Sans commentaire.
« Je peux parler
indéfiniment car je n’ai pas d’enseignement. » Osho.
Aujourd’hui, un sujet complètement différent. Je vais aborder une
des méthodes les plus actuelles de psychothérapie, la Gestalt-thérapie, à
travers le livre de Frederick Perls, Paul
Goodman et Ralph Hefferline, Gestalt thérapie. Cet article est la suite de celui-ci.
Troisième partie du chapitre 7
« Bavardage et poésie ».
Quand il est séparé de son usage
en tant qu'instrument en situation sociale, ou de ses propres règles en tant
qu'activité poétique vitale, le langage est facilement le reflet de toute et
n'importe quelle expérience. Il est facile pour quelqu'un de se tromper sur ce
qu'il sent, ou même fait, lorsqu’il parle de ses sentiments ou de ses actions,
ou même simplement qu'il les « pense ». Le bavardage sert aisément de substitut
à la vie. C'est un moyen tout prêt par lequel une personne étrange que l'on a
introjetée avec ses croyances et ses attitudes peut vivre à notre place. (Le
seul inconvénient est que la mise en mots du repas ou de la rencontre ne donne
pas de la nourriture ni du plaisir sexuel, etc. !) Ainsi, pour en revenir à une
discussion antérieure, tout ce qui se présente comme réminiscence ou projet
n'est pas réellement souvenir ou anticipation, qui sont des formes de
l'imagination, mais c'est une histoire qu'avec la conception qu'on a de
soi-même on se raconte à soi-même. Le plus souvent, l'indignation a peu de
choses à voir avec la colère ressentie, le jugement avec la mesure rationnelle,
mais ce sont les voix de papa et de maman qui s'exercent.
Ce n'est pas tant ce que dit
celui qui parle que comment il le dit qui est important. Dans l'usage des trois
pronoms personnels « je », « tu » et « cela », le locuteur manifeste une
rigidité, une fixation ou un stéréotype qui ne prélèvent qu'une maigre partie
des possibilités de la situation réelle. Partie cependant suffisante pour
maintenir une façade sociale et éviter l'anxiété et l'embarras du silence, de
la révélation ou de l'affirmation de soi ; suffisante aussi pour épuiser
l'énergie du discours de telle sorte qu'on n'entende pas les scènes inachevées
et subvocales qui pourraient, sinon, devenir bruyantes. Au lieu d'être un moyen
de communication ou d'expression, le bavardage protège l'isolement de
l'individu à la fois de l'environnement et de l'organisme.
Le manque de contact avec le « Je
» est souvent observable de manière spectaculaire dans la division du corps :
entre, d'une part, une bouche qui émet des sons, avec des lèvres et une langue
rigides et rapides et une vocalisation insonore et, d'autre part, tout le reste
du corps qui est tenu à distance, désinvesti. Parfois les yeux et quelques
gestes des poignets ou des coudes viennent s'ajouter à la bouche qui parle ;
parfois aussi un œil, même si l'autre est vitreux, questionne ou désapprouve le
bavardage ; parfois encore le visage est divisé en deux moitiés. Les mots
viennent en reproche qu'il aurait déjà dû prononcer. Il exploite désormais
librement le besoin organique sous-jacent et il trouve les mots. Par
conséquent, nous devons remarquer précisément ce que sont les « Je », « Tu », «
Cela » du poète dans sa réalité du moment. Son « Tu », son audience, n'est pas
une personne visible ni le public en général mais « une audience idéale » ; il
ne s'agit que de supposer l'attitude et le caractère qui seront appropriés (choisir
un genre et une diction) et permettront au discours inachevé de s'écouler avec
force et précision. Son contenu n'est pas une vérité du présent de l'expérience
qui doit être transmise mais le poète trouve dans l'expérience, le souvenir ou
l'imaginaire un symbole qui, en fait, l'excite sans qu'il ait (ou que nous
ayons) besoin d'en connaître le contenu latent. Son « Je » est le style dont il
fait usage dans le moment, ce n'est pas sa biographie.
En même temps que se forment les
mots manifestes, le poète est capable de maintenir une conscience silencieuse
de l'image, du sentiment, du souvenir, etc., ainsi que de pures attitudes de
communication sociale, de clarté et de responsabilité verbale. Ainsi, au lieu
d'être des stéréotypes verbaux, les mots sont plastiquement détruits pour être
combinés en une figure plus essentielle. La poésie est donc l'exact opposé du
bavardage névrotique, car elle est langage en tant qu’activité organique de
résolution de problèmes, elle est une forme de concentration. Au contraire, le
bavardage est un langage qui tente de dissiper l'énergie dans la parole, qui
réprime le besoin organique et qui répète une scène subvocale inachevée au lieu
de se concentrer dessus.
D'un autre côté, la poésie se
distingue du discours ordinaire de bon contact (la bonne prose
conversationnelle, par exemple) mais est une des catégories de la même classe :
un poème ne peut résoudre un problème que si ce problème peut n'être résolu que
par la seule invention verbale, alors que la majorité des paroles survient dans
des situations où la solution nécessite aussi d'autres sortes de comportement,
une réponse de celui qui écoute, ainsi de suite. Il s'ensuit que dans la
poésie, où toute la réalité doit être véhiculée par la parole, la vitalité du
discours est accentuée : il a plus de rythme, il est plus précis, plus chargé
de sentiments, plus imagé, etc. Plus important encore, un poème a un début, un
milieu et une fin ; il achève la situation. D'autres paroles-contact peuvent
être plus sommaires et plus approximatives ; elles peuvent s'appuyer sur des
modes non-verbaux comme les gestes ; elles ont à peine besoin de mentionner ce
qu'il est urgent d'exprimer; elles s'interrompent pour faire place à un
comportement non-verbal.
Voilà. C’est tout pour le moment.
La suite au prochain numéro. Amitiés à tous.
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