lundi 26 octobre 2015

Le sutra du cœur (deuxième partie)



Un des livres-interprétations du Sutra du cœur par Gueshe Kelsang Gyatso, maître bouddhiste tibétain qui enseigne actuellement en Angleterre



Arrivé à ce point du blog et de mes articles sur le bouddhisme, je me suis dit qu’il fallait effectuer une pause et relire ce que j’avais écrit (soyez rassurés, je continuerai par la suite sur le bouddhisme tibétain). J’ai décidé de retranscrire simplement pour l’instant l’un des sutras que je trouve parmi les plus beaux et les plus instructifs, le Sutra du cœur. En voici la deuxième partie que j‘ai arbitrairement séparée du reste du sutra :

« Il n’y a pas non plus de douleur, ni cause de la douleur,
Ni cessation de la douleur,
Ni noble chemin menant hors de la douleur ;
Ni même sagesse à atteindre !
L’atteinte aussi est vacuité.

Sachez donc que le bodhisattva
Ne s’attachant à rien qui soit,
Mais demeurant dans la sagesse prajna,
Est libéré d’obstacles illusoires,
Débarrassé de la peur nourrie par ceux-ci,
Et atteint l’éclatant nirvana.

Tous les bouddhas du passé et du présent,
Les bouddhas du temps futur,
Utilisant cette sagesse prajna,
Arrivent à une vision complète et parfaite.

Sachez donc que la Prajnaparamita est le grand dharani,
Le radieux mantra, sans égal,
Dont les mots apaisent toute souffrance ;
Écoutez et croyez en sa vérité !

Gate gate paragate parasamgate boddhi svaha
Gate paragate parasamgate bodhi svaha
Gate paragate parasamgate boddhi svaha. »

Explications : Avant-dernier paragraphe ; la Prajnaparamita signifie en sanskrit «  La réalisation de la sagesse ». Je rappelle que, comme je l’ai écrit dans l’article précédent, le Sutra du cœur appartient à un recueil de sutras intitulé le Prajnaparamita sutra. La conception bouddhiste de la sagesse, prajna, est très différente de la nôtre. C’est une sagesse intuitive et immédiate et non une sagesse abstraite et soumise à l’intellect. L’instant décisif dans celle-ci est celui de la compréhension et de la prise de conscience de la Vacuité (Shunyata), qui est la vraie nature du monde. Prajna est aussi l’une des six perfections (Paramitas) réalisées par les bodhisattvas au cours de leur cheminement.

Dans le même paragraphe ; un dharani désigne un bref sutra contenant des formules « magiques » et constitué de syllabes au contenu symbolique (ici : « Gate gate paragate parasamgate bodhi svaha »). Dharani est aussi le féminin de dharana, qui est l'art de la mnémotechnique. En ce sens, c’est une formule mémorielle par laquelle on peut retenir de longs textes, tout simplement un moyen mnémotechnique (dont j’ai beaucoup parlé au début de ce blog). Dans une culture essentiellement orale, on devine aisément l'importance des techniques de mémoire artificielle. Ainsi, Ananda, l’intendant personnel et le cousin de Bouddha Sakyamuni, était doué d'une grande érudition et d'une excellente mémoire, mais aussi utilisait des formules mnémotechniques. Il put ainsi participer à l'établissement du premier canon bouddhique, en récitant par cœur tous les discours qu'il avait entendu le bouddha prononcer.

C'est vraisemblablement à partir de cette acception mnémotechnique que s'est opéré un glissement de sens vers la magie. Celle-ci, en parvenant à condenser l'essentiel d'une instruction ou d'un enseignement, semble douée d'une efficacité mystérieuse aisément réorientée vers le surnaturel. Quoi qu'il en soit, dharani en vint à signifier « formule magique ».

En fait, il  peut aussi bien représenter l’essence d’une doctrine qu’un certain état de conscience, renouvelable à volonté par sa fréquente répétition, et joue un rôle très important dans le bouddhisme tantrique tibétain. 

Je vous donne la traduction de ce dharani-mantra mais il dépasse totalement son sens littéral : « Aller, aller, aller au-delà, au-delà du par delà, que l'éveil soit réalisé ! »

Voilà. Vous avez pu lire la fin du sutra du cœur, un texte que je trouve très parlant, très évocateur. La prochaine fois, je reprendrai mes articles sur l'ésotérisme du bouddhisme tibétain avec la pratique du premier des six yogas secrets de Naropa, Tumo.

La suite au prochain numéro comme dans les romans-feuilletons du dix-neuvième siècle ou les séries télévisées américaines actuelles.



Amitiés à tous.

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