Sur la mémoire et la mnémotechnie,
compte rendu du livre
de Benoît Rosemont
Chapitre 6, Principes de la mnémotechnie :
Aristote
Aristote a exposé sa théorie sur la mémoire
dans un ouvrage intitulé De anima.
Selon lui, les perceptions données par les cinq sens sont d’abord traitées par
la faculté de l’imagination. Les images ainsi formées deviennent le matériau de
la faculté intellectuelle. C’est sur la formation de ces images que s’appuie la
mnémotechnique. L’imagination est l’intermédiaire entre la perception et la
pensée, d’où son importance. Ainsi, alors que toute connaissance dérive, en
dernière analyse, d’impressions sensorielles, ce n’est pas sur cette matière
brute que la pensée travaille, mais seulement une fois que ces impressions ont
été traitées ou absorbées par la faculté imaginative.
C’est pour cela qu’un bon mnémotechnicien est
avant tout capable de générer des images inventives et efficaces.
Lorsque vous chercherez une image, dites-vous
que la première est la bonne… sauf si elle est trop évidente. En effet, si elle
est trop évidente, elle passera pour ordinaire et marquera moins la mémoire. En
revanche, si elle est spontanée, c’est qu’elle est logique et qu’elle vous
guidera naturellement. Il faut bien peser ces deux critères lorsqu’on crée une
image mnémonique.
Les débuts pourront vous sembler laborieux,
tout dépend de l’utilisation actuelle que vous faites de votre imagination. Ce
qui est certain, c’est que plus vous ferez appel à elle, plus elle se
développera, et votre capacité à mémoriser aussi.
D’une manière générale, il faut retenir
deux principes : l’association et l’ordre. L’association, selon Aristote, se
produit du fait de trois éléments : la ressemblance, la différence ou la
contiguïté. Il y introduit la méthode des lieux de mémoire pour illustrer les
remarques qu’il fait sur l’association et l’ordre dans le processus du
souvenir.
Benoît Rosemont a isolé de la pensée de
ce philosophe six principes sur la mémoire :
Pour associer deux images, il faut
qu’elles n’en forment plus qu’une. Il est impératif de prendre la première, puis
de prendre la seconde et de créer une nouvelle image à partir de ces deux-là.
Pour cela, il faut les modifier. Je vais en donner un exemple très concret
après avoir passé en revues les six principes pour la mémoire.
Pour bien
marquer l’esprit, mettez vos images en mouvement, créez des actions. C’est plus
mémorisable qu’une représentation statique.
Placez vos images dans un contexte
précis. Il faut qu’elles racontent une histoire. Cela vous prendra du temps au
début, mais avec l’entraînement, cela viendra naturellement et rapidement.
N’hésitez pas à déformer les images, les
agrandir exagérément, jouer sur le surnombre. Tout ce qui sort de l’ordinaire
se retient mieux. Plus l’image est incongrue, mieux elle sera retenue.
Concevoir,
mais voir ! Il ne faut pas se contenter de concevoir les images, mais il
faut les voir. Lors de vos premiers exercices, prenez le temps de fermer les
yeux quelques instants, et de voir sur le tableau noir de vos paupières les
images que vous formez.
Il faut que
tout cela vous soit personnel, c’est pour cela que, même s’il est plus facile
de choisir les images que je vous suggère, il est préférable que vous fassiez
l’effort de créer les vôtres. Relisez au moins trois fois ce principe !
Pour que vous compreniez
bien la méthode d’association de deux images, nous allons faire un petit exercice
entièrement pratique. Il s’agira pour nous (vous et moi) d’associer l’image
d’un « hérisson » avec celle d’une « H.L.M. ».
D’abord, voyons ce qu’il
ne faut pas faire :
Imaginer le hérisson à
côté de la H.L.M. car il est trop petit et deviendrait invisible.
Poser le hérisson sur la H.L.M., car vous vous souviendriez qu’il y a
quelque chose sur l’immeuble, mais vous ne sauriez pas quoi.
Maintenant, construisons ensemble une association durable entre les
deux images que nous avons choisies en respectant un certain nombre de règles :
Le hérisson doit courir dans la H.L.M. (un peu à la manière d’un dessin
animé, quand le chat et la souris se coursent dans la maison en passant par
toutes les portes du couloir) : une image en mouvement se mémorise mieux, c’est la première règle.
Il y a le feu dans l’immeuble, c’est pour cela que tout le monde court :
une image chargée émotionnellement, dramatique,
se retient mieux, c’est la deuxième règle.
Il y a plein de hérissons, et ils sont de la taille d’un chien !
En plus, ils savent grimper aux murs. Ici trois principes : premièrement,
une image à personnages multiples se
grave mieux dans l’esprit, en deuxième lieu une image grandiose, gigantesque, impressionne plus la
mémoire, et, pour finir, une image étrange, impossible, inattendue s’incruste définitivement dans notre
cerveau.
Définissez vous-même la quatrième règle. C’est à vous de travailler, de
faire marcher votre imagination. Vous le pouvez. Tout le monde le peut.
Notre image finale sera
donc une H.L.M. où il y a le feu, où courent des hérissons gigantesques qui
peuvent, soit grimper aux murs, soit pointer leur tête aux fenêtres pour
essayer d’échapper à l’incendie. Vous verrez que vous n’oublierez jamais cette
image mentale.
Mais vous vous dites
peut-être qu’il faut beaucoup d’imagination pour créer ces images et vous
pensez ne pas l’avoir. Je peux vous affirmer que tout le monde fait des
progrès, cependant il faut travailler régulièrement. Benoît Rosemont a fait des
exercices de mnémotechnie tous les jours pendant quinze ans. Personnellement,
j’ai commencé ces exercices d’associations d’images en apprenant ma table de
rappel en 1983 (nous verrons cette méthode géniale qui permet de retenir des
dizaines de mots par cœur dans mes prochains articles) et c’est en travaillant
que j’ai développé mon imagination (en même temps d’ailleurs que ma créativité).
En résumé, le point
primordial est de marquer l’esprit en exagérant les associations, en les
rendant uniques, en y mettant une émotion intense. Vous vous souvenez
probablement de beaucoup de détails liés à la naissance de votre premier enfant
ou alors au décès d’un proche. Vous vous rappelez le temps qu’il faisait, la
couleur de votre tenue…
Le 11 septembre 2001,
lorsque les avions se sont écrasés sur les tours à New York, où étiez-vous ?
La plupart d’entre nous est capable de le dire avec précision. Je m’en souviens
parfaitement : j’étais à Radio France ; la nouvelle a fait l’effet
d’un coup de pied dans une fourmilière. Tout le monde courait partout et
j’attendais bêtement tout seul pour une interview. Pourquoi je m’en souviens,
pourquoi vous vous en souvenez, c’est parce que nous avons eu l’occasion de
faire un lien fort. Une intense émotion à la fois d’horreur et
d’incompréhension a été générée en nous, qui nous a marqués profondément et a fait
que nous nous ressouviendrons toujours de ce jour tragique dans ses moindres
détails.
Le processus sera le
même avec les exercices de ce blog : il faudra que vous formiez des images
uniques avec une émotion intense. Si l’image qui vous vient à l’espritvous
dérange, vous heurte dans votre sensibilité, alors vous vous en souviendrez.
N’oubliez pas que vous êtes seul à savoir ce que vous pensez. Donc, libérez-
vous !
Plus il y aura
d’émotions liées à vos images, plus il y aura de liens créés, donc plus les
images seront codées dans votre mémoire. Et plus le codage créé dans votre
mémoire à court terme sera riche, plus vous aurez de moyens pour retrouver
l’information dans votre mémoire à long terme.
Voilà, c’est tout pour
aujourd’hui. La suite au prochain numéro !
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