Maitrisara est chargée de l'enseignement des mitras femmes au Centre bouddhiste Triratna de Birmingham
Conférence du mercredi 17 02 2016,
Centre bouddhiste Triratna de Paris
Action, colère, foi
et énergie dans le bouddhisme par Maitrisara
Maitrisara a été ordonnée en 2005
en Inde. Elle habite à Birmingham et est chargée au centre Triratna de cette
ville des mitras femmes (Un mitra est une personne qui se considère bouddhiste, qui fait un effort pour méditer et vivre en accord avec les cinq préceptes éthiques, et qui estime que la Communauté bouddhiste Triratna est la communauté spirituelle qui lui convient). Elle a toujours été préoccupée par le problème de la
souffrance dans le monde et se réjouit que la communauté bouddhiste Triratna
soit présente actuellement dans 29 pays.
La question principale de son
existence a été : « Comment puis-je répondre à la souffrance
humaine ? ».
Pour Sangharakshita, le fondateur
de la Communauté bouddhiste Triratna, la transformation du Soi est indivisible
de la transformation du monde. La sagesse naît d’une exploration de notre
propre esprit. Ensuite vient une unification entre ce qui est intérieur et ce
qui est extérieur. Nous sommes alors préparés à agir avec plus de sagesse dans
le monde. Cela est semblable à une métaphore militaire : d’abord on se
retire puis après on avance.
Il y a dans le bouddhisme une
grande tradition d’activité. La metta (bienveillance) est une action non
violente au bénéfice du monde. Le nom d'un des dhyani-bouddhas (bouddhas de méditation),
Amoghasiddhi, signifie « succès efficace ». Le boddhisattva Avalokitésvara
a mille bras pour pouvoir mieux intervenir dans notre univers.
Le but du Dharma (enseignement
bouddhiste) est d’agir avec sagesse et énergie dans les circonstances les plus
difficiles.
1)
Colère.
Les activistes anglais se méfient de la méditation et de la
metta qui fait taire la colère. Ne pas avoir de colère peut me
faire perdre mon énergie, pensent certains. La méditation de metta pourrait-elle
me rendre mou dans les conflits sociaux ?
Maitrisara a une amie bouddhiste syndicaliste qui négocie
toujours avec metta (metta pour l’employé, metta pour le patron). On peut
discuter syndicalement sans colère. La colère implique toujours un désir de
vengeance, d’humiliation, d’annihilation de l’autre. Elle ne génère pas une
action habile. Les actions habiles sont celles qui sont exemptes d’avidité, de
haine et de confusion mentale et qui, au lieu de cela, sont motivées par la
générosité, par l’amour, la compassion et la compréhension. Elles tendent à
avoir des conséquences positives pour nous ou pour les autres.
Le paradoxe est que, quand son amie syndicaliste négocie
avec metta, elle résout mieux les conflits sociaux que lorsqu’elle est en
colère. Elle a plus de recul sur les choses.
Dans le Kalama Sutta, le bouddha nous suggère de tester les enseignements
(même les siens) à la lueur de l’expérience mais il dit aussi que les choses
que nous effectuons sont bonnes si elles sont louées par les sages.
Face à la
douleur, il faut prendre du temps pour chercher une réponse, ressentir cette
douleur, au lieu de donner nos banales réponses habituelles. Souvent, nous
n’aimons pas ce sentiment de ne pas savoir résoudre un problème immédiatement.
Nous avons peur que d’autres personnes pensent plus vite que nous et trouvent
une solution avant nous. Nous pensons aussi très rapidement parce que cela nous
évite de ressentir de la colère ou de la tristesse.
Ressentir vraiment, clairement,
les émotions est très important. Cela génère beaucoup de créativité.
Pour ressentir véritablement et le temps qu’il faut la souffrance,
Maitrisara nous suggère deux pratiques :
a) Étudier et effectuer les exercices du livre de
Joanna Macy, Ecopsychologie pratique et rituels pour la Terre : retrouver le lien vivant avec la nature. L’auteur est
une militante écologiste, spécialiste du bouddhisme. Son message est celui-ci :
l’expérience de notre douleur pour le monde jaillit de notre interdépendance
avec tous les êtres, d’où provient aussi notre pouvoir d’agir en leur nom. Nous
sommes véritablement débloqués quand notre douleur pour le monde n’est pas seulement
validée intellectuellement mais ressentie. Lorsqu’on se relie à la vie en
endurant volontairement sa propre souffrance, l’esprit recouvre sa lucidité
naturelle.
b)
Pratiquer le Tonglen
Le tonglen est une pratique méditative du bouddhisme
tibétain permettant de développer sa compassion.
L’exercice consiste à imaginer la souffrance
de l’autre comme une fumée noire qui entre dans notre cœur, puis que nous
transformons, et qui ressort en fumée blanche, comme une grande énergie de joie et de bonheur dirigée
vers l’autre. On peut le réaliser aussi simplement avec sa propre souffrance.
3)
Foi (shradda).
Ce mot sanskrit (shradda) qui désigne la
foi bouddhiste n’a pas la même signification que dans le christianisme. Il signifie
« confiance », « placer son cœur sur ». Maitrisara nous dit
qu’il faut nous tourner vers notre engagement, notre foi.
Le bouddhisme ne demande pas une foi
« aveugle », ne réclame aucune « croyance ».
Le Dharma met l’accent sur trois
actions : 1) voir, 2) savoir, 3) comprendre.
En réalité, le besoin de la croyance ne se
pose que quand il n’y a pas chez la personne de vision. On se rappellera que
la vision juste est la première des étapes du noble sentier octuple, la base du
bouddhisme. Du moment que nous voyons, la croyance n’a pas lieu d’être. Si je
vous dis que j’ai un joyau caché dans ma main fermée, la question de la croyance
se pose parce que vous ne le voyez pas vous-même.
Mais, si j’ouvre
la main et je vous montre le joyau, vous le verrez alors par vous-même et vous
n’aurez plus besoin d’y croire. C’est ainsi qu’il est dit dans les anciens
textes : « Comprendre comme on
voit un joyau dans une paume. »
Mais alors, de
manière pratique, comment peut naître cette vision juste, comment peut-on provoquer sa naissance ? Sangharakshita énumère six moyens différents pour l’obtenir :
1) un bouleversement psychique après une tragédie personnelle : un deuil, une
perte, 2) une expérience mystique spontanée, 3) une appréciation d’une belle peinture
ou une écoute d’une musique, 4) des réflexions prolongées et approfondies, 5) des activités
altruistes (s’occuper de malades ou de personnes âgées) et l'oubli de l’intérêt
personnel, 6) l'expérience de toute une vie : quand certaines personnes
vieillissent, elles deviennent plus mûres. Quand tous les différents fils
semblent se rapprocher et que leur schéma de vie semble prendre sens, semble
refléter une lueur de signification, alors des profondeurs de leur maturité
humaine, la Vision juste peut apparaître. Chez ceux qui ont mené une vie
véritablement humaine, qui se sont calmés et peut-être un peu adoucis, la
Vision juste peut parfois apparaître.
En résumé, la foi
bouddhiste est une réponse de notre cœur à la vérité et à la beauté vues (par
nous) du Dharma, l’enseignement bouddhiste. Cette foi est une des choses que le
Dharma peut offrir pour aider à soulager la souffrance du monde.
Voilà. C’est tout pour aujourd’hui.
La suite au prochain numéro comme dans les
romans-feuilletons du dix-neuvième siècle ou dans les séries télévisées
américaines actuelles.
Amitiés à
tous.
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