vendredi 2 juin 2017

Compte rendu de « Clavis universalis, arts de la mémoire, logique combinatoire et langue universelle de Lulle à Leibniz » de Paolo Rossi (deuxième partie).


Raymond Lulle.



Je me suis aperçu que j’avais parlé de la renaissance du lullisme dans mon précédent article sur « Clavis universalis » de Paolo Rossi et que je n’avais pas évoqué le mode de pensée de cet écrivain déterminant dans l’art de la mémoire  qui a eu une très grande influence sur les idées du Moyen Age (Naissance en 1232, mort en 1315). Excusez d’avance la complexité de ces explications qui ne sont pourtant qu’une parcelle de l’œuvre de ce penseur déterminant.

ART, LOGIQUE ET COSMOLOGIE DANS LA TRADITION LULLISTE

Dans les textes de Lulle, dans son Ars magna, l'Art se présente comme une «logique», qui est aussi et en même temps une «métaphysique» et qui cependant diffère de l'une et de l'autre, soit «par sa manière de considérer son objet», soit «en ce qui concerne les principes». Alors que la métaphysique considère les êtres extérieurs à l'âme «du point de vue de leur être», et que la logique les considère selon l'être qu'ils ont dans l'âme, l'Art, quant à lui, « science suprême entre toutes les sciences », considère les êtres selon l'une et l'autre manière. 

Contrairement à la logique qui traite des intentions secondes, l'Art traite des intentions premières; alors que la logique est «science instable et labile», l'Art est «permanent et stable» ; il lui est possible de découvrir la « vraie loi », alors que la logique ne le peut pas. Si l'on s'exerce un mois durant dans l'Art, on pourra non seulement retrouver les principes communs à toutes les sciences, mais également obtenir des résultats supérieurs à ceux qu'on atteint lorsqu'on se consacre toute une année à l'étude de la logique. A cet égard, la connaissance de la logique traditionnelle et celle des choses naturelles apparaissent comme d'utiles préalables à l'acquisition de l'Art.

L'Art de Lulle se présente donc comme étroitement lié à la connaissance des objets qui constituent le monde. A la différence de la logique dite formelle, il a affaire non seulement aux mots, mais aux choses, et s'intéresse non seulement à la structure des discours, mais à celle du monde. Une métaphysique exemplariste ou un symbolisme universel est au départ d'une technique qui prétend pouvoir parler, à la fois et en même temps, de logique et de métaphysique, et énoncer les règles qui sont à la base des discours et celles qui structurent le réel. Mais la décomposition des idées complexes en idées simples et irréductibles ; l'emploi de lettres et de symboles pour désigner les idées simples ; la mécanisation des combinaisons de notions effectuée au moyen des figures mobiles ; l'idée d'une langue artificielle et parfaite (supérieure à la langue naturelle et à celle des diverses sciences); l'identification de l'Art à une espèce de mécanisme conceptuel qui, une fois construit, est absolument indépendant de son créateur : ces caractères de l' ars combinatoria ont conduit d'insignes historiens, de Bäumker à Gilson, à rapprocher — d'une façon nullement erronée — la combinatoire de la logique formelle moderne. 

Toutefois, contrairement à d'autres historiens moins avisés, aussi bien Bäumker que Gilson ont considéré comme bien réelle l'influence exercée sur la pensée de Lulle par cet exemplarisme et par ce symbolisme que nous avons évoqués. Dieu et les dignités divines sont pour Lulle les archétypes de la réalité, et l'univers entier se présente comme un gigantesque ensemble de symboles qui renvoient, au-delà des apparences, à la structure de l’être divin : « Les similitudes de la nature divines sont gravées en toute créature en fonction des possibilités de réception de cette créature, et cela plus ou moins, selon que ces possibilités sont plus proches du degré supérieur où se trouve l’homme, de sorte que chaque créature porte plus ou moins en elle la marque de son Auteur ».


C’est fini pour le moment. Amitiés à tous.

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