Une autre présentation du livre.
Récemment est paru en livre de
poche L’art et la science de se souvenir de tout qui est en fait le même livre que l’ouvrage en grand format Aventures au cœur de la mémoire (tous
les deux la traduction de Moonwalking
with Einstein).
Aventures au cœur de la mémoire est un livre référence dans le
monde de la mémoire. Il y est question de l’histoire de la mémoire et de la
mnémotechnie, de la naissance des Mémoriades, les Championnats du monde de
mémoire, en 1991, mais surtout de la manière dont un journaliste indépendant,
Joshua Foer, est devenu champion de mémoire des États-Unis en 2006 alors qu’il
ne savait même pas ce qu’était une technique de mémorisation un an auparavant !
Cet article est la suite de celui-ci.
Joshua Foer le présente ainsi : "À l'avant de la salle, l'arbitre en chef, un ancien sergent instructeur, cria :
« C'est parti ! » Ma juge actionna le chronomètre et je commençai à tirer les
cartes du paquet, trois à la fois, de la main droite, aussi vite que cela
m'était possible.
Je stockai les images dans un palais de mémoire que je
connaissais mieux qu'aucun autre : la maison de Washington dans laquelle je
vivais depuis l'âge de quatre ans — celle que j'avais utilisée pour mémoriser
la liste de choses à faire d'Ed, sur notre rocher de Central Park, un an plus
tôt.
Devant la porte, je vis mon amie Liz disséquant un cochon (deux de cœur, deux de carreau, trois de cœur). Juste derrière le seuil, l'incroyable Hulk faisait du vélo d'appartement, les lobes de ses oreilles étirés par de bizarroïdes boucles d'oreilles (trois de trèfle, sept de carreau, valet de pique). À côté du miroir, au pied de l'escalier, le footballeur Terry Bradshaw se balançait dans un fauteuil roulant (sept de cœur, neuf de carreau, huit de cœur), et juste derrière lui un jockey nain coiffé d'un sombrero sautait d'un avion avec un parapluie en guise de parachute (sept de pique, huit de carreau, quatre de trèfle). J'étais à la moitié du jeu, lorsque la voix teutonique de Maurice perça de nouveau mon casque antibruit : « Arrêtez de vous balader comme ça autour de nous ! » hurlait-il, sans doute contre un autre photographe. Cette fois, je ne le laissai pas me déconcentrer. Dans la chambre de mon frère, je vis mon ami Ben pisser sur la calotte du pape Benoît XVI (dix de carreau, deux de trèfle, six de carreau). Dans le couloir Jerry Seinfeld gisait ensanglanté sur le capot d'une Lamborghini (cinq de cœur, as de carreau, valet de cœur). Sur le seuil de la chambre de mes parents, je plaçai une image de moi-même dansant le moonwalk avec Einstein (quatre de pique, roi de cœur, trois de carreau).
Devant la porte, je vis mon amie Liz disséquant un cochon (deux de cœur, deux de carreau, trois de cœur). Juste derrière le seuil, l'incroyable Hulk faisait du vélo d'appartement, les lobes de ses oreilles étirés par de bizarroïdes boucles d'oreilles (trois de trèfle, sept de carreau, valet de pique). À côté du miroir, au pied de l'escalier, le footballeur Terry Bradshaw se balançait dans un fauteuil roulant (sept de cœur, neuf de carreau, huit de cœur), et juste derrière lui un jockey nain coiffé d'un sombrero sautait d'un avion avec un parapluie en guise de parachute (sept de pique, huit de carreau, quatre de trèfle). J'étais à la moitié du jeu, lorsque la voix teutonique de Maurice perça de nouveau mon casque antibruit : « Arrêtez de vous balader comme ça autour de nous ! » hurlait-il, sans doute contre un autre photographe. Cette fois, je ne le laissai pas me déconcentrer. Dans la chambre de mon frère, je vis mon ami Ben pisser sur la calotte du pape Benoît XVI (dix de carreau, deux de trèfle, six de carreau). Dans le couloir Jerry Seinfeld gisait ensanglanté sur le capot d'une Lamborghini (cinq de cœur, as de carreau, valet de cœur). Sur le seuil de la chambre de mes parents, je plaçai une image de moi-même dansant le moonwalk avec Einstein (quatre de pique, roi de cœur, trois de carreau).
L'art de la mémorisation des
cartes consiste à trouver le meilleur équilibre possible entre rapidité de
progression dans le paquet et précision des images formées. On doit saisir
juste ce qu'il faut de chaque image pour être capable de la reconstruire plus
tard, sans perdre la moindre fraction de seconde à imaginer plus de couleurs,
plus de détails que nécessaire. Quand je posai les paumes à plat sur la table
pour que la juge arrête le chronomètre, je me doutais que, question équilibre,
j'avais plutôt cartonné. Mais j'ignorais que j'avais carrément cartonné.
La juge me brandit le chronomètre
sous le nez : une minute et quarante secondes. Non seulement je n'avais jamais
fait un aussi bon temps à l'entraînement, mais en plus j'avais pulvérisé le
record des États-Unis qui était alors à une minute et cinquante-cinq secondes !
Je fermai les yeux, me penchai en avant pour poser le front sur la table,
murmurai un bon gros juron pour mes seules oreilles et pris une seconde ou deux
pour me rendre compte que je venais peut-être de faire un truc, aussi bizarre
et aussi insignifiant soit-il, que personne n'avait jamais fait auparavant aux
États-Unis.
Je relevai la tête et jetai un
coup d'œil vers Maurice Stoll qui caressait son bouc, visiblement inquiet. Son
trouble me procura un odieux sentiment de satisfaction. Puis je regardai
Chester et devins nerveux. Il affichait un sourire triomphant. Il n'aurait pas
dû. Son temps était pathétique : deux minutes et quinze secondes.
Au championnat du monde, où le
meilleur temps est de trente secondes, ma minute quarante aurait été considérée
comme tout juste passable — l'équivalent, pour tout mnémoniste européen qui se
respecte, d'un mile en cinq minutes à la course à pied. Mais nous n'étions pas
en Europe.
La nouvelle de mon temps record
se répandit en quelques instants à travers la salle ; caméras et spectateurs
commencèrent à se rassembler autour de moi. La juge posa un second jeu de
cartes, non mélangé, sur la table, et le poussa vers moi. À présent, je devais
mettre les cartes de ce jeu dans l'ordre de celui que je venais de mémoriser.
J'étalai les cartes en éventail
sur la table, pris une profonde inspiration et fis un tour complet de mon
palais. Je revis toutes mes images disposées exactement là où je les avais
laissées — sauf une. Elle aurait dû être dans la douche, dégoulinante d'eau,
mais je n'apercevais que des carreaux de faïence beige.
« Je ne la vois pas », pensai-je,
frénétique. « Je ne la vois pas ! » Je passai à nouveau par chacune de mes
images, le plus vite possible. Avais-je oublié deux orteils démesurés ? Un
dandy avec une chemise à plastron ? Le généreux balcon de Pamela Anderson ? La
grenouille des céréales Smacks ? Une armée de Sikhs enturbannés ? Non,
non, non, non.
De l'index, je commençai à faire
glisser sur la table les cartes dont je me souvenais. En haut à gauche, je
plaçai mon amie Liz et son cochon mort. À côté, Hulk sur son vélo puis Terry
Bradshaw avec son fauteuil roulant... Quelques secondes avant la fin de mes
cinq minutes de temps de rappel, il restait trois cartes orphelines devant moi.
Le trio qui avait disparu de la douche : le roi de carreau, le quatre de cœur
et le sept de trèfle. Bill Clinton copulant avec un ballon de basket. Comment
pouvais-je avoir oublié ça ?
Je regroupai rapidement toutes
les cartes classées, posai le paquet devant ma juge et retirai mon casque et
mes bouchons d'oreilles. J'avais cassé la baraque. J'en étais certain.
Après avoir attendu qu'un des caméramen
se positionne pour la meilleure prise de vues possible, la juge commença à
retourner les cartes du premier jeu l'une après l'autre. Pour maximiser l'effet
dramatique, j'en fis autant avec le jeu que j'avais réorganisé. Toutes les cartes se correspondaient. J'étais le nouveau détenteur du record américain de vitesse aux cartes."
Voilà. C’est tout pour le moment.
Amitiés à tous !
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