jeudi 29 octobre 2015

Les trente-sept conditions nécessaires à l’illumination


L'illumination du bouddha Shakyamuni, qui a réalisé les trente-sept conditions



Je sais que ce blog peut vous paraître diverger, abandonner aléatoirement des sujets. Pourquoi avoir abordé « gyulu » dans la méditation du bouddhisme tibétain et traiter à présent des Trente-sept conditions nécessaires à l’illumination ? Parce que, justement, il me semble que le bouddhisme, mon bouddhisme, c’est cela : un continuel aller-retour entre méditation et éthique, entre pratique et théorie. Selon moi, un bouddhiste est une personne « équilibrée » : il pense autant à contrôler son esprit, à le maîtriser, pour voir ce qu’il y a derrière sa réalité, qu’à mener une vie de compassion et  à lutter pour la préservation de notre humanité et de notre planète (voir dimanche 1 novembre, 24 heures de méditation pour la Terre, une activité à laquelle participe le Centre bouddhiste Triratna de Paris). Mais ne vous inquiétez pas, je reviendrai bientôt à l’étude de « gyulu » et des six yogas de Naropa dans le bouddhisme tibétain.

Pour le débutant, cela peut paraître sans doute monstrueux qu’il faille trente-sept conditions pour accéder à l’illumination et il pense ainsi : « Mais je n’y arriverai jamais ! » En fait, peut-être faut-il voir les choses de manière différente. Vous pouvez vous raisonner et vous dire : « Il n’y a donc que trente-sept étapes à franchir pour devenir un Bouddha ». Outre cela, elles vous paraîtront plus faciles parce que le bouddhisme nous les décrit clairement. Et, au pire, n’en réaliseriez-vous que dix que cette pratique vous donnera une grande joie. Tout le monde n’atteindra sans doute pas dans cette vie l’état de Bouddha (qui est justement la réunion de ces trente-sept aspects) mais le monde et les relations entre les hommes en seront grandement améliorés.

Les trente-sept conditions de l’illumination

A) Les 7 Facteurs d’illumination (Bodhyangas)
B) Les 8 Étapes du noble sentier octuple
C) Les 4 Attentions (Satipatthanas)
D) Les 4 Efforts (Samma-padhanas)
E) Les 4 Vecteurs des pouvoirs surnaturels (Riddhipaddas)
F) Les 5 Racines (Indriyas)
G) Les 5 Forces (Balas)



A) Les 7 Facteurs d’illumination (bodhyangas)
1) L’attention
2) La discrimination bouddhiste du vrai et du faux
3) L’énergie dans la pratique
4) Le bonheur de la compréhension de la doctrine
5) La satisfaction générée par la maîtrise de ses passions
6) L’équanimité
7) Le recueillement

B) Les 8 éléments du Noble sentier octuple
L’éthique
8) La parole juste
9) L’action juste
10) Les moyens d’existence justes
La discipline mentale
11) L’effort juste
12) La prise de conscience juste
13) La concentration juste
La Sagesse
14) Vision juste des 4 nobles vérités
15) La pensée juste (dénuée de haine, d’avidité et d’ignorance)

C) Les 4 Attentions (Satipatthanas)
16) L’attention au corps
17) L’attention aux sensations
18) L’attention à l’esprit
19) L’attention aux objets mentaux

D) Les 4 Efforts (Samma-padhanas)
20) L’effort de conservation des choses saines
21) L’effort d’élimination des choses malsaines
22) L’effort de développement des choses saines
23) L’effort de dépassement des choses malsaines

E) Les 4 Vecteurs des pouvoirs surnaturels (Riddhipadas)
24) La volonté de fixer l’esprit en un seul point
25) L’énergie à fixer l’esprit en un seul point
26) La pensée de fixer l’esprit en un seul point
27) L’analyse de la fixation en fonction des enseignements reçus

F) Les 5 Racines (Indriyas)
28) La foi, conviction ferme au sujet des quatre nobles vérités
29) L'attention qui permet de ne pas relâcher sa vision sur les quatre nobles vérités
30) L’énergie dirigée vers l’atteinte de la conviction envers les nobles vérités
31) La mémoire qui empêche l’oubli des quatre nobles vérités
32) La Sagesse, qui permet une analyse claire des vérités

G) Les 5 Forces (Balas), (développées par le raffermissement des 5 racines (Indriyas))
33) La force de la foi qui vainc les vues erronées
34) La force de l’attention maîtrisée, à laquelle on parvient par l’exercice des 4 Attentions
35) La force de l’énergie qui vainc la paresse et permet de triompher de ce qui est malsain par l’exercice des 4 Efforts.
36) La force du Samadhi, c’est-à-dire l’exercice de la méditation (Dhyana), qui vise à l’extinction des passions
37) La force de la Sagesse qui mène de la compréhension des 4 nobles vérités, jusqu’à la Connaissance de la véritable réalité, puis au Nirvana


Voilà. C’est tout pour aujourd’hui. La prochaine fois, je développerai ces trente-sept conditions de l’illumination, en détaillant les sept pratiques qui la composent, et en vous donnant mes procédés mnémotechniques personnels pour retenir ces trente-sept éléments. La suite au prochain numéro comme dans les romans-feuilletons du dix-neuvième siècle ou dans les séries télévisées américaines contemporaines.


Amitiés à tous.

mardi 27 octobre 2015

Le bouddhisme tibétain, le second des six exercices secrets du yoga de Naropa : Gyulu ou la doctrine du corps illusoire (première partie)





Gyulu ou la doctrine du corps illusoire montre grâce aux miroirs que le corps est une apparence



La seconde étape des six yogas de Naropa se nomme donc « gyulu » ou doctrine du corps illusoire. J’utiliserai, entre autres documentations, pour décrire cet état de gyulu, un excellent petit livre, à la fois clair, précis et détaillé, Les six yogas de Naropa, les pratiques secrètes du bouddhisme tibétain d’un lama du seizième siècle Takpo Tashi Namgyal traduit par l’érudit Erik Sablé.

Le bouddhisme considère l’univers comme une illusion dénuée de consistance, de substance. Quand il évoque le caractère illusoire du monde sensible, il ne s’agit pas seulement d’une théorie mais d’une réalité qu’il faut vivre et réaliser au plus profond de soi, à chaque instant. La pratique de « gyulu », du « corps illusoire » a précisément pour but de nous amener à cette prise de conscience avec des exercices précis.

Comme notre sentiment de réalité passe essentiellement par l’identification à notre corps physique, ce yoga propose un travail destiné à lui faire perdre cette « pesanteur », à effacer notre croyance en sa réalité. Car c’est bien d’une croyance qu’il s’agit. Nous devons donc mettre en doute ce qui nous semble une évidence et ne l’est pas. De plus, le corps est la source principale de notre sentiment d’être un « moi » indépendant. Le corps et le « moi » sont intrinsèquement liés et, en réalisant le caractère illusoire de l’un, on réalise aussi le caractère illusoire de l’autre.

Cependant, illusoire ne veut pas dire inexistant. L’illusion du monde est celle du reflet dans un miroir. L’image reflétée est illusoire dans la mesure où elle n’a pas d’existence en soi. Elle n’existe qu’en fonction de l’objet, du corps qui lui sert de support. C’est dans ce sens que les textes bouddhistes disent que l’univers est dénué de substance. Il ne trouve pas en lui-même son fondement. Il est la manifestation temporaire de la Vacuité. Il surgit aussi brièvement que l’arc-en-ciel, autre symbole bouddhiste, qui apparaît brusquement pour s’effacer ensuite.

La pratique du gyulu, corps illusoire, peut se diviser en trois étapes principales (pour des raisons de lisibilité sur Internet, cet article est divisé en deux parties) :

1) Comme avant toutes les pratiques des six yogas de Naropa, il est d’abord nécessaire de méditer sur l’impermanence de toutes choses, la souffrance inhérente au cycle des renaissances, de cultiver la compassion et l’esprit d’Eveil (aspiration à l’Illumination). A présent, le pratiquant devra consacrer un tiers du temps à la pratique de tumo, le premier exercice, et deux tiers à celle du corps illusoire car tumo est le fondement des autres pratiques. Il lui faudra imaginer que la totalité des objets de l’univers sensible, les villes, les maisons, les montagnes, les rivières, les hommes, les animaux, notre propre corps, tout ce qui nous semble le plus évident, le plus réel, le plus palpable, sont des créations de notre esprit, dénuées de réalité, semblables à des mirages, des rêves, des bulles dans l’eau, des ombres, la rosée du matin, ou encore des reflets dénués de substance.

En fait, il est nécessaire de comprendre que tous les phénomènes de notre pseudo-réalité sont transitoires et n’ont pas de consistance. Leur caractère irréel vient du fait qu’ils ne durent pas. Ils s’effacent comme la rosée se volatilise avec la chaleur du soleil ou comme les bulles disparaissent dans l’eau. Le pratiquant méditera sur la vacuité et l’illusion. Et c’est grâce à cette méditation qu’il parviendra à se défaire de toute forme d’attachement. Cependant, encore une fois, il ne s’agit pas de méditations superficielles, mais de pensées qui pénètrent dans les couches les plus profondes de la psyché, jusqu’à provoquer un choc libérateur, une prise de conscience de la réalité du devenir.

2) La doctrine du corps illusoire impur.

Pour cette pratique, il est nécessaire de se placer face à un miroir afin d’observer le reflet de son propre corps. L’exercice consiste d’abord à réaliser que l’image dans le miroir est dépendante du corps et qu’elle n’a aucune substance propre. Elle n’est qu’une apparence vide.

Maintenant, il s’agit de se mettre en colère contre soi-même, d’insulter sa propre image dans le miroir et d’observer dans quelle mesure nous en sommes affectés. En fait, il nous faut comprendre que nous ne sommes en rien différents de ce reflet de nous-mêmes. Cet exercice nous permet de réaliser que toute colère, tout sentiment de vanité, sont illusoires, le produit de notre propre esprit et, finalement, un peu ridicules, comme il est ridicule de croire en la réalité de l’image dans le miroir.

Cette façon de procéder peut sembler simpliste, primaire, mais ceux qui ont pratiqué cet exercice savent qu’il est très efficace. Le méditant finit par comprendre le caractère parfaitement illusoire de notre éternelle quête de reconnaissance, de notre volonté infantile d’être au centre de l’univers.

Voilà. C’est tout pour aujourd’hui. La prochaine fois, j’aborderai la fin de la pratique de Gyulu, le corps illusoire, à la fois corps impur et pur (la troisième étape avec le yidam ou Ishta-deva, notre divinité personnelle). La suite au prochain numéro comme dans les romans-feuilletons du dix-neuvième siècle ou dans les séries télévisées américaines contemporaines.


Amitiés à tous.

lundi 26 octobre 2015

Le bouddhisme tibétain, le premier des six exercices secrets du yoga de Naropa : Tumo ou chaleur intérieure



 Maurice Daubard, un yogi français, utilise tumo pour résister aux plus grands froids.



J’ai parlé la dernière fois de développer dans ce blog différents thèmes comme la pratique d’exercices secrets dans le bouddhisme tibétain.

Je vais donc commencer par ces fameux exercices. Ils sont de deux sortes : le « naro chödrug » (en français les « six yogas ou pratiques de Naropa ») et le Mahamudra. Attention, deux de mes six sources pour cet article déconseillent de pratiquer ces exercices sans être encadré par un guide spirituel (Les six yogas de Naropa, les pratiques secrètes du bouddhisme tibétain de Takpo Tashi Namgyal et Dictionnaire encyclopédique du bouddhisme par Philippe Cornu. Celui-ci, au sujet de tumo, précise : « Il va sans dire qu’il est très dangereux sans les instructions orales d’un maître qualifié en Yoga ».), 

La première étape du naro chödrug se nomme donc « tumo » ou chaleur intérieure. Elle a été popularisée par les livres d’Alexandra David-Neel, la première femme occidentale à entrer dans les temples bouddhistes tibétains et qui s’est convertie à cette religion, comme Mystiques et magiciens du Tibet ou Le bouddhisme du Bouddha. J’utiliserai, entre autres documentations, pour décrire cet état de tumo, l'excellent petit livre mentionné plus avant, qui est à la fois clair, précis et détaillé, Les six yogas de Naropa, les pratiques secrètes du bouddhisme tibétain du lama du seizième siècle Takpo Tashi Namgyal traduit par l’érudit Erik Sablé.

La pratique du tumo peut se diviser cinq étapes principales :

1) Le pratiquant expulse de ses poumons les souffles viciés puis se visualise sous la forme d’une déité (pour moi c’est le dhyani-bouddha Amitabha). Il perçoit son corps comme creux, vide et lumineux.

2) L’élève voit ensuite certains de ses nadis, canaux subtils d’énergie dans son corps. A quatre doigts sous le nombril, se rejoignent les canaux latéraux « rasana » (à droite) et « lalana » » (à gauche). Le canal central « avadhuti » est visualisé vertical du nombril jusqu’au sommet de la tête. Il est comme un bambou, droit, fin, creux, avec des nœuds. Les quatre chakras-roues principaux sont aussi perçus : la roue d’émanation au nombril, la roue de la réalité au cœur, la roue de jouissance à la gorge et la roue de grande béatitude au sommet de la tête.

3) Dans un troisième temps, le pratiquant visualise des lettres. Il imagine la lettre tibétaine HAM blanche renversée tête-bêche au sommet de sa tête puis au niveau du nombril, un « petit a » (tibétain a-shad) rouge, trait vertical épaissi en triangle à sa base, effilé vers le haut.

4) La respiration en vase : l’élève apprend à effectuer des rétentions d’air, ce qui pousse les souffles des canaux latéraux dans le canal central sous le nombril. Puis il projette le souffle à l’extérieur comme une flèche. Par l’entraînement, il augmentera la durée de rétention et, en se concentrant sur l’a-shad, le trait vertical rouge au niveau du nombril engendrera la chaleur. C’est cela, « allumer la flamme du feu interne ».

5) Peu à peu, la flamme attisée rougeoie, se stabilise, grandit et monte dans le canal central, donnant l’impression de chaleur intense qui a fait la réputation de cette méditation. Elle traverse les chakras jusqu’à toucher le HAM du sommet de la tête. La goutte de la bodhicitta blanche qui correspond à la lettre HAM fond et se met à goutter dans la roue-chakra de la grande félicité, produisant l’expérience de félicité dite de la joie partagée (mudita). Elle atteint ensuite la roue de la jouissance (chakra de la gorge), produisant l’expérience de la joie immense (pramudita, la première étape, bhumi, de la carrière d’un bodhisattva.), puis celle du cœur, produisant la joie éminente (visesamudita) et enfin celle du nombril, provoquant l’expérience suprême de la joie innée ou simultanée (sahajamudita).

Après sa première phase d’entraînement au tumo, le pratiquant s’imaginera en union sexuelle avec une dakini, une divinité féminine. Alors, son énergie montera et il expérimentera les quatre joies dans l’ordre inverse, nombril, cœur, gorge, haut du crâne. La dakini, symboliquement, représente la sagesse et l’esprit de l'élève.

Voilà. C’est tout pour aujourd’hui. La prochaine fois, j’aborderai la pratique du corps illusoire. La suite au prochain numéro comme dans les romans-feuilletons du dix-neuvième siècle ou dans les séries télévisées américaines contemporaines.


Amitiés à tous.

Le sutra du cœur (deuxième partie)



Un des livres-interprétations du Sutra du cœur par Gueshe Kelsang Gyatso, maître bouddhiste tibétain qui enseigne actuellement en Angleterre



Arrivé à ce point du blog et de mes articles sur le bouddhisme, je me suis dit qu’il fallait effectuer une pause et relire ce que j’avais écrit (soyez rassurés, je continuerai par la suite sur le bouddhisme tibétain). J’ai décidé de retranscrire simplement pour l’instant l’un des sutras que je trouve parmi les plus beaux et les plus instructifs, le Sutra du cœur. En voici la deuxième partie que j‘ai arbitrairement séparée du reste du sutra :

« Il n’y a pas non plus de douleur, ni cause de la douleur,
Ni cessation de la douleur,
Ni noble chemin menant hors de la douleur ;
Ni même sagesse à atteindre !
L’atteinte aussi est vacuité.

Sachez donc que le bodhisattva
Ne s’attachant à rien qui soit,
Mais demeurant dans la sagesse prajna,
Est libéré d’obstacles illusoires,
Débarrassé de la peur nourrie par ceux-ci,
Et atteint l’éclatant nirvana.

Tous les bouddhas du passé et du présent,
Les bouddhas du temps futur,
Utilisant cette sagesse prajna,
Arrivent à une vision complète et parfaite.

Sachez donc que la Prajnaparamita est le grand dharani,
Le radieux mantra, sans égal,
Dont les mots apaisent toute souffrance ;
Écoutez et croyez en sa vérité !

Gate gate paragate parasamgate boddhi svaha
Gate paragate parasamgate bodhi svaha
Gate paragate parasamgate boddhi svaha. »

Explications : Avant-dernier paragraphe ; la Prajnaparamita signifie en sanskrit «  La réalisation de la sagesse ». Je rappelle que, comme je l’ai écrit dans l’article précédent, le Sutra du cœur appartient à un recueil de sutras intitulé le Prajnaparamita sutra. La conception bouddhiste de la sagesse, prajna, est très différente de la nôtre. C’est une sagesse intuitive et immédiate et non une sagesse abstraite et soumise à l’intellect. L’instant décisif dans celle-ci est celui de la compréhension et de la prise de conscience de la Vacuité (Shunyata), qui est la vraie nature du monde. Prajna est aussi l’une des six perfections (Paramitas) réalisées par les bodhisattvas au cours de leur cheminement.

Dans le même paragraphe ; un dharani désigne un bref sutra contenant des formules « magiques » et constitué de syllabes au contenu symbolique (ici : « Gate gate paragate parasamgate bodhi svaha »). Dharani est aussi le féminin de dharana, qui est l'art de la mnémotechnique. En ce sens, c’est une formule mémorielle par laquelle on peut retenir de longs textes, tout simplement un moyen mnémotechnique (dont j’ai beaucoup parlé au début de ce blog). Dans une culture essentiellement orale, on devine aisément l'importance des techniques de mémoire artificielle. Ainsi, Ananda, l’intendant personnel et le cousin de Bouddha Sakyamuni, était doué d'une grande érudition et d'une excellente mémoire, mais aussi utilisait des formules mnémotechniques. Il put ainsi participer à l'établissement du premier canon bouddhique, en récitant par cœur tous les discours qu'il avait entendu le bouddha prononcer.

C'est vraisemblablement à partir de cette acception mnémotechnique que s'est opéré un glissement de sens vers la magie. Celle-ci, en parvenant à condenser l'essentiel d'une instruction ou d'un enseignement, semble douée d'une efficacité mystérieuse aisément réorientée vers le surnaturel. Quoi qu'il en soit, dharani en vint à signifier « formule magique ».

En fait, il  peut aussi bien représenter l’essence d’une doctrine qu’un certain état de conscience, renouvelable à volonté par sa fréquente répétition, et joue un rôle très important dans le bouddhisme tantrique tibétain. 

Je vous donne la traduction de ce dharani-mantra mais il dépasse totalement son sens littéral : « Aller, aller, aller au-delà, au-delà du par delà, que l'éveil soit réalisé ! »

Voilà. Vous avez pu lire la fin du sutra du cœur, un texte que je trouve très parlant, très évocateur. La prochaine fois, je reprendrai mes articles sur l'ésotérisme du bouddhisme tibétain avec la pratique du premier des six yogas secrets de Naropa, Tumo.

La suite au prochain numéro comme dans les romans-feuilletons du dix-neuvième siècle ou les séries télévisées américaines actuelles.



Amitiés à tous.

dimanche 25 octobre 2015

Le sutra du cœur (première partie)





Le Sutra du coeur, un DVD d'entretiens où le Dalaï-Lama commente ce texte célèbre




Arrivé à ce point du blog et de mes articles sur le bouddhisme, je me suis dit qu’il me fallait m'arrêter quelque temps et relire ce que j’avais écrit (soyez rassurés, je continuerai par la suite sur le bouddhisme tibétain).

En revanche, j’ai été frappé, en assistant à une puja dans une retraite du Centre bouddhiste Triratna de Parispar la beauté et la vision claire d’un sutra, le Sutra du cœur (que pourtant j’avais déjà lu plusieurs fois). Comme il ne comporte que quelques lignes, je vais le transcrire in extenso dans ce blog.

Pour la petite histoire, c’est le plus court d’un recueil de sutras, le Prajnaparamita Sutra. C’est l’un des plus importants sutras du bouddhisme Mahayana. Presque tous les moines et les nonnes bouddhistes de Chine et du Japon le récitent chaque jour (peut-être y gagne-t-il en vibrations bénéfiques !).

Voici le texte du sutra en plusieurs articles (j’expliquerai à la fin de chaque article les termes qui peuvent paraître difficiles) :

« Le bodhisattva de la compassion
Alors qu’il méditait profondément
Vit la vacuité des cinq skandhas
Et coupa les liens qui le faisaient souffrir.

Ici donc,
La forme n’est rien d’autre que la vacuité,
La vacuité n’est rien d’autre que la forme,
La forme n’est que vacuité,
La vacuité n’est que forme.

Sensation, perception et choix,
La conscience elle-même,
Sont identiques à cela.

Toutes choses sont vides par nature,
Elles ne sont ni nées ni détruites,
Ni tachées ni pures,
Pas plus qu’elles ne croissent ou ne décroissent.

Ainsi, dans le vide, il n’y ni forme,
Ni sensation, perception ou choix,
Ni non plus de conscience.

Ni œil, oreille, nez, langue, corps, esprit ;
Ni couleur, son, odeur, saveur, toucher,
Ni rien que l’esprit puisse saisir,
Ni même acte de sentir.

Ni ignorance, ni fin de celle-ci,
Ni rien de ce qui vient de l’ignorance,
Ni déclin, ni mort,
Ni fin de ceux-ci. »

Explication : Ligne 3 ; les cinq skandhas sont les cinq groupes ou « agrégats » composant notre personnalité ou « groupes d’attachements » : la corporéité (organes des sens), la perception (sensations douloureuses, agréables ou neutres), la conscience, l’action (volonté, jugement, joie, etc.), la connaissance. Ces agrégats ont les trois signes distinctifs (trilakshana) de notre réalité : impermanence (anitya), impersonnalité (Anatman, ils sont dépourvus d’âme), douleur (dukkha).

Voilà. Vous avez pu lire une première partie du sutra du cœur, un texte que je trouve très parlant, très évocateur. La suite au prochain numéro comme dans les romans-feuilletons du dix-neuvième siècle ou les séries télévisées américaines actuelles.


Amitiés à tous.

jeudi 22 octobre 2015

Le bouddhisme tibétain, pourquoi il me passionne.







Je me suis interrogé un long moment (c’était pendant une méditation) sur les raisons pour lesquelles le bouddhisme tibétain me fascinait autant.

J’écrirai cet article comme d’habitude, à la façon des religions orientales, en effectuant une liste chiffrée de mes motifs d’attachement. 
Il y en a trois : 1) le bouddhisme tibétain comporte différents aspects ésotériques (cachés à la pensée dominante) et j’ai toujours aimé profondément l’ésotérisme, 2) Il n’hésite pas à mettre en avant les pouvoirs surnaturels de l’homme, 3) Il a accepté dans ses saints, dans ses Éveillés, des fous divins, des êtres délirants, irrationnels, en dehors des normes communes, comme par exemple Drupak Kunley, le yogi tantrique du quinzième siècle,
 ,
1) Les aspects ésotériques

On peut en discerner quatre : la transmission de maître à disciple, la symbolique sexuelle cachée, la pratique d’exercices secrets, la doctrine des termas.

a) La transmission de maître à disciple

Je le dis d’emblée, je n’aime pas du tout la théorie de transmission  unique de maître à disciple et elle me paraît à la fois élitiste, anti-démocratique et contraire à la doctrine même du bouddha. Celui-ci, à partir du moment où il a décidé de transmettre sa pensée (ce qui n’était pas forcément évident), s’est engagé à divulguer le maximum de ses connaissances. S’il ne répondait pas à certaines questions de ses disciples, c’est qu’en fait il ne connaissait pas les réponses.

Cependant, comme les Évangiles, les discours du Bouddha comportent plusieurs niveaux de sens pour atteindre différents types de personnes. Si Jésus et Bouddha (ou le psychiatre Milton Erickson au vingtième siècle) utilisent par exemple des paraboles, c’est pour pouvoir communiquer avec la partie non instruite de la population qui ne percevrait pas un discours abstrait. Leurs paroles peuvent aussi comporter un niveau symbolique, qui dépasse le sens premier du texte et ne peut être compris que par des personnes très attentives ou très travailleuses (qui relisent de nombreuses fois la parabole). En plus quelques lamas, particulièrement intéressés par l’argent, n’hésitent pas à vous faire croire que, si vous pratiquez sans « guru », vous deviendrez fou ou je ne sais quel autre mensonge stupide. Certaines religions ont voulu aussi nous persuader autrefois que, si nous ne passions pas par leurs prêtres, nous n’atteindrions pas le « Paradis ». Dans l’histoire spirituelle, les Gnostiques, qui trouvaient Dieu par la Connaissance (Gnose), ont prouvé l’inanité de ces théories, là aussi destinées à emmagasiner un maximum d’espèces sonnantes et trébuchantes.

Le but de ce blog, qui est gratuit, sans obligation, et ouvert au dialogue est de justement refuser ces pratiques et de véhiculer le maximum de connaissances. « Rien de ce qui est humain ne m’est étranger », comme écrivait l’auteur latin Térence dans l’ Heautontimoroumenos. Ce n’est pas une prétention, c’est seulement le droit de chaque individu. Les bouddhistes ne pratiquent pas le prosélytisme mais, en revanche, ils sont très heureux de partager ce qu’ils ont appris avec tous.

Les grands maîtres tibétains actuels ont eux aussi bien compris cela. Aujourd’hui, ils transmettent leur doctrine dans des conférences ouvertes à tout un chacun. Cela n’empêche pas ensuite les disciples d’approfondir leur compréhension des pratiques et des textes par des questions directes à ces maîtres spirituels.

b) La symbolique sexuelle cachée.

De nombreuses traditions religieuses ou mystiques comportent une symbolique sexuelle plus ou moins cachée : hindouisme, taoïsme, gnosticisme, etc. C’est le septième des principes de Toth-Hermès en ésotérisme, « la loi du genre » : « Il y a un genre dans toutes les choses ; tout a ces principes, masculin et féminin ; le genre se manifeste à tous les niveaux. »

Le bouddhisme tibétain a intégré la tradition Vajrayana (véhicule du diamant). Or, selon l’historien des religions Mircea Eliade, ce nom « implique déjà un symbolisme sexuel (vajra est aussi le surnom du phallus) ». Ce langage secret domine la structure significative de la plupart des tantras (textes tibétains) et cela à plusieurs niveaux. Chaque concept bouddhique est toujours ouvert à une double lecture, spirituelle ou sexuelle. Ainsi la bodhicitta, « pensée de l’Eveil ou aspiration à l’Illumination » est le nom secret du sperme au niveau sexuel, et la Prajna, la « Sagesse intuitive », la « Femme-Gnose », désigne en même temps la partenaire concrète ou imaginée d’un acte sexuel rituel. L’abolition de la dualité entre le principe masculin (la méthode, Upaya) et le principe féminin (sagesse, Prajna), grâce à une union soit sexuelle, soit mystique, est le but suprême et parfois secret du bouddhisme tibétain.

Tous les tantras renferment donc deux exégèses possibles : l’une dont le référent est un rituel secret, aboutissant en général à une relation sexuelle, dont la finalité est d’obtenir l’Eveil, et l’autre dont le référent est métaphysique.

Dans l’iconographie, la copulation entre deux divinités est largement représentée dans le bouddhisme tibétain, sous le nom de Yab-Yum (qui signifie « père-mère »). Elles sont toujours en position d’union du lotus et symbolisent, comme je le mentionnais, la rencontre non-duelle des deux principes, le masculin (la méthode, les moyens adaptés, upaya) et le féminin (la sagesse, prajna).

Upaya désigne également, toujours dans une symbolique sexuelle, l’action de l’Absolu dans le monde phénoménal. Il est, lui, le principe de multiplicité, se manifeste sous la forme de la compassion (Karuna) et constitue le pole opposé au symbole de l’Un et de l’Universel, Prajna, la Sagesse.

Ainsi, chacun des dhyani-bouddhas que j’ai étudiés précédemment possède sa parèdre qui est sa conjointe divine. Celle d’Amitabha, par exemple, a pour nom Pandaravasini en sanskrit et Go Karmo en tibétain.

Voilà. C’est tout pour aujourd’hui. La prochaine fois, j’aborderai la pratique d’exercices secrets, la doctrine des termas, les pouvoirs surnaturels, les fous divins dans le bouddhisme tibétain. La suite au prochain numéro comme dans les romans-feuilletons du dix-neuvième siècle ou dans les séries télévisées américaines contemporaines.


Amitiés à tous.

Le bouddhisme tibétain, son développement en France, ses techniques d’initiation





Sogyal rinpoche, un grand maître tibétain, enseigne en France et y a fondé à Paris en 1981 un centre bouddhiste Rigpa



J’avais l’intention de rédiger un article sur les 37 conditions de l’Illumination (ce n’était déjà pas évident !) et je me suis rendu compte (comme d’habitude) que j’avais parlé des initiations de Sangharakshita au bouddhisme tibétain sans vraiment en détailler les mouvements et rendre compte de leurs représentations en France. Pour moi, ce bouddhisme est peu à peu devenu tellement complexe qu’il nécessite des explications claires et précises (je pense qu’il me faudra de nombreux articles de ce blog pour parvenir à seulement l’aborder).

Le bouddhisme tibétain a comme base les méthodes du Vajrayana. Elles sont établies dans ce pays au VIII ° siècle par Padmasambhava, surnommé le « deuxième bouddha ». Sa mission particulière à l'époque  consistait alors à dompter les démons locaux, en fait dans la pratique  à éradiquer la religion du pays, le Bön ! Il avait une méthode bizarre qui allait de l’utilisation de divers instruments du culte comme le Phurbu (un poignard que l’on plante dans le cœur d’une poupée) jusqu’à la pratique des techniques de méditation du Dzogchen (qui sera la doctrine principale de l’école tibétaine nyingmapa). Celles-ci ont été mises par la suite sur le papier et résumées par l’érudit Longchenpa (1308-1364), auteur des Sept trésors ou de La liberté naturelle de l’esprit, traduction par Philippe Cornu. Cette première vague d’expansion de la doctrine bouddhique à travers le Tibet prit fin vers le milieu du IX° siècle.

Après une ère de persécutions pour des raisons politiques, le bouddhisme connut dans ce pays une forme de renaissance au XI ° siècle. C’est à cette époque que naquirent notamment les écoles Kagyupa et Sakyapa. Une grande partie des Ecritures bouddhiques fut traduite en tibétain. A la fin du XIV ° siècle apparut l’école Gelugpa, la quatrième des grandes écoles du bouddhisme tibétain. 

Puis au XIX ° siècle a finalement été créé le mouvement Rimé, qui a entrepris de faire la synthèse des quatre grandes doctrines, inspiré au départ par Jamyang Khyentse Wangpo (1820-1892).

Chacune des grandes obédiences, mais aussi le mouvement Rimé, se caractérise par une manière particulière d’opérer la synthèse entre la théorie philosophique et l’application pratique à la méditation.

Pour l’instant, je mettrai en exergue pour la qualité de leur enseignement en France trois lamas de grande influence :

1) Un des plus grands maîtres existants du nyingmapa, Namkhai Norbu Rinpoche, enseigne régulièrement la doctrine du dzogchen dans des séminaires.

2) Dans la même lignée nyingmapa est aussi très présent Sogyal Rinpoche. Il a fondé en 1981 à Paris un centre Rigpa et a écrit en 1993 Le livre tibétain de la vie et de la mort, qui s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires à travers le monde.

3) Enseigne également dans notre pays un troisième lama, Dagpo rinmpotche, de l’école Gelugpa. Né en 1932, il a fondé les instituts Ganden Ling et Guépèle.

Le Dalaï-lama, très connu en France et dans le monde entier, est de l’école Gelugpa. A lire absolument son long entretien avec l’écrivain français Jean-Claude Carrière, La force du bouddhisme.

Aujourd'hui, les monastères bouddhistes tibétains se répartissent dans différents départements de l’Hexagone. Ils sont répertoriés par Philippe Cornu dans son très bon livre, Guide du bouddhisme tibétain.

A présent, venons-en à ce qui nous intrigue tous : quels sont donc les véritables pratiques des grands lamas tibétains ? Elles sont longtemps restées très secrètes du fait que la transmission s’opère presque uniquement de maître à élève, mais on peut en mettre en exergue deux : les six yogas ou « doctrines de Naropa » (naro chödrug) et la pratique de la  méditation du  Mahamudra. Dans cet article, nous allons nous contenter de rédiger une liste claire des «six doctrines de Naropa». Pour la petite histoire, elles furent enseignées à celui-ci par son maître Tilopa. Naropa transmit ensuite ce savoir au traducteur Marpa qui l’introduisit au Tibet au XI ° siècle.

Les six yogas correspondent à peu près toujours aux exercices suivants :

1) La production de la chaleur interne (Tumo)
2) L’expérience que notre propre corps est une illusion (Gyulu)
3) L’état de rêve (Milam)
4) La perception de la « Lumière claire » (Osel)
5) La théorie de l’état intermédiaire (Bardo)
6) La pratique de la transmission de pensée (Phowa)

Voilà. C’est tout pour aujourd’hui. La suite au prochain numéro comme dans les romans-feuilletons du dix-neuvième siècle ou dans les séries télévisées américaines contemporaines.

Amitiés à tous.

mardi 20 octobre 2015

Mantras, mudras et énergies des cinq dhyani-bouddhas dans le bouddhisme vajrayana



 
Le bhumisparsamudra, mudra du dhyani-bouddha Akshobya, la prise de la Terre à témoin à la manière du bouddha Shakymuni avant son Eveil. 



Comme je l’ai expliqué dans mon précédent article, dans la méditation vajrayana, on demande d’abord au pratiquant de visualiser un des dhyani-bouddha comme une réalité spirituelle. En même temps, le mantra de ce bouddha est récité et le geste symbolique de la main qui lui est associé (mudra) est effectué.

1) Les mantras.
Le mot mantra vient du sanskrit « man » qui signifie « esprit » et « tra » protéger. Le mantra est donc une formule sacrée qui protège l’esprit du méditant.

Il y a plusieurs catégories de mantras mais on peut en privilégier deux :

a) Les syllabes-germes (bijamantras) : Elles constituent le fondement et le noyau de tous les mantras. Comme leur nom l’indique, elles « donnent naissance ». Elles sont donc utilisées pour engendrer les différents éléments d’une visualisation. Les plus célèbres sont les « trois graines », les syllabes secrètes OM, AH et HUM, qui sont respectivement l’essence du corps, de la parole et de l’esprit de tous les bouddhas. Les cinq dhyani-bouddhas sont chacun liés à une syllabe-germe : HRI pour Amitabha, AH pour Amoghasiddhi, HUM pour Aksobhya, TRAM pour Ratnasambhava et OM pour Vairocana.

b) Les mantras des déités : Ils sont considérés comme les déités elles-mêmes sous forme de sons et, du fait qu’ils représentent des êtres éveillés, contiennent leurs énergies (exemple : le mantra d’Amitabha est « Om amideva hrih» et représente l’énergie d’Amitabha, celle de l’amour universel qui parvient à apaiser notre avidité).


2) les mudras.

C’est un terme sanskrit qui désigne un geste symbolique de la main que font les dhyani-bouddhas et que répète le pratiquant en méditation. Il y a dix mudras universels bouddhistes. Un très beau site aborde en détail ce sujet.


3) Les cinq dhyani-bouddhas, leurs mantras, leurs mudras, leurs énergies.

a) Amitabha est rayonnant de la couleur rubis de la compassion. Il est le bouddha de la lumière infinie, le bouddha de la « Terre pure ».
Il met les mains sous le nombril, l’une sous l’autre, dans le mudra de la méditation (dhyanamudra).
Amitabha représente comme émotion négative l’avidité qu’il transforme par son énergie, la sagesse de l’amour universel.
Il ne voit pas seulement l’unité ou la diversité de la réalité mais il perçoit les deux à la fois.
Son mantra est : « Om Amideva Hrih ».

b) Amoghasiddhi est vert sombre. Il est le bouddha de l’action qui a la capacité de tout accomplir sans entrave, dont le succès est infaillible. Il tient dans sa main gauche un double vajra (instrument rituel), symbole de puissance, qui représente la possibilité de tout transformer.
Sa main droite est levée paume en avant à la hauteur de sa poitrine dans le mudra du sans-peur (Abhayamudra).
Il représente comme émotion négative la jalousie qu’il transforme par son énergie, la détermination de mener les choses à bien.
L’Esprit éveillé aide naturellement et spontanément tous les êtres vivants et désire leur bien-être. Pour cela, il conçoit de nombreux « moyens habiles ».
Son mantra est : « Om Amoghasiddhi ah hum ».

c) Akhshobya est bleu foncé, de la couleur du ciel de minuit. Il est l’inébranlable, l’immuable. Sa main gauche tient un vajra doté de cinq pointes acérées (qui incarne l’indestructibilité de la conscience nue).
Sa main droite effectue le mudra dans lequel la terre est prise à témoin, main pointée vers le sol (Bhumisparsamudra). C’est une référence à la vie du bouddha Shakyamuni lorsqu’assis sous l’arbre de la Boddhi, il s’apprêtait à atteindre l’Eveil. Une des dernières ruses de Mara, le démon, fut de lui dire que personne n’était témoin des mérites lui permettant d’obtenir l’Illumination. Le Bouddha toucha alors le sol de la main droite et Vasundhara, la déesse de la terre, apparut pour attester de son état d’accomplissement.
Il représente comme émotion négative la colère-haine qu’il transforme par son énergie, l’acceptation tranquille du mauvais comme du bon.
Comme un miroir reflète tous les objets, la sagesse de cet Eveillé reflète tout mais ne s’attache à rien.
Son mantra est : « Om vajra Aksobhya hum ».

d) Ratnasambhava est d’un jaune doré. Il est celui qui est né du Joyau et qui produit des Joyaux. Il a dans la main gauche justement un joyau (le Chintamani, une pierre magique qui accomplit les souhaits). Sa générosité est sans limites. Il a la main droite largement ouverte vers le bas (varadramudra) et effectue le don suprême des trois joyaux : le bouddha, le dharma, la sangha.
Il a comme émotion négative l’orgueil qu’il transforme par son énergie, la conscience de l’identité fondamentale des êtres.
Tout comme les rayons du soleil tombent sur les toits d’or des palais ou sur une bouse de vache, l’Esprit éveillé brille avec amour et compassion sur tout et tous sans aucune distinction.
Son mantra est : « Om Ratnasambhava tram ».

e) Vairocana a un corps blanc et brillant. Il est « l’illuminateur », celui qui diffuse rayonnement et lumière. Sa couleur blanche inclut toutes les couleurs, elle est celle de l’absolu. Son mudra est celui du Dharmacakra. C’est celui du sermon de Bénarès du Bouddha Shakyamuni, de la proclamation initiale des Quatre Nobles Vérités, de la mise en route de de la Roue de la Loi. Les deux mains sont devant le corps au niveau de la taille, la paume droite tournée vers l'extérieur, la gauche vers l'intérieur, pouce et index joints formant deux cercles tangents, la main droite à la verticale, la gauche à l'horizontale
Il a comme émotion négative l’ignorance qu’il transforme par son énergie, la conscience de la vacuité.
Il est la Sagesse de base, celle des quatre autres dhyani-bouddhas en étant un aspect particulier. Il contemple le Cosmos, il contemple la réalité. Mais, pour lui, tout n’est que vacuité : « La forme n’est que vacuité, la vacuité n’est que forme. » (comme il est écrit dans le Sutra du cœur).
Son mantra est : « Om Vairocana hum ».

Vous pourrez trouver un excellent résumé, très complet, des attributs des cinq dhyani-bouddhas sur ce site (l’auteur a puisé à de nombreuses sources qu’il cite en introduction.) Une de mes inspirations pour écrire cet article a été le cours de Danielle du Centre bouddhiste Triratna.

Voilà. C’est tout pour aujourd’hui. La suite au prochain numéro comme dans les romans-feuilletons du dix-neuvième siècle ou dans les séries télévisées américaines contemporaines.

Amitiés à tous.