mardi 22 mars 2022

"Les mémoires d'un fou" de Gustave Flaubert.




Gustave Flaubert.


A toi mon cher Alfred ces pages sont dédiées et données.

Elles renferment une âme tout entière — est-ce la mienne, est-ce celle d'un autre ? J'avais d'abord voulu faire un roman intime ou le scepticisme serait poussé jusqu'aux dernières bornes du désespoir, mais peu à peu en écrivant, l'impression personnelle perça à travers la fable, l'âme remua la plume et l'écrasa.

J'aime donc mieux laisser cela dans le mystère des conjectures — pour toi tu n'en feras pas.

Seulement tu croiras peut-être en bien des endroits que l'expression est forcée et le tableau assombri a plaisir. Rappelle-toi que c'est un fou qui a écrit ces pages, et si le mot paraît souvent surpasser le sentiment qu'il exprime c’est que, ailleurs, il a fléchi sous le poids du cœur.

Adieu, pense à moi et pour moi.


samedi 19 mars 2022

Compte rendu de "Strong Magic" de Darwin Ortiz (première partie)

 


Le livre en question.


Le livre "Strong Magic" de Darwin Ortiz, publié en langue française par le magasin de prestidigitation  Magic Dream, est pour moi un des meilleurs (peut-être le meilleur) qui ait été écrit sur la théorie de la prestidigitation

Assister à un numéro de close-up peut être une expérience tellement mémorable pour le spectateur qu'il s'en souviendra littéralement jusqu'à la fin de sa vie. Si vous pensez que cette idée est ridicule, considérez ceci : vous avez certainement déjà participé à une soirée ou les autres invités apprennent incidemment que vous êtes magicien ; aussitôt quelqu'un vous aborde pour vous dire : « Vous savez, un jour j'ai vu un magicien qui [s'ensuit alors une description vivace, bien qu'inexacte peut-être, d'un tour de magie]. Je ne l'oublierai jamais ! »

Je pense que la plupart d'entre nous ont vécu cette situation plus d'une fois. Souvent, le spectacle évoqué par la personne a eu lieu dix ou quinze ans auparavant, voire plus. Malgré cela, ii a fait une impression telle sur elle qu'il lui a suffi d'entendre le mot « magicien » pour que le souvenir resurgisse et qu'elle ait eu envie de vous en parler.

Chaque fois que je prends un jeu de cartes en main pour faire des tours, mon intention est de produire un tel effet sur les spectateurs que, quand on parlera de tours de cartes ou de tricheries aux cartes en leur présence, ou même chaque fois qu'ils verront simplement un jeu de cartes, ils ne pourront s'empêcher de penser à moi dorénavant. Et je sais que si je fais bien mon tra-vail, c'est exactement ce qui se passera.

Je pense que tous les magiciens qui font du close-up devraient se fixer cet objectif. Pour cela, il faut tout faire pour rendre sa magie aussi impressionnante que possible. De tous les principes de base sous-jacents à ce livre, le plus fondamental est le suivant : la première tâche du magicien est de divertir le public avec sa magie. Non seulement de divertir son public tout en faisant des tours, mais de le divertir avec ses tours. La source principale du divertissement doit être la magie elle-même.

Beaucoup de magiciens semblent hélas ne pas croire que la magie seule suffit à divertir les profanes. Ils pensent que, pour les captiver, ils doivent assaisonner leur spectacle de plaisanteries éculées qui feraient honte à un comique troupier. Ils croient que l'expression « magie commerciale » s'applique à une série de gags et de tours qui ne durent pas plus de dix secondes chacun et qui sont plus drôles que mystérieux, mais dont l'existence est justifiée par les rires des spectateurs (ceux qui ne lèvent pas les yeux au ciel). Le résultat est comparable à une rediffusion a la télé d'un épisode de la série inepte Shérif, fais-moi peur : ça fait passer le temps, mais sitôt vu, sitôt oublié !

jeudi 17 mars 2022

Compte rendu du livre "Ceci n'est pas un lapin" par Stephen L. Macknik, Susana Martinez-Conde et Sandra Blakeslee (première partie).


Le livre en question.



Trois scientifiques américains, Stephen L. Macknik, Susana Martinez-Conde et Sandra Blakeslee,  ont consacré un livre à la théorie de la prestidigitation, principalement en interviewant des magiciens célèbres. 

Nous avons constaté que les magiciens — comme chacun d'entre nous dans notre travail — font souvent des erreurs. Mais les spectateurs ne le remarquent  généralement pas. Les magiciens le savent, ce qui leur donne le courage de continuer, même en cas d’erreurs de logique flagrantes. Et la principale caractéristique d'un bon magicien est précisément sa capacité à se remettre en scène avec aisance et sans rien laisser paraître après un incident. Le magicien Mac King nous a raconté un exemple très drôle de ce type de situation, qui lui est arrivé au début de sa carrière. Un de ses tours spécifiques consiste à retirer un poisson rouge de sa bouche et à le mettre dans un verre d'eau tenu par un des spectateurs.

« Ne vous inquiétez pas, dit-il, le poisson n'est pas là pendant longtemps — seulement quelques secondes — sinon il ne survivrait pas à la salive et la chaleur de ma bouche.»

Mais la première fois que Mac présenta ce tour avec un volontaire, il commença à s'étouffer quand « ce petit poisson décida de s'engouffrer dans ma gorge. J'ai essayé de le recracher. Puis je me suis retourné et j'ai rejeté des morceaux du sandwich que j'avais mangé le midi, et le poisson dans la valise que je garde toujours sur la scène. Le spectateur à côté de moi a exprimé son dégout, mais personne d'autre n'a réagi. Je garde toujours un autre poisson dans ma valise, j'ai repris mes esprits et ai terminé le tour.» Les yeux de Mac s'agrandissent. «Plus tard quelqu'un m'a demandé si j'avais vomi sur scène. Or tout le monde l'avait vu. C’est bizarre. Je me demande ce qui se passe dans la tête des gens. »

La morale de l'histoire, c'est qu'il faut continuer à avancer, ne jamais s'arrêter après une erreur. Même si les magiciens font des erreurs tout le temps, ils les laissent derrière eux, continuent et généralement les spectateurs ne les remarquent pas. Vous devriez faire pareil. Comme un magicien, faites comme s'il ne s’était rien passé, et, la plupart du temps, personne ne remarquera votre erreur. Ne vous en faites pas. Ne soyez pas embarrassé. Remettez-vous au mieux et remettez un nouveau poisson dans votre bouche, celui que vous gardiez dans votre valise, en cas de problème !