Mircea Eliade a été un des plus grands historiens et comparatistes des religions
Pourquoi faire un compte rendu
croisé de ces deux livres ? Parce qu’ils parlent tous les deux d’un
concept fondamental de A. Korzybski en science des systèmes : « La
carte ne fait pas le territoire ». Richard Bandler, un des fondateurs de
la Programmation Neuro Linguistique, disait que, s’il ne fallait garder qu’un
seul principe de sa méthode, ce serait celui-là. Mais qu’est-ce qu’il
signifie ? Il veut dire que nous ne sommes pas en contact direct avec le
monde. Bien que le monde soit réel, nous n’opérons pas directement sur cette réalité. De celle-ci, chacun a son idée
propre et comme l’enseigne le proverbe « chacun voit midi à sa
porte ».
Cette construction du réel met en
jeu 1) des processus neurologiques, 2) des limitations socio-génétiques, 3) Des
limitations personnelles. Elle nous fournit une représentation, un modèle du
monde qui va constituer le centre de notre univers vécu et nous permettre de
nous orienter dans la vie. C’est ce modèle qui favorisera notre accomplissement et dictera nos limites. Car tout comme la carte n’est pas le territoire, l’idée
que nous faisons du monde n’est pas
le monde.
1) Les processus neurologiques.
Notre système nerveux ne perçoit
qu’une partie de la réalité physique (limitation de notre vision, de notre audition).
Il nous donne de fausses impressions par exemple en nous faisant croire que les rails des chemins
de fer se rejoignent à l’horizon, bien que nous sachions en esprit qu’il n’en est rien.
La réalité du monde que nous
percevons est déjà une création humaine : notre monde n’est pas celui de
la mouche, du canari ou du chien.
2) Les limitations
socio-génétiques.
Ce sont les catégories de pensée
auxquelles nous sommes soumis en tant que membres d’une communauté culturelle
donnée. Celle des esquimaux par exemple est différente de notre communauté
européenne. Le vaste groupe auquel nous appartenons exerce sur nous des
influences modélantes évidentes sur nos attitudes, nos conceptions de la vie et
du monde et même sur nos certitudes existentielles profondes.
Mais ces présupposés sont la
plupart du temps hors de notre conscience et la réalité, telle qu’elle nous apparaît,
semble aller de soi.
C’est pour cela qu’il est bon de
voyager physiquement et en esprit (par exemple comparer nos religions à celles
du continent asiatique dans le Dictionnaire des religions par Mircea Eliade et Peter Couliano) et d’apprendre d’autres langues. Le langage
est sans doute la plus grande de nos influences structurantes. Les esquimaux possèdent
une trentaine de termes pour nommer les variétés de neige, là où nous n’en
avons que très peu, et ils sont capables de percevoir ces trente variétés, pas
nous. Cela signifie donc qu’ils voient le
monde d’une façon différente de la nôtre, ils en ont une carte différente.
3) Les limitations personnelles
La troisième série de limitations
en fonction desquelles notre expérience du monde diffère du monde lui-même est
d’ordre personnel.
L’histoire de la vie d’un
individu est unique. Le milieu dans lequel il a vécu, l’influence qu’ont
exercée sur lui ses parents et les figures d’autorité qui étaient ou sont
encore importantes à ses yeux (professeurs dans la jeunesse ou prêtres,
directeurs quand il est adulte), les traumatismes aussi bien que les routines
quotidiennes, les mille et une péripéties de la vie ont façonné sa vision de la
réalité de façon caractéristique.
Cette troisième série de
limitations est particulière à chaque individu. C’est d’elles que proviennent
les différences les plus notables entre les êtres humains.
En fonction de ces trois
limitations, chacun de nous construit une carte différente de la réalité mais cette carte n’est pas la réalité.
Pour constituer cette carte, nous
disposons de trois facultés humaines de modélisation (fabrication de modèles) :
la généralisation, la sélection et la distorsion. Celles-ci nous servent de
guides dans la vie lorsque nous les utilisons pour fabriquer des cartes exactes.
Bien que les cartes ne soient pas les territoires qu’elles représentent, si
celles-ci sont correctes, elles possèdent une structure similaire à celle du
territoire qui les rendent bien utiles. Mais ces cartes peuvent aussi
agir comme autant de limites dès lors que nous les employons pour appauvrir notre expérience du monde.
Voilà. C’est tout pour aujourd’hui.
Je parlerai des trois modélisations, la généralisation, la sélection et la
distorsion dans un prochain article.
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