Fritz Perls.
Je viens de lire un livre que
j’ai trouvé à la fois formidablement bien écrit, original et passionnant. Je
voudrais vous en faire part à travers quelques articles de ce blog. Il s’agit
de « Ma Gestalt-thérapie, une poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans » de Fritz Perls.
Cet article est la suite de celui-ci.
Voici le résumé de ce livre.
La plupart des médecins allemands
étaient des constipés et portaient le masque de l'absolue respectabilité. Je
suis sûr qu'ils désapprouvaient mes voyages. Moi, je le leur rendais bien. Ils
appartenaient à la grande bourgeoisie prétentieuse, alors que mes amis et moi
étions de ces Berlinois bohèmes dont le quartier général était le Café de
l'Ouest, et plus tard le Romanische Café.
Un grand nombre de philosophes,
d'écrivains, de peintres, de politiciens aux idées avancées et de parasites se
rencontraient en cet endroit. Friedlander faisait bien entendu partie de la
bande, encore que nous nous rencontrions le plus souvent chez un peintre ami.
Friedlander gagnait sa vie en écrivant des histoires très drôles sous le nom de
plume de Mynona (Anonym à l'envers). Son œuvre philosophique L'Indifférence créatrice eut sur moi un
effet fantastique. Quant à sa personnalité, disons que c'était le premier homme que je vénérais, et devant qui je me
sentais humble, me mettais à genoux. Il n'y avait plus place pour mon arrogance
chronique.
Si je m'efforce de rationaliser
et de faire le point sur ce qui m'attira vers Friedlander et sa philosophie, je
suis pris dans un tourbillon de pensées, de sentiments et de souvenirs. La
philosophie était un mot magique, quelque chose qu'il fallait comprendre pour
comprendre soi-même et le monde, un antidote à ma confusion existentielle et à
mon égarement. J'ai toujours su venir à bout des arguments les plus captieux.
La question : « Combien d'anges peuvent danser sur la pointe d'une aiguille ? »
était une supercherie facile, un mélange de choses réelles et de symboles. «
Qu'est-ce qui vient en premier, l'œuf ou la poule ? » non seulement rejette
l'image globale d'un processus ininterrompu, mais néglige spécifiquement le
point de départ. Quelle poule ? Quel œuf ? Reich a été la victime typique de ce
genre de confusion de pensée.
A l'école nous lisions Sophocle
et Platon dans le texte. J'aimais le dramaturge, mais Platon, comme tant
d'autres philosophes, proposait un idéal et exigeait des autres une conduite
que lui-même n'observait pas. J'en eus
assez de cette hypocrisie, comme de celle de mon père qui prêchait une chose et
en vivait une autre.
Quant à Socrate, il me surpassait
même en arrogance en disant : « Vous êtes tous des cons de penser que vous
savez quelque chose ! Mais moi, Socrate, je ne suis pas con. Je sais que je ne
sais pas ! Ce qui me donne le droit de vous torturer de questions et de vous
montrer comme vous êtes cons. » A quel point peut-on glorifier l'intellect ?
L'enseignement courant en
psychologie était formé d'un mélange de physiologie et des quatre catégories de
l'esprit : la raison, les émotions, la volonté et la mémoire.
Je ne vais tout de même pas me
mettre à énumérer les cent explications différentes qui étaient avancées comme
représentation de la Vérité (de
nouveau avec un grand V).
Dans ce tourbillon, Friedlander
apporta une manière simple de s'orienter de prime abord. Tout ce qui est se
différencie en contraires. Si vous êtes la proie d'une des forces opposées,
vous voilà piégé, ou du moins en déséquilibre. Si vous vous tenez dans le néant
du centre, au point zéro, vous êtes en équilibre et vous avez une perspective.
Plus tard, je me suis rendu
compte que c'était là l'équivalent occidental de l'enseignement de Lao-Tseu.
Pour moi, l'orientation de
l'indifférence créatrice est vraiment claire. Je n'ai rien à ajouter au premier
chapitre de Le moi, la faim et l’agressivité.
Bon sang, ce que je suis coincé !
C'est la seule phrase qui me soit venue sous la plume en parlant de cette
vieille merde ! Pouah, Fritz, tu n'as pas honte ? Voilà une heure, fin de
séance pénible, trop de thérapie. Réussi finalement à extirper quelques griefs
— fantômes noirs qui ont quitté la pièce comme des chauves-souris. Suis
descendu à la résidence. Ils dansaient, j'étais gonflé à bloc, fini le cafard.
J'étais assis là, triste, insensible
aux appels du regard, ouvrant les yeux moi-même, tristesse, lassitude,
indifférence. Il me fallait parfois
plusieurs jours pour surmonter une dépression. Cette fois j'y suis resté
plongé, résistant au désir de tendre la main vers un semblant de réconfort.
Aujourd'hui, ça ne m'a pris que vingt minutes. Je suis à nouveau moi-même, la
plume court sur le papier. Il est près d'une heure. Les deux dernières nuits,
j'ai écrit jusque vers trois heures du matin. J'ai écouté le Journal parlé
d'une heure. Nous n'avons ni télévision ni modulation de fréquence, simplement
la modulation d'amplitude qui s'affaiblit par moments. Le soir, un programme de
musique classique, « American Airline », nous parvient assez bien. Nous n'avons
pas de journaux non plus. Alors j'écoute si possible les informations d'une
heure. Je me tiens au courant de l'actualité en lisant Newsweek. La grande
émotion de la semaine : nous avons un reportage dans Life. Ça semble drôle, comme si nous devenions respectables. Et
j'ai une mauvaise réputation à soutenir !
Arrête, Fritz ! Cesse de
tempêter,
Cesse de délirer.
Sois écrivain ! Vide ton sac.
La poésie est bonne parfois, de
même la contemplation
De ta mauvaise humeur
Et de ta joie.
Assieds-toi et dis-nous comment
Mieux qu'une âme ou que Dieu
Le néant créateur
Peut nous faire comprendre.
Ce chapitre, laisse-le dans la
poubelle
Avec les autres ordures.
Prends quelques exemples,
illustre-les.
Éclaire un peu les ténèbres.
Voilà. C’est tout pour le moment
comme dans les séries télé américaines ou les romans-feuilletons du
dix-neuvième siècle. Amitiés à tous.
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