lundi 2 juillet 2018

Compte rendu du livre « Ma Gestalt-thérapie, une poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans » de Fritz Perls (vingt-neuvième partie).




Contact et retrait en Gestalt-thérapie


Je viens de lire un livre que j’ai trouvé à la fois passionnant, précis et instructif sur la création de la Gestalt-thérapie. Je voudrais vous en faire part à travers quelques articles de ce blog. Il s’agit de « Ma Gestalt-thérapie, une poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans »  de Fritz Perls.

Cet article est la suite de celui-ci.

Voici le résumé de ce livre.

Je suis bloqué, ne sachant s'il faudrait parler de mon ami mort, Paul Weiss, qui faisait partie intégrante de mon intérêt croissant pour le Zen, ou continuer à raconter mon voyage autour du monde. Je constate qu'en parlant de Paul mon écriture se fait de plus en plus petite. En effet, je me sentais souvent petit en sa présence.

Paul, si seulement je pouvais faire plus que de vous sortir de ma poubelle. Si seulement je pouvais vous ramener à la vie. Vous étiez solide et authentique, sage et cruel. Généralement, d'une exigence cruelle envers vous-même. Vous vous discipliniez en demeurant dans la posture du lotus, et en exigeant de vous-même une pensée claire et honnête. N'acceptant jamais de compromis pour l'essentiel.

Vous avez été une des rares personnes que j'aie écoutées dans nia vie. Même si ce que vous disiez me semblait absurde sur le moment, je l'encaissais au niveau des tripes et le laissais mûrir. Presque toujours cela portait fruit.

Ses commentaires n'étaient pas toujours critiques. Il me donna une fois un bon coup d'épaule. J'essayais de venir à bout de Heidegger et Paul fit cette remarque : « Qu'as-tu besoin de Heidegger ? Tu as dit la même chose mieux que lui, et plus lucidement. »

Paul et Lotte formaient le plus étonnant des couples. C'était un tombeur, et elle était indestructible. Lotte posait les questions les plus agaçantes avec le plus exquis des sourires (Lotte est douce et charmante, elle fait bien la cuisine viennoise), et il lui tombait dessus avec violence et amour.

J'ai rencontré Lotte pour la première fois après une conférence que j'avais faite à la « Société pour l’avancement de la psychiatrie » sur « la théorie et la technique de l'intégration de la personnalité ». Elle se mit à travailler avec moi. Nous devînmes, et sommes restés, très bons amis.

Paul, qui faisait des recherches sur le cancer, avait une grave névrose obsessionnelle. Il travaillait surtout avec Lore et devint un excellent thérapeute, surtout dans les cas limites. En dehors de la Gestalt-thérapie, il s'était passionné pour le Zen, avait fait plusieurs voyages au Japon et invité ici quelques moines zen. Lotte se plaignait de cette invasion de leur maison si bien tenue.

Dès lors, je devins de plus en plus fasciné par le Zen, sa sagesse, son potentiel, son attitude non moralisatrice. Paul essayait d'intégrer le Zen à la Gestalt-thérapie. Pour ma part, je tentai plutôt de créer une méthode viable d'ouverture vers cette sorte de transcendance humaine de soi, pour l'homme occidental. Je fus encouragé en cela par Aldous Huxley, qui présenta Gestalt-Thérapie comme « le seul livre psychothérapique qui vaille la peine d'être lu ».

Du point de vue du Zen, mon séjour au Japon fut un échec. Cela renforça ma conviction que, comme en psychanalyse, il y a quelque chose qui ne va pas s'il faut des années et des décennies pour n'aboutir à rien. Le mieux qu'on puisse dire, c'est que la psychanalyse engendre des psychanalystes comme l'étude du Zen des moines.

Autant leur valeur à tous les deux, en tant qu'élargissement de la conscience et libération du potentiel humain, doit être affirmée, autant leur efficacité doit être niée. Ces méthodes ne peuvent être efficaces puisqu'elles ne sont pas centrées sur la double polarité du contact et du retrait sur le rythme de la vie.     

Hier je n'avais pas du tout envie d'écrire. J'avais donné à Kay les premières pages de cette section à taper. Après cela, j'avais ressenti un vide, rien pour me guider, rien pour remplir le vide du néant.

Un millier de fleurs en plastique
Ne font pas fleurir un désert     
Un millier de fantômes vides    
Ne remplissent pas une chambre.

Et puis, la nuit dernière, l'exploration tâtonnante a repris, dans différentes directions. Plus que des souvenirs et des expériences, je veux sauver du naufrage ma philosophie de la Gestalt. Je veux me faire comprendre dans un langage accessible à tous. Je veux apporter une théorie vivante qui soit exacte sans être rigide. Je veux, je veux, je veux, moi, moi, moi, moi.

Qu'est-ce que « Moi » ? Une composition d'introjections (comme l'a suggéré Freud), une chose que le neurologue peut localiser dans le cerveau, l'organisateur de nos actions, le capitaine de mon âme ? Rien de cela. Un petit enfant n'a pas encore de « je ». Il parle de lui-même à la troisième personne. Les Esquimaux utilisent la troisième personne du singulier pour « je ».  Certaines tribus du Pacifique Sud disent « ici » à la place de je ».

Nous avons vu que la Gestalt biologique, qui émerge en tant qu'organisateur transitoire, prend le contrôle de l'organisme dans son entier. Chaque organe, les sens, les mouvements, les pensées se subordonnent d'eux-mêmes à tel besoin qui apparaît et, dès que ce besoin est satisfait, tournent casaque et changent de nature, puis se retirent à l'arrière-plan. Dès qu'apparaît le besoin suivant, toutes les parties se mettent à son service, et, chez un être en bonne santé, concourent toutes à l'accomplissement de la Gestalt. Toutes les parties de l'organisme s'identifient temporairement avec la Gestalt émergente.

Un processus similaire se produit au niveau social. En cas de danger, d'inondation, de tremblement de terre, à l'occasion de la célébration d'une victoire, beaucoup de gens s'identifient avec l'événement et y participent, se joignent aux autres pour assister à l'événement et y contribuer.

Le « je », c'est l'expérience de l'image au premier plan. C'est la somme de tous les besoins qui émergent, le comptoir de règlement de leur satisfaction. C'est le facteur qui reste constant dans la relativité des rapports entre demandes intérieures et extérieures. C'est le facteur de responsabilité pour tout ce à quoi il s'identifie : Respons-able, capable de répondre à la situation — pas « responsable » dans le sens moraliste d'accepter des obligations dictées par le devoir.

Dans l'exemple du déséquilibre hydrique : les deux affirmations « J'ai soif » et « Je n'ai pas soif » sont non pas des contradictions logiques, mais des états différents de déshydratation ou de non-déshydratation.

Jusqu'ici, tout va bien ! Nous reconnaissons que « je » n'est pas une chose statique, mais le symbole d'une fonction d'identification. Cependant, nous ne sommes certainement pas sortis de l'auberge. Tout d'abord, quand Freud parle d'introjection totale, il veut dire aussi processus d'identification. Si une jeune fille a introjecté sa mère, dit-il, elle s'identifie tellement à elle qu'elle se comporte « comme si » elle était sa mère.
De plus le terme « identification » est un terme descriptif et ne nous dit pas grand-chose de ce qui se passe réellement.

Finalement, ce terme a besoin d'être clarifié davantage : « identification » doit être distingué de « identification à » et d' « être identifié avec ».

Il semble à présent que nous ayons à jouer à des jeux d'adaptation sémantique.           Un des buts de ma philosophie est d'être cohérente, c'est-à-dire applicable à tous les événements qui se produisent, dans le monde inorganique aussi bien que dans le monde organique. Plus le support intellectuel embrassera de choses, moins il y aura d'instabilité au niveau plus élevé des superstructures.

Depuis ma rencontre avec Friedlander, j'ai appris l'art des polarisations adéquates. Le contraire de l' « identification avec » c'est l'aliénation. L'aliénation de soi est devenue l'un des termes importants de la psychiatrie existentielle.


Voilà. C’est tout pour le moment comme dans les séries télé américaines ou les romans-feuilletons du dix-neuvième siècle. Amitiés à tous.


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