vendredi 30 juin 2017

Compte rendu de « Comment développer une mémoire extraordinaire » de Dominic O’Brien (sixième partie), chapitre «Comment tout a commencé pour moi».


Un autre champion du monde de mémoire, Ben Pridmore.

Pour faire suite à mes trois articles sur la mnémotechnie sur le site Virtual Magie et à mon étude Introduction au mentalisme, à l'hypnose et à la mnémotechnie, je réalise un compte rendu détaillé du livre qui est pour moi le meilleur des ouvrages actuels sur le sujet, Comment développer une mémoire extraordinaire de Dominic O’Brien, huit fois champion du monde de mémoire et qui était un élève à la fois lent et inattentif.

Dans le chapitre « Comment tout a commencé pour moi », Dominic O’Brien évoque ses débuts, sa première mémorisation d’un jeu de cartes complet,  après avoir vu à la télévision le mnémotechnicien Creighton Carvello réaliser cet exploit. Cela s’est passé lorsqu’il a commencé à reconnaître des gens et des objets dans les cartes ! Voici ce qu’il écrit :

« Nous avons tendance à considérer la mémoire comme une fonction acquise du cerveau. Les personnes distraites (celles qui ont l’habitude d’oublier les noms ou les anniversaires des membres de leur famille et de leurs amis, celles qui doivent retourner au magasin parce qu’elles y ont laissé quelque chose) disent souvent qu’elles aimeraient avoir une meilleure mémoire. Il est cependant peu probable que ces paroles impliquent une vraie volonté de changement. Peu de gens prennent le temps d’être reconnaissants envers l’outil précieux et extraordinaire qu’est la mémoire.

Procédons à un petit exercice : imaginez quelle serait votre vie sans mémoire. Vous n’auriez pas d’images mentales de vos amis, de votre famille et des endroits qui vous sont familiers. En fait, vous perdriez votre identité. Votre sentiment d’appartenance (à l’égard des gens et des endroits) s’estomperait. Les leçons que vous avez tirées de vos erreurs et de vos accomplissements disparaîtraient également. Cela aurait des conséquences tragiques sur l’image que vous avez de vous-même.

Inversement, une mémoire puissante est non seulement un instrument utile (elle aide à faire face aux activités de la vie quotidienne comme téléphoner à un parent, trouver un trousseau de clés ou faire cuire une pizza), mais elle est également une source incroyable de richesse intérieure. D’après mon expérience, la mémoire elle-même est beaucoup plus importante que ce qu’on y stocke : c’est une source de confiance et de réconfort, une force inhérente à la connaissance de soi.

Nous y reviendrons mais, tout d’abord, j’aimerais vous ramener au début de mon parcours, qui a commencé en 1987, alors que j’étais âgé de 30 ans. Cette année-là, j’ai vu le maître Creighton Carvello mémoriser une séquence aléatoire de 52 cartes à la télévision et j’ai voulu savoir comment il avait fait pour accomplir un exploit aussi impressionnant, apparemment surhumain. Était-il un génie ? Utilisait-il une stratégie ? Était-il un être surnaturel ou tout simplement brillant ?

Armé d’un jeu de cartes, j’ai tenté de reproduire sa prouesse. Cependant, comme la plupart des gens, je ne me rappelais que des cinq ou six premières cartes, puis j’étais dépassé. Je me demandais comment Creighton Carvello avait accompli cet apparent miracle de l’esprit. Ce mystère me fascinait ; telle était ma nature. Je souhaitais faire la lumière sur ce phénomène. En effet, je croyais que, si le maître était capable d’accomplir une telle chose, je l’étais aussi.

Mon point de départ a été un jeu auquel je jouais lorsque j’étais enfant, au cours des longs trajets en voiture. Vous aussi, vous avez probablement joué à ce jeu que j’appelais : « Je pars en voyage et j’emporte... » À tour de rôle, les participants ajoutent un nouvel objet à ceux de la liste. Pour ce faire, ils doivent d’abord passer en revue les articles précédents : « Je pars en voyage et j’emporte un livre », puis « Je pars en voyage et j’emporte un livre et un parapluie », et ainsi de suite. Dès qu’un joueur oublie un objet, il est disqualifié. Quand il ne reste plus qu’un participant en lice, il gagne la partie. J’étais assez bon à ce jeu mais, comme la majorité des gens, je ne faisais que répéter les mots dans ma tête en espérant qu’ils s’y ancreraient. Parfois, je les imaginais l’un à côté de l’autre, et cela m’aidait. Toutefois, dans l’ensemble, je n’utilisais pas de stratégie particulière pour me faciliter la tâche ou pour améliorer mes capacités.

J’ai réfléchi à ce jeu en pensant à l’exploit accompli par Creighton Carvello. Il m’a vite semblé évident qu’il n’utilisait pas la répétition pour mémoriser la suite de cartes ; en effet, il tournait une seule fois chacune des cartes, puis il passait à la suivante. Jamais il ne les regardait de nouveau. Par conséquent, il ne révisait pas la suite pour bien la retenir. Dans ce cas, comment procédait-il ? Et moi, comment serais-je en mesure de mémoriser 52 cartes d’un coup ?

Je me suis demandé s’il m’était possible de conditionner mon corps à bouger d’une certaine façon selon le type de carte retournée. Par exemple, si la première carte était un 3 de trèfle, je pourrais tourner la tête d’environ trois degrés ; si la deuxième carte était un roi de carreau, je pourrais bouger la langue vers la joue droite, et ainsi de suite. Il n’y avait pas de lien immédiat entre les cartes et les mouvements. Cependant, je me disais que, si je maîtrisais mon code et si je l’utilisais dans mes tentatives de mémorisation, la séquence s’ancrerait plus facilement que le nom des cartes. Assez rapidement, j’ai compris que cette méthode n’était pas pratique. J’ai alors utilisé une formule mathématique comme solution de rechange. Par exemple, si les deux premières cartes étaient un 4 et un 8, je pourrais multiplier les chiffres pour obtenir 32. Cependant, comment m’y prendrais-je pour retenir ce nombre ? Et comment intégrerais-je la séquence ? Aucune de mes méthodes ne semblait fonctionner.

Je me suis vite rendu compte que ces techniques n’étaient que des diversions. Je suis allé à la bibliothèque pour voir si la solution se trouvait dans un livre mais, à cette époque, il n’y avait pas d’ouvrage sur le développement de la mémoire. Je ne pouvais pas non plus consulter Internet, parce qu’il n’existait pas tel qu’on le connaît aujourd’hui. J’ai dû me rendre à l’évidence : la seule façon de trouver une réponse à mon problème était de procéder par essais et erreurs.

À ce moment-là, j’ai compris que la logique et le pouvoir de déduction devaient jouer un rôle dans ma démarche (je ne savais pas encore tout à fait lequel), mais que la clé de la réussite résidait dans mon imagination et ma créativité. J’avais entendu dire que l’invention d’une histoire était une bonne façon de retenir des renseignements. J’ai jonglé avec cette idée. Les minutes sont devenues des heures, et les heures, des jours. J’ai commencé à « reconnaître » des gens et des objets dans les cartes et j’ai ainsi été capable de mémoriser une douzaine de celles-ci sans commettre d’erreur. J’ai mis à profit ce code prometteur pour créer une histoire avec chaque séquence. Pour moi, il s’agissait d’un progrès modeste mais significatif, et cela m’a donné la stimulation nécessaire pour continuer jusqu’à être capable d’accomplir l’exploit de Creighton Carvello.

Dès le début de l’utilisation de cette technique, j’ai réussi à relever le défi. En combinant les méthodes de « scénarisation » et d’utilisation de lieux (dont il sera question dans un prochain article), j’ai pu me souvenir sans commettre d’erreur d’une séquence de 52 cartes. Encore aujourd’hui, lorsque j’évoque ce moment, j’éprouve exactement le même sentiment de réussite. Ce n’était pas seulement un accomplissement ; c’était un exploit incroyablement stimulant pour moi. Je n’avais jamais ressenti cela auparavant. J’étais comme ivre. Je n’allais sûrement pas m’arrêter là !

En peu de temps, grâce à ma curiosité, à mon obstination et à ma détermination, je suis parvenu à utiliser cette stratégie pour mémoriser non pas un, mais plusieurs jeux de cartes d’un seul coup d’œil. J’étais en train de décupler ma capacité de restitution, entre autres choses. D’après moi, ces balbutiements ont mis en branle une suite d’événements qui allaient engendrer une restructuration complète des multiples fonctions de mon cerveau, en commençant par ma créativité.

La libération de mon imagination

Lorsque j’ai commencé à chercher la clé pour répéter l’exploit de Creighton Carvello et que j’ai véritablement exploré ce que mon cerveau avait d’étrange et de merveilleux à offrir, j’ai constaté que ma créativité augmentait. Plus je travaillais ma mémoire, plus les idées et les associations fusaient. Au cœur de mon système se trouve le processus de transformation des cartes à jouer en images mentales. Au début, c’était lent et laborieux mais, après un certain temps, un flot régulier de pensées colorées et d’images a commencé à me venir à l’esprit automatiquement.

Rapidement, j’ai appliqué ces méthodes à la mémorisation d’énormes séquences de chiffres, de longues listes de mots, de centaines de nombres binaires, de faits, d’associations de noms et de visages, de numéros de téléphone, de poésies, et plus encore. Le fait de devenir un maître de la mémoire a donné, je crois, libre cours à ma créativité, qui avait été inhibée par des années d’obligation à rester tranquille et d’écouter en classe. Tout à coup, mon esprit était libre ! »


Voilà. C’est tout pour le moment. Amitiés à tous.

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