Un ouvrage sur la Cabale.
Je me suis rendu compte, plusieurs semaines après avoir écrit mon article
« Histoire de la Mnémotechnie : Moyen Âge, Renaissance & Dix-Septième
siècle » (http://www.virtualmagie.com/articles/autres/dossiers/histoire-de-la-mnemotechnie-moyen-age-renaissance-dix-septieme-siecle/) que j’avais oublié de mentionner
le travail de Giulio Camillo (1480-1544), un érudit italien, qui a consacré
toute sa vie à la fabrication d’un édifice qu’il appela le Théâtre de la
Mémoire et qui était un gigantesque théâtre décoré d’images, conçu afin de
mémoriser l’ensemble des connaissances de l’époque.
Vers la fin de sa vie, Camillo consacra sept matinées à dicter à Girolamo
Muzio une esquisse de son Théâtre. Après sa mort, le manuscrit passa entre d’autres
mains et il fut publié à Florence et à Venise en 1550 sous le titre L'Idea del Theatro dell' eccellen. M. Giulio
Camillo. C'est cet ouvrage qui nous permet de reconstruire le Théâtre dans
une certaine mesure. Il a été traduit en français sous le titre Le Théâtre de la Mémoire de Giulio
Camillo aux éditons Allia et comporte sept chapitres. Je vais vous donner un
résumé du texte de chacun de ceux-ci avec des commentaires explicatifs par
rapport aux croyances de l’époque et de l’auteur.
Cet article est la suite de celui-ci.
Le texte du chapitre d’ouverture « Le premier degré » se poursuit
de cette façon :
« Ce n'est donc pas sans raison que les Anciens plaçaient un Sphinx,
peint ou sculpté, au-dessus des portes de tous leurs temples pour bien montrer
par cette image qu'il ne faut parler publiquement des choses de Dieu que par
énigmes. Dieu nous enseigne encore cela sous d'autres formes, lorsque le Christ
dit qu'on ne doit pas jeter de perles aux pourceaux et que l'on ne saurait rien
donner de sacré aux chiens (Mt 7, 6). C'est pourquoi, s'adressant à ses
Apôtres, il leur dit : "A vous, il a été donné de connaître les mystères
du Royaume des Cieux, aux autres, je leur parle en paraboles parce qu'ils voient
sans voir et entendent sans entendre ni comprendre" (Mt 13, 11-13).
Au
quatrième livre d'Esdras, en parlant de Moïse qui était parvenu au sommet de la
montagne, Dieu dit : "Je l'ai retenu auprès de moi plusieurs jours et je
lui ai fait part de nombre de mes merveilles, je lui ai montré les secrets et
la fin des temps et je lui ai ordonné : Ces mots déclare-les, ceux-là,
cache-les" (4 Esd 14, 4-6).»
Commentaire :
Le Livre d’Esdras est un
apocryphe chrétien reporté à la fin de la Vulgate. Une tradition reprise par
Pic de la Mirandole attribue à Esdras la transmission de la science de la
Cabale.
Il écrit ceci dans son Discours
sur la dignité de l’homme : « Or, une fois libérés par Cyrus de
leur captivité à Babylone, et après la reconstruction du Temple sous Zorobabel,
les Hébreux s'appliquèrent à restaurer la loi : c'est alors qu'Esdras, qui
dirigeait à l'époque leur communauté religieuse, corrigea le livre de Moïse ;
mais voyant bien que les exils, les massacres, les fuites, la captivité du
peuple d'Israël rendaient impossible de maintenir la coutume, établie par les
anciens, de transmettre de mains en mains la doctrine, voyant aussi que les
secrets de cette doctrine céleste, à lui confiés, allaient disparaître et que
sans constitution d'archives le souvenir n'en durerait pas longtemps, il
décida, après avoir réuni les savants encore en vie, que chacun exposerait ce
que sa mémoire conservait des mystères de la loi, et qu'on ferait appel à des
secrétaires pour rédiger ces souvenirs en soixante-dix volumes (car tel était à
peu près le nombre des savants du Sanhédrin). Sans prêter foi sur ce point à
mon seul témoignage, écoutez, Pères, les propres mots d'Esdras: « Au bout de
quarante jours, le Très-Haut parla et dit : Ce que tu as écrit d'abord, rends-le
public, pour que les dignes et les indignes le lisent ; mais tu conserveras les
soixante-dix livres écrits en dernier, pour les remettre aux sages de ton
peuple. Car c'est en eux que se trouvent la veine de l'intelligence, la source
de la sagesse et le fleuve de la science. Et c'est ce que j'ai fait ».
Tel est
mot pour mot le récit d'Esdras. Tels
sont les livres de la science kabbalistique ; Esdras n'avait pas tort de
proclamer clairement et d'emblée qu'on y trouve la veine de l'intelligence,
autrement dit l'ineffable théologie de la divinité suprasubstantielle, la
source de la sagesse, autrement dit la métaphysique précise des formes
intelligibles et angéliques ; le fleuve de la science, autrement dit une très
solide philosophie des choses de la nature.
Voilà. C’est tout pour le moment. La suite au prochain numéro.
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