Borges était aveugle
Je viens de recevoir une lettre
de mon éditeur Les Belles Lettres qui me détaille le
montant de mes droits d'auteur pour mon livre Jorge Luis Borges, une autre littérature. Je trouve la somme qu'ils me versent
minable et scandaleuse. J'ai donc décidé de publier ce livre gratuitement sur
Internet. Pour les magiciens, il faut savoir que Jorge Luis Borges,
auteur argentin qui a quand même failli avoir le prix Nobel, était passionné
par la prestidigitation. Une nouvelle de lui dans son livre Six problèmes pour Don Isidro Parodi "Les douze signes du
Zodiaque" est entièrement basée sur un principe bien connu de mentalisme
(c'est à vous de trouver ! ).
Introduction
1) Borges, invention française
Si l’on analyse la carrière
internationale de Jorge Luis Borges, on peut parfois avoir le sentiment que
l’auteur argentin est une invention (au sens premier du terme qui est celui de
découverte) de l’intelligentsia française. Dès 1922, alors qu’il n’a que 23
ans, une revue lyonnaise, Manomètre, publie un de ses poèmes, Samedi.
En 1925, Valéry Larbaud écrit au sujet d’Inquisiciones (Inquisitions),
son premier recueil d’essais : « Inquisiciones par Jorge Luis Borges
est le meilleur livre de critique que nous avons reçu à ce jour, de l’Amérique
latine [...] Nous saluons en ce livre le début d’une nouvelle époque de la
culture argentine. » Pour couronner le tout, en août 1933, la revue argentine Megáfono
consacre un numéro spécial à Borges, et dans le texte d’ouverture Pierre
Drieu La Rochelle déclare en français : « Borges vaut le voyage ». En 1939, la
revue française Mesures fait paraître pour la première fois dans une
langue étrangère une nouvelle de l’auteur argentin. Il s’agit de L’Approche
d’Almotasim traduite sous le titre L’Approche du caché.
C’est ensuite un écrivain et sociologue français, Roger
Caillois, qui prendra le relais, d’une façon décisive, dans la diffusion
internationale de l’œuvre de Borges. Ayant programmé une série de conférences en
Argentine, il y est retenu par la guerre et y fait paraître à partir de 1941 Lettres
françaises, des cahiers trimestriels de littérature française édités par
les soins de la revue Sur (Sud). Dans son numéro 14, en 1944,
paraissent dessyriennes : La
Loterie à Babylone et La Bibliothèque de Babel. En 1951, le recueil
de nouvelles Fictions est le numéro un de la nouvelle collection de
Gallimard « La Croix du Sud » dédiée à la littérature sud-américaine et dirigée
par Roger Caillois. Celui-ci n’aura de cesse de faire connaître l’œuvre de
Borges au monde entier, y parvenant enfin, en 1961, grâce au prix Formentor
offert par un regroupement international d’éditeurs. Là encore, Caillois fait
partie du jury, représentant les éditions Gallimard. Les premiers lauréats en
seront conjointement Borges et Samuel Beckett.
Mais ce qui restera dans l’esprit
du public français et peut-être international, c’est une allusion à l’auteur
argentin dans la préface d’un ouvrage d’un des grands intellectuels du
siècle, Les Mots et les choses de Michel Foucault : « Ce livre a son
lieu de naissance dans un texte de Borges [...]. Ce texte cite «une certaine
encyclopédie chinoise » où il est écrit que «les animaux se divisent en : a)
appartenant à l’Empereur, b) embaumés, c) apprivoisés, d) cochons de lait, e)
sirènes, f) fabuleux, g) chiens en liberté, h) inclus dans la précédente
classification, i) qui s’agitent comme des fous, j) innombrables, k) dessinés
avec un pinceau très fin en poils de chameau, l) et cetera, m) qui viennent de
casser la cruche, n) qui de loin semblent des mouches ». Dans l’émerveillement
de cette taxinomie, ce qu’on rejoint d’un bond, ce qui, à la faveur de
l’apologue nous est indiqué comme le charme exotique d’une autre pensée, c’est
la limite de la nôtre : l’impossibilité nue de penser cela.
Par la suite, Borges continuera avec constance à être un des écrivains étrangers préférés de l’édition française et de son intelligentsia : après un magnifique numéro des Cahiers de l’Herne en 1964, pas moins de trois du Magazine littéraire lui sont consacrés (1979, 1988, 1999) et la reconnaissance finale sera la publication de ses œuvres complètes à partir de 1993 en deux volumes dans la prestigieuse «Bibliothèque de la Pléiade » des éditions Gallimard.
Par la suite, Borges continuera avec constance à être un des écrivains étrangers préférés de l’édition française et de son intelligentsia : après un magnifique numéro des Cahiers de l’Herne en 1964, pas moins de trois du Magazine littéraire lui sont consacrés (1979, 1988, 1999) et la reconnaissance finale sera la publication de ses œuvres complètes à partir de 1993 en deux volumes dans la prestigieuse «Bibliothèque de la Pléiade » des éditions Gallimard.
Pourtant, si l’on se penche sur l’énorme bibliographie de Borges, on s’aperçoit rapidement que cette reconnaissance éditoriale et critique comporte d’incroyables lacunes.
Voilà. C'est tout pour le moment. Amitiés à tous.
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