Paul Goodman
J’ai déjà évoqué dans ce blog
deux types de méthodes psychologiques récentes, les thérapies comportementales et cognitives et la programmation neuro linguistique. Je vais aborder à présent une
des méthodes les plus actuelles, la Gestalt-thérapie, à travers le livre de
Gonzague Masquelier, Vouloir sa vie, la Gestalt-thérapie aujourd’hui. Je commencerai en donnant un aperçu de la vie
de Fritz Perls qui en est le premier créateur (voir pour le début de cette
biographie, l’article précédent)
En 1934, à 41 ans, Fritz Perls fuit
l'Allemagne nazie et s'installe en Afrique du Sud, où il fonde l'Institut
sud-africain de psychanalyse. Sa pratique demeure alors traditionnelle : 5
séances par semaine, de 50 minutes chacune, sans aucun contact avec les
clients. Il dira plus tard qu'il était devenu « un cadavre calculateur,
comme la plupart des psychanalystes de l'époque ». Il s'y constitue une
clientèle importante et devient rapidement célèbre et riche : il s'installe
dans une résidence somptueuse, avec tennis, piscine privée et… piste de
patinage sur glace ! Il pilote son avion et mène avec son épouse une vie
bourgeoise très mondaine.
Deux ans plus tard, ce sera la
grande rupture : Fritz Perls se rend au Congrès international de psychanalyse,
à Prague, et y présente une communication sur les résistances orales. Il y
soutient que l'instinct de faim est aussi central que l'instinct sexuel et que
l'agressivité est un comportement positif de survie apparaissant dès les
premières dents. L'accueil de ses collègues est glacial. Freud lui adresse tout juste quelques mots et Reich
le reconnaît à peine alors qu'il l'avait reçu en analyse tous les jours pendant
deux ans ! Perls est profondément offensé et il en conservera toute sa vie une
animosité envers ses anciens maîtres.
De retour en Afrique du Sud, Fritz
Perls rédige son premier livre Le Moi, la Faim et l'Agressivité, publié en 1942. La première
édition est sous-titrée « Une
révision de la théorie de Freud »… Ce dernier, comme on sait,
supportait mal les critiques ! On y voit se dessiner déjà ce qui, après neuf
ans de gestation, deviendra la Gestalt-thérapie : l'importance du moment
présent, la place du corps, le contact direct, la valorisation des sentiments,
l'approche globale, le développement de la responsabilité du patient, etc.
Après la Deuxième Guerre
mondiale, en 1946, Perls décide de
tout quitter : sa famille, sa situation confortable, sa clientèle fortunée, et,
à 53 ans, tente l'aventure américaine. Il ouvre son cabinet à New York, et se
constitue bientôt une nouvelle clientèle. Bien qu’il soit « déviant »
en regard de l’orthodoxie, il utilise encore le divan traditionnel et se
cantonne à un travail verbal.
Cinq ans plus tard, il débute
officiellement dans la pratique de sa nouvelle méthode : la Gestalt-thérapie,
après avoir exercé pendant 23 ans comme psychanalyste, il est alors âgé de 58
ans.
A New York, il mène une vie de
bohème, parmi les « intellectuels de gauche » : écrivains et hommes
de théâtre de la « nouvelle vague ». Il fréquente le Living Theater,
qui prône l'expression immédiate du ressenti, ici et maintenant, à travers le
contact direct et spontané avec le public, l'improvisation, et non
l'apprentissage traditionnel de rôles par répétitions.
Sa femme l'a rejoint, et tous
les mercredis soirs , le « Groupe des Sept » se réunit chez eux, il
comprend notamment, Paul Goodman (un écrivain polémiste qui mettra en forme les
manuscrits de Perls), Isadore From (un philosophe phénoménologue qui fera
connaître la Théorie du self ), Paul Weisz (qui initie Perls au Zen), etc.
Le livre, baptisé Gestalt Therapy, rédigé pour l'essentiel
par Paul Goodman à partir de notes manuscrites remises par Perls est publié en
1951 ( en français Gestalt-thérapie ). Le texte est abscons et ne remporte que peu
de succès : à peine quelques centaines d'exemplaires seront vendus.
A partir de 1952, Fritz Perls,
sa femme, Paul Goodman et Isadore From commencent à enseigner la Gestalt à New
York et à Cleveland. Le succès demeure limité, les étudiants encore peu
nombreux ; Fritz Perls, pour tenter de faire connaître son approche dans
toute l'Amérique, donne de nombreuses conférences du Canada à la Californie et
jusqu’à la Floride.
En 1956, Fritz Perls, découragé et fatigué de
« prêcher dans le désert », s'éloigne de sa femme Laura. Il est
cardiaque (il fume trois paquets de cigarettes par jour). Il a 63 ans,
considère sa vie comme « achevée dans l'indifférence générale et
l'incompréhension » et décide de prendre sa retraite à Miami, au soleil de
Floride. Il loue un petit appartement où il vit seul, sombre et replié sur
lui-même. Il reçoit quelques rares clients en thérapie, mais il n'a plus aucun
ami. Il évite toute activité sexuelle, par crainte d'une crise cardiaque…
Un « miracle » se
produit pourtant ! Marty, une jeune femme de 32 ans tombe amoureuse de lui.
L'amour réveille l'énergie défaillante de l'homme vieillissant, et il vit alors
deux années d’une intense passion et de bonheur tardif… jusqu'à ce que Marty le
quitte pour un amant plus jeune !
Fritz reprend alors une vie
d'errance, il anime des conférences et démonstrations de ville en ville. Âgé de
70 ans, il entreprend un tour du monde de dix-huit mois et séjourne notamment
dans un petit village de jeunes artistes « beatniks » en Israël. Il
est fasciné par leur mode de vie libertaire et confiant, et se remet lui-même à
la peinture. Puis il se rend au Japon et s'installe pour quelques mois dans un
monastère zen… mais sans y rencontrer l'illumination espérée. En avril 64,
Fritz Perls s'établit à Esalen, au sud de San Francisco, dans une propriété
devenue depuis célèbre, et baptisée « La Mecque de la psychologie
humaniste ». De jeunes Américains, passionnés de psychologie et
d'orientalisme, y animent un Centre de Développement du Potentiel humain où ils
invitent d'éminents conférenciers pour animer séminaires et stages.
Fritz Perls y organise quelques
sessions de Gestalt et multiplie les démonstrations. Mais son heure de gloire
n'est pas encore venue et ses stages n'attirent que 4 ou 5 participants dans le
meilleur des cas !
Voilà. C’est tout pour le moment.
La suite au prochain numéro. Amitiés à tous.
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