Casque de l’armée
allemande (1914-1918).
Je viens de lire un livre que j’ai
trouvé à la fois passionnant, précis et instructif sur la création de la
Gestalt-thérapie. Je voudrais vous en faire part à travers quelques articles de
ce blog. Il s’agit de « Ma Gestalt-thérapie, une
poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans » de Fritz Perls.
Cet article est la suite de celui-ci.
Voici le résumé de ce livre.
En 1914, quand
la guerre éclata, j’étais déjà étudiant en médecine. Le conseil de révision me
certifia « apte » pour la territoriale, ce qui est même au-dessous de
la réserve. J’étais plutôt voûté, avec le cœur petit, une élongation. J'avais
du mal à soutenir l'effort requis par les sports violents et je leur préférais
tous les types de sports d'équilibre.
Je n'avais
aucune intention de devenir un soldat et un foutu héros sanguinaire. Aussi je
m'offris comme volontaire pour la Croix-Rouge, afin de servir hors de la zone
des combats. Je passais une grande partie de mon temps à Berlin, où je
continuais mes études. Après un voyage de quatre semaines jusqu'à Mons sur la
frontière franco-belge, j'en eus marre et rentrai à Berlin sans permission ;
mais, convaincu que la Croix-Rouge était un organisme semi-privé, je me croyais
en règle. Quand je fus pris, je déclarai avoir mal à la jambe et me mis à boiter
plutôt en amateur. Je fus envoyé au professeur Schleich, que j'admirais comme
un des rares qui, même avant Groddeck, s'intéressaient à la médecine
psychosomatique. Il me fit une piqûre subpéritonéale si douloureuse que je n'en
contestai pas l'efficacité.
Je repartis
vers Mons par un train poussif qui devait sans cesse s'arrêter pour laisser
passer les trains de troupes et de munitions. Rien à manger. J'étais si épuisé
et je m'endormis si profondément qu'il me fallut plusieurs minutes pour
m'orienter lorsqu'on me réveilla. Quelle sensation bizarre ! Je regardai
fixement les gens, les parois du wagon ; j'étais complètement dépersonnalisé,
j'avais perdu tout sentiment, tout semblait absurde.
A Mons,
j'étais de service à la gare, je servais le café et d'autres rafraîchissements
aux blessés qui revenaient du front. Quand je voulus donner un peu d'eau aux
soldats britanniques blessés, les blessés allemands m'en empêchèrent. Ce fut
mon premier contact avec l'inhumanité de la guerre, mon premier choc.
Une jeune fille
belge tomba amoureuse de moi et brava le mépris de ses compatriotes. Elle était
passionnée et me suppliait : « N'allez pas dans la guerre, chéri, n'allez
pas » (en français dans le texte). A l'époque, je me débrouillais bien en
français et servis souvent d'interprète, mais cela m'arriva surtout plus tard,
dans l'armée.
En 1916, les
fronts étaient gelés. De plus en plus d'hommes étaient mobilisés. J'avais un
ami. Il me faudra, par la suite, parler plus longuement de lui. Pour l'instant,
je ne me souviens pas de son prénom. Son nom de famille était Knopf. Nous
décidâmes de nous engager dans l'armée avant l'appel. Il choisit l'intendance
et fut tué dans un accident. Je choisis le bataillon Luftschiffer où l'on
s'occupait des zeppelins qui, à vrai dire, jouèrent un rôle négligeable dans la
guerre.
Le sergent de
mon peloton m'avait à la bonne. Je l'impressionnais parce que j'étais étudiant
en médecine : « De toute manière, vous ne serez pas longtemps ici, vous allez
être transféré dans le service de santé. » Mais je lui en imposais davantage
par mes capacités de tireur. Quand le capitaine vint nous inspecter, il me fit
mettre en position de tir. A vrai dire, si, en position couchée avec appui, je
suis bon tireur, en revanche je manque de stabilité en position debout.
La chose la
plus désagréable se produisit avec notre lieutenant. Pour aider à financer la
guerre, l'empereur avait lancé un slogan : « J'ai donné de l'or pour avoir de
l'acier. » On nous promit un jour de permission pour chaque pièce d'or que nous
apporterions. Je finis par réunir quatre pièces d'or de 10 Marks. Quand je
demandai ma permission, on me renvoya au lieutenant qui me répondit : « Pas
d'impertinence, espèce de cochon ! Vous devriez être heureux de servir la mère
patrie ! Demi-tour ! Marche ! » J'ai eu plusieurs rencontres de ce genre avec
des officiers allemands. Il n'y a aucune race au monde qui puisse égaler cette
arrogance à monocle.
Je trouve
cette histoire de guerre fatigante et rasoir. Si seulement quelque chose
d'intéressant pouvait surgir ! Un peu de théorie, un peu de poésie, mais je
m'en tiens à ma promesse de n'écrire que ce qui se présente. Après tout,
personne ne peut déterminer l'ordre dans lequel sa merde va sortir.
Cependant, il
y a une loi et un ordre dans la nature. Les excréments proviennent de
l'accumulation des surplus inutilisés ou inutilisables de notre nourriture, et
ils sortent plus ou moins dans le même ordre qu'à l'ingestion. La différence
entre ce qui est consommé et ce qui est expulsé est utilisée par l'organisme
pour se nourrir. Elle a été assimilée : elle est devenue partie du Soi. La
transition de la Z.E. à la Z.M. a été accomplie.
L'une des
raisons qui font que le système freudien ne peut fonctionner, c'est l'omission
du fait de l'assimilation. Freud ne sort pas de la mentalité des cannibales qui
s'imaginent que manger un guerrier brave va leur donner du courage.
Freud a une
zone orale et une zone anale, et rien entre.
Je me suis
levé tôt, je relis ce dernier passage. « Ça » ne me plaît pas. C'est rasoir à
lire comme un devoir de classe : zone orale et anale — rasoir, rasoir, rasoir !
Pourquoi ne pas dire simplement : « Freud, vous avez une bouche et un trou du
cul. Et une grande gueule ! Et moi aussi. Et vous êtes un trou-du-cul, et
moi aussi. Quels cons nous sommes à nous prendre tellement au sérieux !
Comme si l'humanité attendait après nos belles théories ! »
Voilà. C’est tout pour le moment comme
dans les séries télé américaines ou les romans-feuilletons du dix-neuvième
siècle. Amitiés à tous.