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La mémoire au quotidien de Vincent Delourmel)
Chers amis,
Nous allons aujourd’hui apprendre
comment mémoriser une chaîne d’objets. Cette méthode vous servira pour de
nombreuses tâches dans votre vie quotidienne : vous souvenir de ce que
vous devez faire en rentrant chez vous ou à l’inverse ce que vous ne devez pas
oublier en arrivant sur votre lieu de travail, la liste de vos courses, etc.
Mais avant tout, révisons un peu
ce que nous avons appris dans le dernier article sur la mémorisation des noms
de famille. Si l’on veut récapituler ce que nous avons vu ensemble, il existe
au quotidien des petites astuces pour mieux retenir ce type d’informations.
1) Quand on vous présente une
personne, prêtez l’oreille à son nom
avec une écoute active.
Cela peut paraître un conseil inutile mais, par exemple dans une
soirée, notre attention est incroyablement dispersée par l’environnement
présent : musique, nouveaux invités ou présence de visages connus. En même
temps, nous nous interrogeons sur le menu du repas, si notre tenue est adaptée,
etc. Bref, de nombreux facteurs nous distraient et on vient nous présenter une
personne importante dont on entend à peine le nom. Alors deuxième
conseil !
2) N’hésitez pas à faire
répéter le nom de famille de la personne. Pendant le temps où vous ferez
redire le nom, adoptez votre démarche mnémotechnique, observez l’individu qui
est en face de vous, cherchez le détail physique qui vous servira de crochet
mnémonique. Et faites-le, même si vous avez bien compris la première fois, sous
le prétexte par exemple qu’il y avait trop de bruit. Pensant que vous n’avez
pas compris, la personne répétera alors son nom plus lentement, ce qui vous
permettra, après avoir, dans le premier temps, noté le détail physique, de
créer l’image à partir de son nom. D’un point de vue pratique, vous devez, à la
suite de cette répétition, avoir fini de créer votre image. Si ce n’est pas le
cas (ce qui sera fort probable au début), ne paniquez pas. N’oubliez pas votre
mémoire naturelle (en dehors de toute mnémotechnie) : vous pouvez retenir
simplement le nom quelques minutes et former l’image ensuite, en vous mettant
quelques instants en retrait si, par exemple, vous êtes dans une soirée. Je
sais par expérience que beaucoup de personnes hésitent à faire répéter un nom
pour diverses raisons psychologiques ou sociales (peur de paraître inattentif,
malpoli… ou stupide !). En fait, c’est l’inverse qui se passe.
Personnellement, je l’avoue, je fais toujours redire, même à des amis, la
phrase qu’ils viennent de prononcer (donc bien plus qu’un simple nom de
famille) si, pour quelque raison que ce soit, je ne l’ai pas comprise.
Apparemment, personne ne m’en a tenu rigueur et, d’une façon générale, je
comprends mieux la pensée de mon interlocuteur que quelqu'un qui ne lui
demanderait pas de répéter. Et même, je suis persuadé, à l’inverse de la pensée
générale, que beaucoup de gens ne prennent pas cela pour un signe de
distraction, mais au contraire pour une marque d’attention, de désir de
compréhension de leur univers.
3) La troisième étape paraît un
peu stupide mais elle est nécessaire. Répétez-vous de nombreuses fois pour
vous-même le nom de la personne.
On ne le martèlera jamais assez. Quatre-vingt-dix pour cent de la
mémoire vient de la répétition. Mais surtout, le fait de dire ce nom à maintes
reprises sera l’occasion aussi de visualiser à chaque fois les images que vous
avez créées, peut-être même d’y ajouter de nouvelles connexions sensorielles.
4) Dans les conversations qui
suivront la rencontre, redites autant de fois que vous pouvez le nom que vous venez
d’apprendre.
En plus, à chaque fois que vous
répétez le nom, profitez-en pour replacer la personne dans un contexte plus
général, dans l’environnement où vous l’avez connue. Ainsi le souvenir du lieu,
de l’ambiance lumineuse, tout cela contribuera à vous guider ultérieurement
dans votre mémoire vers le nom de la personne !
Mais passons maintenant à la
mémorisation d’une chaîne d’images. Imaginez que vous voulez retenir cette
liste d’objets :
bougie-ballon-table-souris-voiture-montgolfière-abat-jour-saucisse-tabouret-échelle-ordinateur-arbre-chemise-téléphone-mappemonde-poule-lune-carton-pince
à linge-lunette.
Il n’y a absolument aucun lien
entre eux et, si vous essayez de les mémoriser sans faire appel à des astuces
mnémotechniques, vous en retiendrez sept en moyenne. C’est le phénomène de « l’empan
mnésique » dont j’ai déjà parlé dans un article précédent : des
expériences statistiques, menées par George A. Miller en 1956, ont montré que
cette zone de rétention immédiate était à peu près tout le temps et pour tout
le monde de sept éléments mémorisables à la suite (voir l’article de Miller
résumé dans Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Magical_Number_Seven,_Plus_or_Minus_Two).
Pourtant, à la fin de cet
article, vous serez capable de retenir à coup sûr les vingt mots que je vous
propose… et même plus, si vous le voulez. Pour ce faire, nous allons créer une
chaîne d’images. Cela consiste simplement à lier entre eux plusieurs objets qui
se suivent dans le réel et n’ont pas de liens de causalité entre elles (c’est
le premier exercice que j’ai réalisé en mnémotechnie en 1983, en expérimentant
le livre d’Adrien Bullas Un secret magnifique pour retenir toutes les dates). Cet exercice est tout à la fois
simple et périlleux. Il est simple car, du fait du précédent article, vous
maîtrisez déjà la formation des images et les liens. Mais maintenant, ce que
nous allons relier ensemble, dans une histoire très visuelle, constitue une
importante masse d’images. C’est donc un exercice risqué car, si nous en perdons
une, toute la chaîne se casse.
Il est donc très important :
1) De bien former les images :
selon les grands principes déjà vus de la mnémotechnie, suivez les règles
suivantes :
a) Exagérez la situation :
faites une image de taille énorme ou alors double (deux fois le même
personnage) ou bien complètement délirante (vous vous souvenez du pape qui
lançait un ballon de hand-ball dans l’article précédent !).
b) Rendez-la unique, soit triste,
soit joyeuse, soit colorée (qu’elle ait son ambiance sui generis).
c) Mettez toujours du mouvement
dans l’image ou les images que vous avez créées. Elles ne doivent jamais être
statiques mais au contraire très dynamiques.
2) De soigner son lien.
Les images doivent être liées les
unes aux autres avec une forte interactivité. Si vous posez mentalement côte à
côte deux images, vous ne pourrez pas vous souvenir de la seconde. Il faut que
les deux images s’interpénètrent, s’imbriquent. Un exemple concret : si
vous souhaitez lier une bougie et un ballon, ne posez pas le ballon à côté de
la bougie car certes vous vous souviendrez ensuite qu’il y a quelque chose à
côté de la bougie mais vous ne saurez pas dire quoi. Il faut ajouter, à vos
images à retenir, du mouvement et de l’action. Donc visualisez mentalement un
ballon de baudruche proche de la flamme d’une bougie ; ce ballon explose,
propulsant des bouts de latex aux quatre coins de la pièce (vous êtes alors en
mode visuel et très dynamique) et dans un bruit assourdissant (deuxième sens
invoqué, l’audition). Vous pouvez constater que vous avez déjà une petite
histoire où vos deux éléments à mémoriser sont complètements liés, par deux de
vos sens à la fois, et d’une manière amusante. Mais il est possible de créer
une autre anecdote toujours en mouvement avec les mêmes objets : vous
renversez chez vous, sur votre table, une bougie en donnant un coup de pied
dans un ballon de foot-ball, elle met le feu en tombant à la nappe. Pour les
mêmes mots, il peut y avoir plusieurs histoires différentes, au gré de votre
imagination, en suivant toujours la même consigne : créer une situation
dynamique, visuelle, surprenante.
Enfin, si vous souhaitez ancrer
le lien définitivement, vous pouvez lier vos images avec d’autres encore.
Reprenons notre exemple : si 1) la bougie est renversée par un ballon et
2) met le feu à la nappe ; vous avez pour l’instant deux images liées. Quand
ensuite le ballon, après avoir renversé la bougie qui met le feu, continue à
rouler sur la table, tombe sur une souris, vous venez de créer une petite
histoire avec une chaîne d’images fortes : « ballon-bougie-table-souris »
Un petit truc, lorsqu’après, en
parcourant votre chaîne d’objets, vous vous rendez compte qu’un maillon a
disparu, recherchez toutes les images sans tenir compte forcément de leur
ordre. Si vous avez formé auparavant des images incongrues, qui sortent de
l’ordinaire, alors celles-ci devraient revenir à vous spontanément. Une fois
que vous en tenez une, il ne vous reste qu’à remonter la chaîne jusqu’au
maillon manquant pour le retrouver et créer le lien avec le début de la chaîne.
Pour que vous ayez un exemple
détaillé de chaîne d’images qui permet de mémoriser une suite d objets, je
vous propose pour notre liste de vingt mots l’histoire visuelle suivante :
« Sur mon crochet est planté une grosse bougie blanche sur laquelle arrive
un ballon de plage. La bougie est aussi grande que lui et le contact des deux
fait exploser le ballon, dont le souffle est si fort qu’il bascule la table
sous laquelle il se trouvait. Sans doute une table de géant. Sur la table
dormaient une dizaine de souris qui prennent peur et se sauvent. Elles se font
toutes écraser par une voiture qui zigzague et finit sa course sur un tremplin
qui l’expédie en l’air. La voiture traverse alors une montgolfière qui s’avère
être un abat-jour dont le pied est une saucisse (vous le voyez ?). Aucune
lumière ne s’échappe car un tabouret est posé dessus, dans lequel est planté
une échelle qui monte au Ciel où Saint-Pierre nous attend avec un ordinateur
dont l’écran est un amas de racines d’arbres. Au bout de chaque branche pend
une chemise avec, dans la pochette, un énorme cornet de téléphone dont
l’écouteur est en fait une mappemonde. La mappemonde tourne à toute allure car
une poule court dessus, cherchant à attraper la lune dans son bec. La lune se
décroche et tombe dans un carton rempli de pinces à linges qui, de peur,
sautent sur les lunettes que je porte. »
Tout cela peut paraître très
compliqué au départ, à la fois difficile à créer et à retenir, un peu en dehors
du réel, mais ce n’est qu’une question d’habitude : quand vous aurez
imaginé et retenu dix histoires, par exemple pour faire vos commissions, vous
n’aurez plus de problème ni de créativité ni de mémorisation. Comme je le
disais précédemment, la première liste que j’ai mémorisée en 1983 se trouve à
la page 12 du livre d’Adrien Bullas, Un
secret magnifique pour retenir toutes les dates (je vous recommande
chaudement la lecture de cet excellent petit livre) et j’en ai retenu des
dizaines depuis ce temps.
La seule recommandation que je
puis à présent vous donner est de, chaque fois que vous créez une histoire
mnémotechnique, réviser à plusieurs moments dans la journée : en marchant
dans la rue, lors d’une pause-café, dans la salle d’attente de votre médecin ou
de votre dentiste, chez votre épicier préféré dans la file d’attente, etc.
Voilà. C’est tout pour
aujourd’hui. La suite des conseils sur la mémoire au prochain numéro comme dans
les romans feuilletions du dix-neuvième siècle ou dans les séries américaines
de maintenant. Amitiés à tous !