Une conférence sur la Gestalt-thérapie.
Des amis m’ont dit que certains concepts
de la Gestalt-thérapie étaient pour eux difficiles à comprendre. C’est pourquoi
j’ai décidé d’entamer une suite d’articles définissant 20 notions de base de la
Gestalt-thérapie selon la classification adoptée par Serge Ginger dans son
livre « La Gestalt, l’art du contact »
Cet article est la suite de celui-ci.
Concept 17 : Implication émotionnelle et corporelle.
Ce jeu des polarités complémentaires
peut être symbolisé par la coopération des hémisphères de notre cerveau. Nous
savons aujourd'hui que, contrairement à une idée encore très répandue, le
cerveau gauche, analytique, rationnel et verbal, n'est pas « dominant » (bien
que ce soit lui qui « prenne la parole ») mais qu'il est sous le contrôle du
cerveau droit, synthétique, émotionnel, imaginaire et non verbal. Perls l'avait
pressenti lorsqu'il nous exhortait à la révolution : « Lose your head, come to
your senses !» (« Quittez votre tête, rejoignez vos sens »).
Nous savons aussi que cet hémisphère
droit, sensible, n'est pas «féminin », comme on l'a longtemps cru, mais
justement masculin (lié à la testostérone).
Les Gestaltistes contemporains ne
suivent plus Perls dans certains excès réactionnels liés à son époque :
échapper à « l'hémiplégie » prônée par notre culture (qui censure et atrophie
notre hémisphère droit), n'implique pas pour autant de «perdre la tête» ou
d'éviter toute réflexion théorique, mais bien au contraire d'unir la tête au
cœur et au corps. Nos deux cerveaux sont complémentaires, comme le sont la
raison et l'émotion, et ce n'est pas un mérite négligeable de la Gestalt que
d'avoir réhabilité la dignité de l'intuition, qui avait été momentanément
éclipsée de l'avant-scène par la percée foudroyante du scientisme du siècle
passé. Tête sans corps ou corps sans tête, est-ce bien là le choix qui nous est
proposé ?
Laura Perls, psychothérapeute musicienne
et danseuse, soulignait sans cesse que « le travail corporel fait partie
intégrante de la Gestalt ». Elle ne craignait pas le contact physique, touchait
volontiers ses clients et les laissait la toucher.
Aujourd'hui, les praticiens sont
partagés — selon leur personnalité, leurs options philosophiques et techniques,
et leur formation initiale. Certains se cantonnent à des échanges verbaux, se
contentant d'évoquer en paroles les
réactions corporelles du client ; tandis que d'autres, dans une mouvance «
néo-reichienne » (disciples de Wilhelm Reich), accompagnent leur client,
l'incitant par moments à mobiliser son corps, à incarner son émotion, voire à expérimenter le contact — tendre ou
agressif — dans un «corps à corps thérapeutique », considérant que ce type
d'interaction mobilise les couches limbiques profondes du cerveau, réveille des
associations archaïques et favorise la réorganisation d'images mentales et de
représentations cognitives et affectives. La pensée n'est plus, en effet,
considérée comme séparée des émotions, pas plus que du corps.
Le débat reste ouvert sur les avantages
et les limites de l'implication corporelle du client et du thérapeute. Le
travail corporel est plus facile à gérer en situation de groupe qu'en relation
duelle — où il peut facilement devenir ambigu. Les contacts physiques sont donc
rares et limités en thérapie individuelle, exceptionnels au début,
n'intervenant éventuellement, par la suite, qu'en fonction de l'évolution de la
cure et avec certains clients seulement. Il va de soi que le thérapeute doit
être sûr de pouvoir contrôler sa propre implication et la limiter strictement à
ce qui peut profiter à son client, la soi-disante « authenticité » des
réactions ne devant pas servir de prétexte à la satisfaction de besoins
personnels, érotiques ou agressifs. Tout travail thérapeutique à implication
corporelle n'est acceptable que s'il respecte un cadre déontologique rigoureux,
sous peine de dérapages préjudiciables, tant à la thérapie du client qu'à
l'image sociale du thérapeute, et à celle de la Gestalt tout entière.
Sur ce point encore, les Gestaltistes
français d'aujourd’hui se démarquent nettement de certaines pratiques
californiennes des années 60 — où le cadre et les limites n'étaient pas
toujours explicitement posés
Voilà. C’est tout pour le moment.
Amitiés à tous.
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