mardi 17 janvier 2017

Extrait de mon livre "Jorge Luis Borges, une autre littérature" (deuxième partie).


Borges était aveugle




Je viens de recevoir une lettre de mon éditeur Les Belles Lettres qui me détaille le montant de mes droits d'auteur pour mon livre Jorge Luis Borges, une autre littérature. Je trouve la somme qu'ils me versent minable et scandaleuse. J'ai donc décidé de publier ce livre gratuitement sur Internet. Pour les magiciens, il faut savoir que Jorge Luis Borges, auteur argentin qui a quand même failli avoir le prix Nobel, était passionné par la prestidigitation. Une nouvelle de lui dans son livre Six problèmes pour Don Isidro Parodi "Les douze signes du Zodiaque" est entièrement basée sur un principe bien connu de mentalisme (c'est à vous de trouver ! ).

Introduction

1) Borges, invention française
Si l’on analyse la carrière internationale de Jorge Luis Borges, on peut parfois avoir le sentiment que l’auteur ar­gentin est une invention (au sens premier du terme qui est celui de découverte) de l’intelligentsia française. Dès 1922, alors qu’il n’a que 23 ans, une revue lyonnaise, Manomètre, publie un de ses poèmes, Samedi. En 1925, Valéry Larbaud écrit au sujet d’Inquisiciones (Inquisitions), son premier re­cueil d’essais : « Inquisiciones par Jorge Luis Borges est le meilleur livre de critique que nous avons reçu à ce jour, de l’Amérique latine [...] Nous saluons en ce livre le début d’une nouvelle époque de la culture argentine. » Pour cou­ronner le tout, en août 1933, la revue argentine Megáfono consacre un numéro spécial à Borges, et dans le texte d’ouverture Pierre Drieu La Rochelle déclare en français : « Bor­ges vaut le voyage ». En 1939, la revue française Mesures fait paraître pour la première fois dans une langue étran­gère une nouvelle de l’auteur argentin. Il s’agit de L’Approche d’Almotasim traduite sous le titre L’Approche du caché.

C’est ensuite un écrivain et sociologue français, Roger Caillois, qui prendra le relais, d’une façon décisive, dans la diffusion internationale de l’œuvre de Borges. Ayant pro­grammé une série de conférences en Argentine, il y est re­tenu par la guerre et y fait paraître à partir de 1941 Lettres françaises, des cahiers trimestriels de littérature française édités par les soins de la revue Sur (Sud). Dans son numéro 14, en 1944, paraissent dessyriennes : La Loterie à Babylone et La Bibliothèque de Babel. En 1951, le recueil de nouvelles Fictions est le numéro un de la nouvelle collection de Gallimard « La Croix du Sud » dédiée à la littérature sud-américaine et dirigée par Roger Caillois. Celui-ci n’aura de cesse de faire connaître l’œuvre de Borges au monde entier, y parvenant enfin, en 1961, grâce au prix Formentor offert par un regroupement inter­national d’éditeurs. Là encore, Caillois fait partie du jury, re­présentant les éditions Gallimard. Les premiers lauréats en seront conjointement Borges et Samuel Beckett.

Mais ce qui restera dans l’esprit du public français et peut-être international, c’est une allusion à l’auteur argen­tin dans la préface d’un ouvrage d’un des grands intellec­tuels du siècle, Les Mots et les choses de Michel Foucault : « Ce livre a son lieu de naissance dans un texte de Borges [...]. Ce texte cite «une certaine encyclopédie chinoise » où il est écrit que «les animaux se divisent en : a) appartenant à l’Empereur, b) embaumés, c) apprivoisés, d) cochons de lait, e) sirènes, f) fabuleux, g) chiens en liberté, h) inclus dans la précédente classification, i) qui s’agitent comme des fous, j) innombrables, k) dessinés avec un pinceau très fin en poils de chameau, l) et cetera, m) qui viennent de cas­ser la cruche, n) qui de loin semblent des mouches ». Dans l’émerveillement de cette taxinomie, ce qu’on rejoint d’un bond, ce qui, à la faveur de l’apologue nous est indiqué comme le charme exotique d’une autre pensée, c’est la li­mite de la nôtre : l’impossibilité nue de penser cela



 Par la suite, Borges continuera avec constance à être un des écrivains étrangers préférés de l’édition française et de son intelligentsia : après un magnifique numéro des Ca­hiers de l’Herne en 1964, pas moins de trois du Magazine littéraire lui sont consacrés (1979, 1988, 1999) et la recon­naissance finale sera la publication de ses œuvres complè­tes à partir de 1993 en deux volumes dans la prestigieuse «Bibliothèque de la Pléiade » des éditions Gallimard.

Pourtant, si l’on se penche sur l’énorme bibliographie de Borges, on s’aperçoit rapidement que cette reconnais­sance éditoriale et critique comporte d’incroyables lacu­nes. 

Voilà. C'est tout pour le moment. Amitiés à tous.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire