La chute d'Icare dans ce tableau de Breughel l'Ancien représente notre chute hors du monde quand viennent la douleur psychique et de la dépression
Lors de pertes, de manques ou de deuils, la douleur prend
toute la place dans notre esprit. Mais en même temps, le problème est que la
douleur est reliée à ce que nous avons perdu, et ne plus souffrir c’est perdre encore
plus (l’être cher, nos passions, notre travail).
En réagissant ainsi, en tentant de ne plus souffrir, en nous
repliant sur nous-mêmes, notre mal et nos souvenirs, nous sommes en danger,
nous sortons du monde (cette solitude que nous recherchons alors va accroître
nos problèmes du fait de la rumination de pensées négatives et développer éventuellement
notre dépression).
Comme je l’ai mentionné dans un précédent article, il faut
faire en sorte que la douleur ne soit pas seule dans notre esprit, que toute
notre attention ne soit pas focalisée et recroquevillée sur elle mais que d’autres
éléments existent aussi dans notre conscience. Pour cela, il faut essayer de
pratiquer la méditation sur le souffle (le mieux est de l’avoir expérimentée
chaque jour avant que ne vienne la douleur, afin qu’elle devienne presque un
automatisme). Elle nous permet de nous relier à notre corps, de sentir que nous
continuons à exister, malgré cette douleur qui est insupportable, et de
comprendre qu’un jour, on ne sait pas quoi ni quand, un évènement viendra qui
nous fera progresser et changer.
La solitude de la souffrance est certes réelle et absolue :
personne ne peut souffrir à notre place, personne ne peut prendre un gramme de
notre douleur. Alors est-ce impossible de nous aider ? N’y a-t-il aucune
consolation possible ?
Non, c’est plutôt que, quand notre souffrance est très intense,
que nous sommes profondément immergés dans la dépression, nous ne voulons pas
écouter les consolations des autres. Pourquoi ? Parce qu’à l’avance, nous
sommes persuadés qu’elles ne servent à rien. C’est vrai qu’elles ne servent à
rien si ce que nous voulons, c’est que tout revienne comme avant, que le
problème disparaisse, que personne ne nous ait offensés, que l’accident n’ait
pas eu lieu et que les morts revivent. Si ce que nous voulons est une réparation, la consolation ne sert à
rien. Mais, si nous arrivons à comprendre que toute réparation est impossible
et qu’il n’y a pas de solution à notre souffrance, alors la consolation, si nous
arrivons à l’écouter, nous apprendra autre chose : qu’il continue d’exister,
à côté de nos souffrances, une vie prête à nous accueillir.
Et si nous faisons ces efforts, nous découvrirons que,
derrière les consolations, il y a la compassion. Elle n’est pas un médicament
de la catastrophe, juste une bouée, un encouragement à vivre malgré tout. Mais,
surtout, elle élargit notre conscience au fait qu’il y aussi de l’amour et de l’affection
autour de nous. Elle nous délivre un message très humble : parfois tout ce
qui reste possible à nos proches, c’est l’impuissance et la présence. Ils sont
impuissants à réparer mais présents pour nous rappeler de rester vivants et
humains, de ne pas nous durcir, de ne pas nous détruire, de ne pas quitter le
monde.
C’est pourquoi, pour moi, la deuxième méditation, complémentaire
avec celle du souffle, est celle de la compassion (metta-bhavana) : dans
celle-ci, en premier lieu nous essayons en pensée et en ressenti d’avoir de la
bienveillance, de l’amour pour nous-mêmes avant de l’éprouver pour d’autres êtres
humains : un ami, une personne neutre, une personne difficile. D’une
certaine façon, avec cette méditation, nous sommes présents à nous-mêmes, mais sans
trop de douleur, sans colère, sans haine, sans tristesse, seulement avec au
début un petit peu de bienveillance pour nous-mêmes et pour le monde.
Voilà. C’est
tout pour aujourd’hui. Je continuerai la prochaine fois ce compte rendu du livre
de Christophe André Méditer, jour après jour.
Amitiés à tous.
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