jeudi 16 avril 2020

Extrait de mon livre sur un auteur révolutionnaire « Jean-Patrick Manchette, parcours d’une œuvre » (huitième partie) (La mort de l’amour).





  

Un autre roman de Jean-Patrick Manchette. 


En l’an 2000, j’ai publié un livre sur un auteur « révolutionnaire », Jean-Patrick Manchette.

Face à la crise que nous connaissons aujourd’hui, ses analyses sur notre société me paraissent être totalement d’actualité. Il  décrit des situations analogues à celle que nous vivons en ce moment : nous pouvons craindre la mort de l’amour. Voilà pourquoi, j’ai décidé de partager avec vous l’essentiel de mon étude sur cet écrivain à travers plusieurs articles de ce blog.



«  LA MORT DE L'AMOUR


Jamais sans doute auparavant un auteur de romans policiers n’avait autant abordé le thème de la sexualité, mais chez Manchette ce n’est que pour la dévaloriser et ridiculiser ses personnages. 

L’Amour est totalement absent de ses livres, il n’y a plus qu’une pulsion brutale et instinctive, en général destructrice pour les êtres humains. Ce parti pris thématique a deux fonctions connexes: coller à la réalité qui n’est pas celle décrite dans la littérature classique et faire réfléchir le lecteur au contenu même de ce qu’on désire lui faire croire. 

Trop souvent le roman classique n’est qu’une évasion hors de notre monde, un « opium du peuple » où tout est prétexte à clichés: héros séduisants, relations amoureuses toujours harmonieuses, fins heureuses (ils s’aiment et se marient). Même dans le polar réaliste façon Hammett ou Chandler, le privé est valorisé et a un grand pouvoir de séduction. Manchette ne veut pas de ces stéréotypes et se régale à les détruire. 

Il emploie pour cela quatre axes différents : il décrit l’immoralité et l’indifférence sexuelle de la bourgeoisie, il stigmatise la vulgarité de son langage dans ce domaine ; puis il fait un catalogue de toutes les déviances qui existent dans cette société en déliquescence pour finalement couronner le tout par une constatation de la nullité sexuelle de la plupart de ses héros.

Immoralité et indifférence sexuelle

Luce, la peintre, propriétaire du hameau dans Laissez bronzer les cadavres !, est d’une totale amoralité. Sont invités chez elle pendant les vacances son amant actuel, Brisorgueil, un avocat qui est en fait un truand, et son ancien amant, l’écrivain déchu Max Bernier. Elle fait l’amour sans vergogne avec deux des malfrats, d’abord avec Gros puis avec Rhino, pendant que les autres s’entretuent. En définitive elle ne recherche que le plaisir: pour elle les hommes sont interchangeables. Elle a par le passé organisé des concours de débauche qui se sont terminés tragiquement dans l’indifférence générale.

De même dans La Position du tireur couché, la journaliste italienne, qui a interviewé Terrier, couche avec un mercenaire, indifférente aux combats qui font rage alentour :

« Entre les départs d’artillerie, on entendait quelqu’un pousser des lamentations épouvantables, quelque part dans l’hôtel. Il semblait qu’on torturait un prisonnier. Mais, à mieux écouter, on comprenait qu’il s’agissait de la journaliste italienne qui s’envoyait en l’air avec un type. » (chap. 7)

La seule chose qui semble faire agir de nombreux personnages de Manchette est la jouissance immédiate dans un monde désespéré où l’on peut mourir à chaque instant. Les vieux principes de morale traditionnelle ou bien l’éthique personnelle en sont complètement absents. Les femmes trompent leurs maris ou leurs fiancés officiels (que ce soient Anne Freux ou Alphonsine Raguse), les hommes font de même (Georges Gerfaut). Cette recherche du plaisir peut même aller jusqu’à l’obsession. »


  

Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous.


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