proust se crut transporté en arrière
dans le temps. Thierry citait les lois immémoriales de la nature humaine
dévoilées dans son récit ; la possibilité de découvrir ces lois donnait à
Proust le vertige. Les entomologistes étaient capables de découvrir les
principes cachés gouvernant le comportement des insectes. Un écrivain
pouvait-il faire la même chose avec l’homme, si complexe ? Captivé par la
capacité de Thierry à rendre l’Histoire si vivante, Marcel Proust eut en un éclair
l’intuition qu’il s’agissait de l’œuvre de sa vie : devenir écrivain et
éclairer les lois de la nature humaine. Talonné par la certitude qu’il mourrait
jeune, il décida de hâter ce processus et de faire tout ce qu’il pouvait pour
apprendre l’écriture.
Voilà. C’est tout pour le moment.
La suite au prochain numéro. Amitiés à tous.