mercredi 29 mars 2017

Compte rendu de "L'art et la science de se souvenir de tout" de Joshua Foer (onzième partie).





Mnémosyne, la déesse grecque de la mémoire.


Récemment est paru en livre de poche L’art et la science de se souvenir de tout qui est en fait le même livre que l’ouvrage en grand format Aventures au cœur de la mémoire (tous les deux la traduction de Moonwalking with Einstein). 

Aventures au cœur de la mémoire est un livre référence dans le monde de la mémoire. Il y est question de l’histoire de la mémoire et de la mnémotechnie, de la naissance des Mémoriades, les Championnats du monde de mémoire, en 1991, mais surtout de la manière dont un journaliste indépendant, Joshua Foer, est devenu champion de mémoire des États-Unis en 2006 alors qu’il ne savait même pas ce qu’était une technique de mémorisation un an auparavant ! Cet article est la suite de celui-ci.

Joshua Foer le présente ainsi : « Si tous les autres championnats nationaux, à travers le monde, partagent à peu près le même groupe d'épreuves, les mêmes règles et la même organisation — tous les concurrents, notamment, participent à toutes les manches et les scores sont additionnés à la fin —, le championnat des États-Unis se déroule un peu différemment. Le matin, il y a une série de quatre disciplines classiques sur papier : les noms et les visages, les nombres en cinq minutes, le record de vitesse aux cartes et le poème. La majorité des concurrents ne vont pas plus loin. Seuls les six qui se retrouvent en tête du classement final de ces épreuves reviennent dans l'après-midi, pour s'affronter lors de trois événements éliminatoires un peu particuliers, conçus pour être télégéniques et intitulés, dans leur ordre de déroulement, « Des mots à ne pas oublier », « Trois fautes et adieu la fête » et « Deux jeux et mat ». À la fin de la dernière manche, il ne reste qu'un seul champion des États-Unis debout.

La première épreuve de la matinée était donc celle des noms et des visages. J'y avais toujours eu d'assez bons résultats à l'entraînement. Chaque concurrent se voit remettre un document de plusieurs pages agrafées comportant quatre-vingt-dix-neuf photos de visages accompagnés de leurs nom et prénom. Pour les mémoriser, il faut inventer des images inoubliables qui permettent d'associer solidement les visages aux noms. Parmi ceux de ce jour-là, prenons par exemple « Edward Bedford » : un homme à la peau noire, avec un bouc au menton, au front très dégarni, qui portait des lunettes de soleil et un petit anneau au lobe de l'oreille gauche. Pour associer ce visage à son nom, j'essayai d'abord de visualiser Edward Bedford roupillant comme s'il était au lit à l'arrière d'un pick-up Ford. Jugeant que cette image n'était pas assez marquante, je l'imaginai ayant effectivement transformé sa camionnette Ford en un lit mobile très confortable. Pour me souvenir de son prénom, je plaçai Edward aux mains d'argent, le personnage du film de Tim  Burton, à côté de lui sur le lit — déchiquetant de ses mains-ciseaux les draps et les oreillers en satin.

J'utilisai un truc différent pour me souvenir de « Sean Kirk » : peau d'albâtre, cheveux longs dans la nuque et frangés sur le front, pattes sur les joues et un sourire bizarrement tordu de rescapé d'accident vasculaire cérébral. Je l'associai avec l'acteur Sean Connery et avec le capitaine Kirk de Star Trek, et je les imaginai tous les trois formant une pyramide humaine.

Après nous avoir laissé quinze minutes pour contempler ces visages et ces noms, les juges passèrent dans les rangées pour ramasser les paquets de photos. Ils nous distribuèrent ensuite un autre document de plusieurs pages agrafées qui comportaient les mêmes visages, mais dans un ordre différent. Et sans les noms. Nous avions un autre quart d'heure pour nous souvenir du plus grand nombre possible d'identités.

Au moment où je posai mon stylo et tendis mes feuilles de résultats, j'estimai que mon boulot me placerait à peu près en milieu de classement. Les noms de Sean Kirk et d'Edward Bedford m'étaient revenus sans problème, mais j'avais séché sur la jolie blonde au nom à consonance française et sur une poignée d'autres. Je ne pensais vraiment pas avoir fait un carton. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque j'appris que non seulement j'avais mémorisé et correctement restitué cent sept noms et prénoms différents, mais que ce score me valait en plus une troisième place à l'épreuve — juste derrière Ram Kolli, qui avait retenu cent quinze noms et prénoms, et juste devant Maurice Stoll, qui en avait cent quatre à son palmarès. 

La gagnante était une nageuse de compétition âgée de dix-sept ans, venue de Mechanicsburg en Pennsylvanie, qui s'appelait Erin Hope Luley. Elle avait accompli l'impressionnante performance de mémoriser cent vingt-quatre noms et prénoms — un nouveau record pour les États-Unis et un score, en lui-même, qui pouvait lui valoir le respect des meilleurs Européens. Quand son résultat fut annoncé, elle se leva et agita la main d'un air penaud. Je jetai un coup d'œil vers Ram et le surpris qui cherchait mon regard. Il haussa les sourcils, l'air de dire : "D'où elle sort, celle-là ?".

Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous !

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