Dans l’étude
de Borges, 14 pages sont consacrées au bouddha légendaire et 4 au bouddha
historique. Dans mon article de présentation du bouddhisme, je n’avais même pas
présenté cette légende. C’est une question de perspective. Toute sa vie, sans
vraiment se l’avouer, Borges a été fasciné par la magie et l’ésotérisme. Un de
ses essais les plus connus s’appelle « L’art narratif et la magie »
dans Discussion. Il se passionne pour
l’écrivain suédois Emanuel Swedenborg qui raconte dans ses livres ses
rencontres avec les anges et pour l’auteur autrichien Gustav Meyrink,
spécialiste d’occultisme, qui a romancé la biographie de l’alchimiste John Dee,
L’Ange à la fenêtre d’Occident.
Sur notre
problème, Borges s’excuse ainsi : « Dans le cas du Bouddha, comme dans
celui d’autres fondateurs de religions, la principale difficulté à laquelle
l’investigateur se trouve confronté réside dans le fait qu’il n’y a pas deux
témoignages mais un seul : celui de la légende (sic !). Les faits
historiques sont cachés dans la légende, laquelle n’est pas une invention arbitraire
mais une déformation ou une amplification de la réalité. On sait que les
littérateurs hindous se complaisent aux hyperboles et aux somptuosités, ne
s’intéressant guère aux détails circonstanciels […] ». Validant cette
théorie, Borges nous décrit en détail tout ce qu’il aime, la magie, la poésie,
la métaphore, la vie symbolique du Bouddha. Ne faisons pas l’impasse sur
celle-ci, puisqu’elle a pu intéresser un grand érudit comme l’écrivain argentin
et qu’elle passionne sans doute nombre de bouddhistes.
La biographie
légendaire commence au ciel. Le Bodhisattva (qui deviendra le Bouddha, nom qui
signifie l’ « Eveillé ») a fini grâce aux mérites accumulés au
cours d’un nombre infini d’incarnations antérieures, par naître dans le
quatrième ciel des dieux. Du haut de son ciel, il regarde la terre et détermine
le siècle, le continent, le royaume et la caste où il renaîtra pour être le
Bouddha et sauver les hommes. Il choisit sa mère, la reine Maya (ce nom
signifie la force magique qui crée l’illusoire univers), femme de Suddhodana,
qui est roi dans la ville de Kapilavastu, au sud du Népal. Maya rêve que dans
son flanc entre un éléphant à six défenses, le corps couleur de neige et la
tête couleur de rubis. Les dieux élèvent alors un palais dans son corps ;
dans cet enclos le Bodhisattva attend son heure en priant. Dans le deuxième
mois de printemps, la reine traverse un jardin ; un arbre dont les
feuilles resplendissent comme le plumage du paon lui tend une branche ; la
reine l’accepte avec simplicité ; le Bodhisattva se lève alors et naît de
son flanc droit sans la déchirer.
Le nouveau-né fait sept pas, regarde à droite et à gauche, derrière lui et devant lui ; il constate qu’il n’y a dans l’univers personne de semblable à lui et il proclame d’une voix de stentor : Je suis le premier et le meilleur ; c’est là ma dernière naissance ; je viens mettre un terme à la souffrance, à la maladie et à la mort. Deux nuages versent de l’eau froide et de l’eau chaude pour le bain de la mère et de son fils ; les aveugles voient, les sourds entendent, les paralytiques marchent, les instruments de musique jouent tout seuls ; les dieux du quatrième ciel se réjouissent, chantent et dansent ; les réprouvés, dans l’enfer, oublient leurs peines. A cet instant même viennent au monde sa future femme, Yasodhara, son écuyer, son cheval, son éléphant et l’arbre à l’ombre duquel il parviendra à la libération.
Le nouveau-né fait sept pas, regarde à droite et à gauche, derrière lui et devant lui ; il constate qu’il n’y a dans l’univers personne de semblable à lui et il proclame d’une voix de stentor : Je suis le premier et le meilleur ; c’est là ma dernière naissance ; je viens mettre un terme à la souffrance, à la maladie et à la mort. Deux nuages versent de l’eau froide et de l’eau chaude pour le bain de la mère et de son fils ; les aveugles voient, les sourds entendent, les paralytiques marchent, les instruments de musique jouent tout seuls ; les dieux du quatrième ciel se réjouissent, chantent et dansent ; les réprouvés, dans l’enfer, oublient leurs peines. A cet instant même viennent au monde sa future femme, Yasodhara, son écuyer, son cheval, son éléphant et l’arbre à l’ombre duquel il parviendra à la libération.
Sa mère meurt
sept jours après la naissance du Bouddha et elle monte au ciel des trente-trois
Devas. Un visionnaire, Asita, entend la jubilation de ces divinités, descend de
sa montagne, prend l’enfant dans ses bras et dit : « Il est
l’incomparable. » Il constate la présence sur lui des signes de
l’élu : une sorte de haute couronne de chair au sommet de son crâne, des
cils de bœuf, quarante dents très serrées et très blanches, une mâchoire de
lion, et sa hauteur est égale à la largeur de ses bras ouverts, son teint est
doré, des membranes relient ses doigts et une centaine de figures apparaissent
sur la plante de ses pieds, parmi lesquelles le tigre, l’éléphant, la fleur de
lotus et le mont pyramidal Meru. Puis Asita pleure, parce qu’il se sait trop
vieux pour pouvoir être instruit de la doctrine que le Bouddha prêchera par la
suite.
Voilà
l’histoire de la naissance miraculeuse du Bouddha telle que la raconte sa
biographie légendaire.
La suite donc
au prochain numéro avec l’adolescence du Bouddha et sa future illumination
toujours dans cette narration hors normes. Amicales salutations.
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