Raymond Lulle.
Je me suis aperçu que j’avais
parlé de la renaissance du lullisme dans mon précédent article sur « Clavis universalis » de Paolo Rossi et que je n’avais pas évoqué le mode de
pensée de cet écrivain déterminant dans l’art de la mémoire qui a eu une très grande influence sur les
idées du Moyen Age (Naissance en 1232, mort en 1315). Excusez d’avance la
complexité de ces explications qui ne sont pourtant qu’une parcelle de l’œuvre de
ce penseur déterminant.
ART, LOGIQUE ET COSMOLOGIE DANS
LA TRADITION LULLISTE
Dans les textes de Lulle, dans
son Ars magna, l'Art se présente comme une «logique», qui est
aussi et en même temps une «métaphysique» et qui cependant diffère de l'une et
de l'autre, soit «par sa manière de considérer son objet», soit «en ce qui
concerne les principes». Alors que la métaphysique considère les êtres
extérieurs à l'âme «du point de vue de leur être», et que la logique les
considère selon l'être qu'ils ont dans l'âme, l'Art, quant à lui, « science
suprême entre toutes les sciences », considère les êtres selon l'une et
l'autre manière.
Contrairement à la logique qui traite des intentions secondes,
l'Art traite des intentions premières; alors que la logique est «science instable et labile», l'Art est «permanent et stable» ; il lui est
possible de découvrir la « vraie loi », alors que la logique ne le
peut pas. Si l'on s'exerce un mois durant dans l'Art, on pourra non seulement
retrouver les principes communs à toutes les sciences, mais également obtenir
des résultats supérieurs à ceux qu'on atteint lorsqu'on se consacre toute une
année à l'étude de la logique. A cet égard, la connaissance de la logique
traditionnelle et celle des choses naturelles apparaissent comme d'utiles
préalables à l'acquisition de l'Art.
L'Art de Lulle se présente donc
comme étroitement lié à la connaissance des objets qui constituent le monde. A
la différence de la logique dite formelle, il a affaire non seulement aux mots,
mais aux choses, et s'intéresse non seulement à la structure des discours, mais
à celle du monde. Une métaphysique exemplariste ou un symbolisme universel est
au départ d'une technique qui prétend pouvoir parler, à la fois et en même
temps, de logique et de métaphysique, et énoncer les règles qui sont à la base des
discours et celles qui structurent le réel. Mais la décomposition des idées
complexes en idées simples et irréductibles ; l'emploi de lettres et de
symboles pour désigner les idées simples ; la mécanisation des combinaisons de
notions effectuée au moyen des figures mobiles ; l'idée d'une langue
artificielle et parfaite (supérieure à la langue naturelle et à celle des
diverses sciences); l'identification de l'Art à une espèce de mécanisme
conceptuel qui, une fois construit, est absolument indépendant de son créateur
: ces caractères de l' ars combinatoria ont conduit d'insignes historiens, de Bäumker
à Gilson, à rapprocher — d'une façon nullement erronée — la combinatoire de la
logique formelle moderne.
Toutefois, contrairement à d'autres historiens moins
avisés, aussi bien Bäumker que Gilson ont considéré comme bien réelle
l'influence exercée sur la pensée de Lulle par cet exemplarisme et par ce
symbolisme que nous avons évoqués. Dieu et les dignités divines sont pour Lulle
les archétypes de la réalité, et l'univers entier se présente comme un
gigantesque ensemble de symboles qui renvoient, au-delà des apparences, à la
structure de l’être divin : « Les similitudes de la nature divines
sont gravées en toute créature en fonction des possibilités de réception de
cette créature, et cela plus ou moins, selon que ces possibilités sont plus
proches du degré supérieur où se trouve l’homme, de sorte que chaque créature
porte plus ou moins en elle la marque de son Auteur ».
C’est fini pour le moment.
Amitiés à tous.
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