Un autre roman de
Jean-Patrick Manchette.
Face à la crise que nous connaissons
aujourd’hui, ses analyses sur notre société me paraissent être totalement
d’actualité. Il décrit des situations
analogues à celle que nous vivons en ce moment : nous pouvons craindre la
mort de l’amour. Voilà pourquoi, j’ai décidé de partager avec vous l’essentiel
de mon étude sur cet écrivain à travers plusieurs articles de ce blog.
« LA MORT DE L'AMOUR
Jamais sans doute
auparavant un auteur de romans policiers n’avait autant abordé le thème de la
sexualité, mais chez Manchette ce n’est que pour la dévaloriser et ridiculiser
ses personnages.
L’Amour est totalement absent de ses livres, il n’y a plus qu’une
pulsion brutale et instinctive, en général destructrice pour les êtres
humains. Ce parti pris thématique a deux fonctions connexes: coller à la
réalité qui n’est pas celle décrite dans la littérature classique et faire
réfléchir le lecteur au contenu même de ce qu’on désire lui faire croire.
Trop
souvent le roman classique n’est qu’une évasion hors de notre monde, un « opium
du peuple » où tout est prétexte à clichés: héros séduisants, relations
amoureuses toujours harmonieuses, fins heureuses (ils s’aiment et se marient).
Même dans le polar réaliste façon Hammett ou Chandler, le privé est valorisé et
a un grand pouvoir de séduction. Manchette ne veut pas de ces stéréotypes et
se régale à les détruire.
Il emploie pour cela quatre axes différents : il
décrit l’immoralité et l’indifférence sexuelle de la bourgeoisie, il
stigmatise la vulgarité de son langage dans ce domaine ; puis il fait un
catalogue de toutes les déviances qui existent dans cette société en
déliquescence pour finalement couronner le tout par une constatation de la
nullité sexuelle de la plupart de ses héros.
Immoralité et indifférence sexuelle
Luce, la peintre, propriétaire du hameau
dans Laissez bronzer les cadavres !, est d’une totale amoralité. Sont invités
chez elle pendant les vacances son amant actuel, Brisorgueil, un avocat qui est
en fait un truand, et son ancien amant, l’écrivain déchu Max Bernier. Elle fait
l’amour sans vergogne avec deux des malfrats, d’abord avec Gros puis avec
Rhino, pendant que les autres s’entretuent. En définitive elle ne recherche que
le plaisir: pour elle les hommes sont interchangeables. Elle a par le passé
organisé des concours de débauche qui se sont terminés tragiquement dans l’indifférence
générale.
De même dans La Position du tireur
couché, la journaliste italienne, qui a interviewé Terrier, couche avec un
mercenaire, indifférente aux combats qui font rage alentour :
« Entre les départs d’artillerie, on
entendait quelqu’un pousser des lamentations épouvantables, quelque part dans
l’hôtel. Il semblait qu’on torturait un prisonnier. Mais, à mieux écouter, on
comprenait qu’il s’agissait de la journaliste italienne qui s’envoyait en l’air
avec un type. » (chap. 7)
La seule chose qui semble faire agir de
nombreux personnages de Manchette est la jouissance immédiate dans un monde
désespéré où l’on peut mourir à chaque instant. Les vieux principes de morale
traditionnelle ou bien l’éthique personnelle en sont complètement absents. Les
femmes trompent leurs maris ou leurs fiancés officiels (que ce soient Anne
Freux ou Alphonsine Raguse), les hommes font de même (Georges Gerfaut). Cette
recherche du plaisir peut même aller jusqu’à l’obsession. »
Voilà. C’est tout pour le moment.
Amitiés à tous.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire