Un autre livre de Robert Greene
J’ai extrait ma biographie de
Marcel Proust d’un livre de l’écrivain américain Robert Greene Atteindre l’excellence que je trouve
très bien pensé (et réaliste). Je vais vous détailler certains passages de cet
ouvrage. « Atteindre l’excellence » ne signifie pas, de manière
compulsive, être premier de la classe ou être le plus remarqué à son boulot
mais seulement développer le meilleur de ce qu’il y a en vous.
Robert Greene nous parle d’un
processus très important, la maîtrise, et de ses secrets.
Dans le passé, seules quelques
personnalités d’élite ou dotées d’une énergie presque surhumaine pouvaient
choisir la carrière de leur choix et parvenir à la maîtrise. Il fallait naître
dans une famille de militaires ou de responsables politiques, c’est-à-dire
faire partie de la classe dirigeante. Des
millions de gens qui ne faisaient pas partie de la bonne classe sociale, du bon
sexe et du bon groupe ethnique étaient rigoureusement empêchés de répondre à
l’appel de leur vocation. C’est pourquoi il y avait si peu de grands maîtres
dans le passé et qu’ils se distinguaient de façon si éclatante.
Toutefois, ces barrières
politiques et sociales ont pour la plupart disparu. On a aujourd’hui accès à
une qualité d’information et de connaissance dont les maîtres du passé ne
pouvaient que rêver. Plus que jamais, on la capacité et la liberté de suivre
son inclination en fonction de son unique génome. Il est temps de démystifier
et de banaliser ce concept de génie. Nous sommes tous plus proches que nous le
croyons de ce type d’intelligence. (Le mot « génie » vient du latin « genius »,
ce dieu particulier à chaque homme qui veillait sur lui dès sa naissance, qui
partageait sa destinée et disparaissait avec lui.)
Notre époque est riche en
possibilités pour quiconque ambitionne la maîtrise ; de plus en plus de
gens peuvent suivre leurs inclinations, mais un dernier obstacle culturel particulièrement
insidieux s’y oppose : le concept même de maîtrise fait l’objet de
dénigrement et est assimilé à quelque chose de ringard, voire déplaisant. Ce n’est
pas admis comme une ambition légitime. Ce glissement de valeur est assez récent
et découle de particularités culturelles de notre époque.
Nous vivons dans un monde qui
nous échappe de plus en plus. Nos moyens d’existence sont le jouet de forces
mondialisées. Les problèmes auxquels nous nous heurtons sur le plan de l’économie,
de l’environnement, etc., dépassent nos capacités d’action individuelles. Les
hommes politiques sont lointains et indifférents à nos vœux. Quand on se sent
dépassé, il est naturel de se replier sur une sorte de passivité. En perdant le
goût du risque et en limitant son champ d’action, on peut se donner l’illusion
d’être maître de son destin. Qui risque rien n’a rien mais ne risque pas d’échouer
(c’est le raisonnement d’énormément de personnes !). Si nous ne sommes pas
responsables de notre destin, notre manifeste impuissance devient acceptable.
Nous sommes donc tentés par toutes sortes de théories stupides comme celles-ci :
1) Ce
sont nos gènes qui déterminent nos actes.
2) Nous sommes le produit d’une
époque.
3) Nous sommes totalement déterminés par notre enfance et notre environnement
familial.
4) L’individu n’est qu’un mythe.
5) Le comportement de tout être
humain peut se réduire à des tendances statistiques et scientifiques coulées
dans du béton.
Bien des gens vont plus loin dans
ce dérapage et maquillent leur passivité sous un vernis positif. Ils trouvent
romantique l’attitude suicidaire de l’artiste qui perd tout contrôle de
lui-même. Toute notion de discipline ou d’effort apparaît comme ringarde et assommante :
ce qui compte, c’est l’inspiration derrière l’œuvre d’art, au diable la
maîtrise technique et l’apprentissage du métier. On en vient à se contenter d’objets
vite faits mal faits. Cette passivité s’érige même en règle morale, « la
maîtrise et la puissance sont mauvaises ; elles sont réservées aux élites
patriarcales qui nous oppriment ; le pouvoir est mauvais en soi ». Cette
attitude rappelle furieusement la description de la société du roman Le meilleur des mondes d’ Aldous Huxley avec
ses alphas plus et ses epsilons moins !
Voilà. C’est tout pour le moment.
La suite au prochain numéro. Amitiés à tous.
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