Compte rendu du livre
Ma voix t’accompagnera, Milton H.
Erickson raconte
par Sidney Rosen
Aujourd'hui : mes anecdotes préférées
Jour 2
Bonjour,
Je voudrais
d’abord vous présenter les trois anecdotes les plus importantes pour moi dans ce livre, qui me servent pendant
ma journée, qui sont souvent présentes à mon esprit : ce sont « J’avais tant
appris », « Neige légère », « Il parlera ». Toutes les
trois bizarrement font partie du chapitre 3 « Faire confiance à
l’inconscient ». Je me suis rendu compte beaucoup plus tard qu’avant de lire
Erickson, je ne faisais confiance qu’à mon conscient, ce qui est très mauvais
et très stressant pour ma personne, et ce qui est le comble pour un hypnotiseur
qui normalement travaille essentiellement avec l’inconscient de la personne
hypnotisée. Ces anecdotes ont donc été un pas décisif pour moi.
La première
« J’avais tant appris »
nous montre Erickson arrivant à l’Université d’Oswego à New York et Estabrooks,
un professeur, lui disant qu’il est programmé pour faire une conférence le
soir-même. Or, notre psychiatre n’a rien préparé. Voilà ce que nous dit
Erickson : « Il devait y avoir une nombreuse assemblée et j’avais une
foule de choses à faire, sans aucun rapport avec mon propos, avant de me rendre
à la salle de conférence. Je me suis pourtant fait aucun souci, parce que je
savais que je pourrai parler, penser, et que j’avais tant appris au fil des
ans. » C’est donc autour d’une confiance totale dans la mémoire à long
terme et dans les connaissances inconscientes mises en réserve qu’Erickson
modèle son récit. Il avait l’habitude de comparer l’inconscient avec un
réservoir énorme, très utile et très positif, un lieu de stockage des
connaissances, pouvant être restituées après bien des années. Personnellement,
je me sers de cette anecdote chaque fois que je suis pris de court, soit dans
mon travail, soit dans ma vie quotidienne. Elle m’aide à lever mon blocage et à
faire venir à la rescousse mes capacités inconscientes. Elle m’apprend surtout
à rester zen !
La deuxième
anecdote « Neige légère »
est encore plus incroyable en ce qui concerne l’inconscient. Je vous la
transcris in extenso car elle a une valeur spéciale, comme celle d’une formule
magique (et d’ailleurs c’est de la magie !) : « Au village de Lowell
(Wisconsin), la première neige de l’automne tomba le 12 novembre, peu avant
quatre heures de l’après-midi. Et un gamin, assis sur la troisième chaise du
troisième rang, à droite près de la fenêtre, se demandait combien de temps il
en aurait le souvenir.
Je me demandais
vraiment…
Je savais
exactement… Je savais que c’était le 12 novembre de l’année 1912. C’était une
neige très légère. »
Tout cela
est incroyable de précision. On se demande si Erickson ne ment pas ou s’il ne
s’illusionne pas lui-même. Ou alors on pense qu’il s’auto-hypnotise. En fait, j’ai
constaté que, sous hypnose, beaucoup de sujets avaient une mémoire phénoménale
et pouvaient se souvenir d’une plaque de voiture entr'aperçue il y a dix ans.
Mais ceux qui sont bien connectés avec leur inconscient (et Erickson fait
partie de ceux-là) peuvent faire des choses incroyables eux aussi. J’ai vu à la
télévision l’auteur de romans policiers et ancien flic de grand renom, Roger
Borniche, décrire des scènes d’arrestation ayant eu lieu il y a plus de vingt
ans, avec un luxe de détails, des précisions horaires incroyables sans l’aide
d’aucune note, comme s’il avait une mémoire absolument photographique et totale
de ces instants racontés. Me rappeler cette histoire m’aide beaucoup par
exemple quand je dois me remémorer quelque chose dans la vie quotidienne ou
dans mon travail.
La troisième
anecdote est totalement différente. Elle aborde la thématique du regard de
l’autre, du regard bienveillant de celui-ci ou de celle-ci, qui nous donne ce
que peut-être nous ne pourrions avoir tout seul, la confiance en nous. Elle est
intitulée : « Il parlera ».
Là encore, je vais la retranscrire intégralement parce que cette histoire signifie non seulement par son contenu, mais aussi par son style, sa narration, sa façon
de persuader (rappelons qu’elle est la plupart du temps adressée à un patient en état d’hypnose, donc d’inconscient à inconscient) :
« Beaucoup
de gens se tourmentaient parce qu’à l’âge de quatre ans, je ne parlais pas,
alors que ma sœur plus jeune de deux ans parlait, et elle parlait, mais elle
n’avait jamais rien dit. Et tout le monde se désolait parce que j’étais un
garçon de quatre ans qui ne pouvait pas parler.
Ma mère
disait tranquillement « Le moment venu, il parlera. » »
Remarquez
les répétitions hypnotiques du verbe « parler », typiques de la
technique d’Erickson.
Sidney Rosen
interprète cette histoire en écrivant qu’Erickson a la conviction qu’on peut
faire confiance à l’inconscient pour produire les réponses appropriées au
moment voulu. Raconter cette histoire à un patient qui vient juste de commencer
l’expérience de la transe hypnotique peut l’encourager à attendre patiemment le
moment où l’impulsion à parler émergera…
J’explique cette anecdote d’une autre façon. Dans votre vie, il est déterminant que des
gens croient en vous, à votre talent, à la puissance de votre inconscient. Si
ce ne sont malheureusement pas vos parents, comme la mère d’Erickson (comme ce
fut mon cas), ce peut être un professeur, un ami, votre femme et d’autres
personnes encore (c’est ainsi que je l’ai vécu et que je le vis encore). Cette
confiance inconditionnelle, malgré parfois de mauvais résultats, est
déterminante pour dépasser les obstacles de la vie et quelquefois aller plus
loin que nous-mêmes. Ces gens-là nous créent et nous transforment en mieux que
nous sommes par leur regard intelligent et leur attention toujours
bienveillante. Curieusement, Erickson abordait dans cette histoire, un peu de manière prémonitoire, un concept très en vogue aujourd’hui, celui de la résilience développé par le
psychiatre Boris Cyrulnik. Même si vous avez eu une enfance gâchée, une enfance
martyre, vous pouvez rencontrer un professeur, un adulte ayant à la fois un regard intelligent et indulgent sur votre personne, qui vous
sauve parce qu’il croit en vous, s’occupe de vous et transforme votre vision du
monde et de vous-même : c’est la résilience. Cyrulnik montre dans son
livre Les vilains petits canards que, même certains des enfants enfermés dans les orphelinats de Ceausescu en
Roumanie, dans des conditions extrêmement dégradantes, ont pu avoir accès à la
résilience. Les statistiques ont mis en évidence que ceux-ci ont eu une vie normale,
comme des enfants qui auraient été encouragés par la confiance de leurs
parents.
Je me sers beaucoup de cette histoire quand je suis au travail ou que j’écris, et
que j’ai un moment de blocage. Je pense à ceux qui croient en moi et qui
m’aiment, qui croient et qui ont cru que « le moment venu, je
parlerai » (à remarquer aussi que ce moment n’est pas déterminé à l’avance
par la société ou par d’autres individus mais qu’il dépend de la maturation de
la personne, donc de quelque chose à la fois strictement intime et progressif
qui peut être d’une durée très variable).
C’est tout pour aujourd’hui. La suite au prochain numéro ! Ce sera le chapitre 2, « histoires motivantes » (le
chapitre 1, « changer l’inconscient », trop difficile et trop technique, étant conservé pour une étude
ultérieure).
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