Patients dormant sur des brancards à l'hôpital public.
Les éditions "Raisons d’agir" soutiennent l’hôpital public qui affronte une crise sans précédent.
La diffusion de la version
numérique de l’ouvrage La Casse du siècle
coécrit par Pierre-André Juven, Frédéric Pierru et Fanny Vincent ne résoudra
certes pas la crise sanitaire majeure que nous traversons.
En proposant durant le
confinement la diffusion gratuite de ce livre, nous espérons seulement
contribuer à la réflexion future sur le système de santé en temps ordinaires et
manifester notre soutien au service public.
Nous remercions les auteurs et
encourageons les lecteurs à retourner en librairies dès le retour à la normale.
Un extrait de ce livre :
« Le 15 avril 2018, Emmanuel
Macron, président de la République depuis un peu moins d’un an, est interviewé
par un journaliste de BFM-TV, Jean-Jacques Bourdin, et par le fondateur de
Mediapart, Edwy Plenel. À cette occasion, une question lui est posée à propos
d’une pétition lancée quelques semaines auparavant par plusieurs médecins
hospitaliers demandant que les tarifs des séjours soient augmentés de façon à
desserrer l’étau pesant sur le quotidien des services.
Le président de la
République concède que les difficultés rencontrées par les hôpitaux sont bien
réelles – ils seraient même « étranglés », reconnaît-il –, mais il invite à se
pencher sur les « causes profondes » de la « crise » de l’hôpital : celle-ci
appellerait d’abord « une réponse [en termes] de réorganisation de nos services
[...] et de ce qu’il y a entre ce qu’on appelle la médecine de ville et les
hôpitaux, pour éviter que tout le monde aille aux urgences ».
Ces « causes profondes » servent
à marteler une idée simple, répétée en boucle depuis plus de trente ans : les
difficultés de l’hôpital ne viendraient pas du manque de moyens financiers,
matériels et humains, mais d’un problème d’organisation et d’efficience.
Surtout, insiste Emmanuel Macron, et plus radicalement, il conviendrait de
redéfinir les missions de l’hôpital : « Et quand je dis qu’il faut repenser à
la fois l’hôpital et la médecine de ville, c’est qu’il faut repenser le
« comment on va chez le médecin » ». La rhétorique des « causes
profondes » renvoie les professionnels hospitaliers au (vieux) monde des
illusions et des « facilités » du « toujours plus ».
Alors que ceux-ci se
contenteraient de dénoncer les effets de la crise hospitalière, le réformateur
zélé aurait, lui, la lucidité et le courage de s’attaquer aux racines du mal
hospitalier. Le resserrement de la contrainte budgétaire serait dès lors une
opportunité pour inciter les agents hospitaliers à se réformer eux-mêmes, à
revoir leurs routines et leur rôle dans le système de soins. Augmenter les
moyens reviendrait, a contrario, à entretenir la fameuse « addiction à la
dépense publique ».
Un hôpital, surtout public, est
par nature un lieu « sous pression » ; mais, lorsque cette pression monte sans
arrêt, la situation devient dangereuse. Depuis dix ans, et particulièrement
depuis 2015, protestations et cris d’alarme se multiplient, émanant non
seulement des infirmières, des aides-soignantes, des cadres, des brancardiers,
des praticiens hospitaliers, y compris des élites médicales, mais aussi des
directions hospitalières elles-mêmes, fatiguées d’être prises entre le marteau
des agences régionales de santé (autrement dit l’État) et l’enclume
professionnelle et syndicale (autrement dit les soignants).
Des documentaires et des films
témoignent d’un travail quotidien pénible et anxiogène. Le rapide succès sur Twitter du hashtag #BalanceTonHosto a
attiré l’attention publique sur la précarité des conditions de travail et
l’inhumanité qui en résulte dans la prise en charge des patients, en particulier dans les établissements
destinés à l’hébergement des personnes âgées dépendantes (Ehpad).
La création d’un groupe dénommé «
Hôpital debout » lors des rassemblements de Nuit debout a été une autre
expression du malaise hospitalier. Bien sûr, on ne compte plus le nombre
d’émissions de radio et de télévision, d’enquêtes dans la presse écrite consacrées
à la « crise de l’hôpital ».
Plus dramatiques sont les cas, souvent médiatisés,
de suicides dans plusieurs hôpitaux, attribués à des conditions de travail
réprouvées ou à la banalisation des pratiques de harcèlement dans des
structures au climat social passablement dégradé.
De leur côté, les
porte-parole d’associations de patients et d’usagers dénoncent le sort qui leur
est fait dans un hôpital fonctionnant sur le fil du rasoir.
La mise en ligne en
janvier 2018 d’un No Bed Challenge, où les services des urgences peuvent
indiquer chaque nuit le nombre de patients dormant sur des brancards faute de
lits disponibles, complète encore ce rapide inventaire. »
Voilà. C’est tout pour le moment.
Amitiés à tous.