La force des émotions de Christophe André et François Lelord
Un jour, je me suis aperçu avec stupeur, lors d’une retraite bouddhiste, que quatre-vingt-dix pour cent de mes pensées (que je croyais rationnelles)
venaient de mes émotions. J’en ai parlé à un ami bouddhiste qui m’a dit que la
plupart des êtres humains expérimentaient le même phénomène. C’est pourquoi j’ai
voulu écrire cet article, éclairer l’influence de ces émotions sur moi-même et
sur les autres. A nouveau, je me suis inspiré du livre de Christophe André, Méditer, jour après jour qui est l’ouvrage
qui, pour moi, décrit le mieux ce problème (le dernier article de mon blog sur
la méditation et Christophe André se trouve ici).
En fait, nos émotions ne parlent pas, ne verbalisent pas,
mais elles s’expriment par un autre langage. Par des sensations corporelles,
des comportements, des pensées automatiques,
radicales et simplifiées.
De même, pour les calmer et les apaiser, les mots ne
suffisent pas, en général. Il faut passer par le corps (respirer), les comportements
(marcher si on est triste ou inquiet, s’allonger si on est en colère). Il s’agit
d’une des démarches les plus
difficiles de la vie psychique : prendre de la distance envers de
pensées chargées, saturées d’émotions, qu’on ne peut empêcher ou expulser.
On
pense aujourd’hui qu’une nécessaire distance est plus facile à mettre en place simplement
en accueillant et en observant nos états émotionnels plutôt qu’en s’acharnant à
les supprimer. Et plutôt, bien évidemment, qu’en leur obéissant.
L’expérience
de nos oscillations émotionnelles est donc une épreuve d’humilité et de réalisme :
elles sont souvent, du moins au départ, plus puissantes que nous. De manière
franche, dans le cas des émotions fortes, ou de manière indirecte, dans le cas
des humeurs et états, leurs formes subtiles.
La Rochefoucauld, (le formidable
auteur qui a écrit dans ses Maximes une des phrases les plus provocatrices que j'ai lues : « Nous
avons tous assez de force pour supporter les mots d’autrui. ») nous dit :
« Les humeurs ont un cours qui tourne imperceptiblement notre volonté ;
elles roulent ensemble et exercent successivement un empire secret en nous, de
sorte qu’elles ont une part considérable à toutes nos actions, sans que nous le
puissions connaître. »
Voilà. C’est tout pour aujourd’hui. Amitiés à tous.